Avalanche
6.6
Avalanche

livre de Raphaël ()

Après des années passées sur la route dans une caravane à se faire un prénom, l'ami Raphaël entreprend de se faire un nom dans la littérature. Retourner à la mer, sa première tentative sous forme de recueil de nouvelles, s'est soldé par un Prix Goncourt de la nouvelle, l'encourageant à poursuivre dans la forme courte avec Une éclipse.

Le voici qui franchit désormais le pas du long format avec un premier roman, Avalanche, tiraillé entre de belles intentions de fond et une faiblesse de forme qui les handicapent sérieusement.


Situé à la fin des années 80, en 1989 précisément, au moment de la Chute du Mur de Berlin, et de l'arrestation et de l'exécution des Ceaucescu en Roumanie (deux événements évoqués dans le récit), Avalanche est une immersion dans une adolescence qui doit ressembler fortement à celle de l'auteur, dont l'âge à l'époque, quinze ans, coïncide avec celui du narrateur.

Il est vraisemblable que Raphaël Haroche ait puisé dans ses souvenirs et ses sensations de l'époque, car sa manière de restituer la violence de ce moment de la vie, son inquiétude permanente, sa brutalité, son sentiment omniprésent de culpabilité couplé à un désir d'être aimé qui passe souvent avant celui d'aimer (et de s'aimer soi-même), est la grande réussite du livre. Le romancier se montre sans complaisance ni concession pour son jeune protagoniste, dressant un creux un portrait crépusculaire de cet âge ingrat qui donnerait à n'importe quel enfant le souhait de zapper ce passage de l'existence pour glisser directement à la case adulte.


Avalanche est un roman étrange, qui passe d'une séquence à une autre sans forcément chercher d'articulation entre elles. Ce sont des instants de vie, captés pour l'essentiel dans le pensionnat suisse qui lui sert de décor anxiogène, théâtre pathétique où l'on se donne les apparences de la respectabilité alors que se jouent en coulisses les affres de la jeunesse, l'attrait pour l'autodestruction, la tentation des extrêmes, les compulsions sexuelles qui semblent guider chaque intention des adolescents.

On pourra regretter une forme de complaisance chez Haroche lorsqu'il aborde ces questions, semblant réduire son narrateur à un obsédé pour qui penser ou prononcer les mots les plus vulgaires du vocabulaire sexuel finissent par former une habitude lassante, sans parler de sa tendance à aller se masturber toutes les dix pages. Au bout d'un moment, on a compris, ce n'est pas la peine d'en rajouter.


L'écriture, du reste, peine à se montrer à la hauteur du propos. Dans les dialogues, pour commencer, où Raphaël Haroche tend à mettre dans la bouche de ses jeunes héros des propos qui ne sont pas de leur âge, bien trop grands ou élaborés pour eux, quand il ne s'agit pas au contraire de platitudes assez désolantes sur la condition humaine.

Le style est assez sec, fonctionnel, en peine de se montrer imagé ou créatif. En un sens, cela permet de resserrer l'idée de la brutalité, de la cruauté ou de l'errance mentale du narrateur ; mais cela n'inspire pas vraiment de grande empathie chez le lecteur, réduit à encaisser les coups et la douleur qui suintent de l'âme du jeune garçon.


J'irai prochainement jeter un oeil sur les nouvelles de Raphaël Haroche, histoire d'avoir une vue plus complète de son approche littéraire, très différente (et pourquoi pas, et tant mieux même) de son écriture musicale. Mais ce premier roman ne restera pas un grand souvenir pour moi.

ElliottSyndrome
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le 11 févr. 2023

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