Un King qui pose bien ses personnages, et fait monter la tension, avec un art de l'apothéose grandiloquente ramassée dans les derniers chapitres parfaitement maîtrisé.
Les descriptions très cohérentes, et un Castle Rock presque modélisé sous nos yeux donnent envie de faire un parallèle avec Twin Peaks, très clairement, y compris dans les personnages. Les deux œuvres sont contemporaines, et on peut se demander qui a influencé qui. Le shérif Pangborn a dans mon imagination le visage de Truman, le méchant s'appelle Leland dans les deux cas, la standardiste Sheila ressemble à la standardiste Lucy... bref, des connexions troublantes, mais heureuses. Et qu'importe, Bazaar a sa propre structure, sa propre ambiance. Le personnage de Polly est particulièrement réussit, notamment dans la description physique et psychologique du calvaire qu'elle vit avec une arthrite avancée: King a toujours été très efficace pour ce qui est de raconter la douleur.
Après, il y a quelques redondances de style qui peuvent donner de vilaines impressions de déjà-lu, et provoquent un certain inconfort dans la lecture, avec certains tics de King qui a force de répétition peuvent être pénibles (et nous ne sommes qu'en 1992!).
Néanmoins, la maîtrise de l'espace, la cohérence du scénario et de la chronologie qui restent très lisibles malgré la profusion de personnages et d'actions simultanées font de ce bouquin un véritable plaisir à lire, doté d'un suspense dont il difficile de s'arracher.
Stephen King est encore une fois décidément d'une redoutable efficacité, qui compense amplement certaines faiblesses ou facilités dans l'écriture. Un excellent King.