Bande de menteurs par Danilo

"Dis-leur d'aller se faire foutre" était la proposition à laquelle on s'attendait de la part de papa. (Encore maintenant j'ai comme un penchant prononcé pour ce juron de "Va te faire foutre* et suis épatée du nombre de fois où il convient."

"Il faut être juste avec grand-maman. A cinquante ans, elle se mourait d'un cancer. Ce genre d'épreuve ne vous bonifie pas le caractère. Je ne me souviens pas d'avoir jamais éprouvé un élan de tendresse envers elle, ni d'en avoir senti de sa part. Elle avait les joues ratatinées comme une vieille pomme et sentait la jacinthe. Quoique encline à jeter mes bras autour du cou de n'importe quel adulte un peu chaleureux, vendeur d'aspirateurs, mécanicien ou caissière de supermarché, je n'embrassais grand-maman sur la joue que sous la contrainte."

"Mère nous avait laissées à la maison parce qu'elle souffrait. Toute blessure signifiait pour elle le repli sur soi."

"La mort de grand-maman avait tué quelque chose en moi. Je ne la regrettais pas d'un iota, mais souffrais amèrement de la perte de ma confiance dans l'ordre du monde."

"Alors, je lui ai demandé s'il n'avait pas peur, quand il allait voir mère. Il répondit que là-bas, les gens avaient plutôt l'air infiniment tristes que fous furieux. Papa ajouta que ces gens passaient beaucoup de temps à jouer à des jeux de société, mais bien souvent sans bouger leurs pions."

"Lorsqu'il s'effondra sur le bar de la Légion, en renversant le fond de sa bière qui dégoulina sur le Formica moucheté d'or, il était l'ombre de lui-même. Il avait passé pratiquement dix ans vissé à l'un de ces tabourets lie de vin alignés comme les points d'une ellipse, chacun étant occupé par un ancien combattant d'une guerre vouée à l'oubli."