Boussole
6.6
Boussole

livre de Mathias Enard (2015)

« Dans la vie il y a des blessures qui, comme une lèpre, rongent l’âme dans la solitude”, écrit l’Iranien Sadegh Hedayat au début de son roman La Chouette aveugle : ce petit homme à lunettes rondes le savait mieux que quiconque. C’est une de ces blessures qui l’amena à ouvrir le gaz en grand dans son appartement de la rue Championnet à Paris, un soir justement de grande solitude, un soir d’avril, très loin de l’Iran, très loin, avec pour seule compagnie quelques poèmes de Khayyam et une sombre bouteille de cognac, peut-être, ou un galet d’opium, ou peut-être rien, rien du tout, à part les textes qu’il gardait encore par-devers lui et qu’il a emportés dans le grand vide du gaz. »


Il faudrait apprendre à Mathias que le gaz n’est pas vide mais composé de méthane qui est un hydrocarbure, celui-ci est fait d’un atome de carbone et de quatre atomes d’hydrogène. Il est plein d’impuretés également. Comme Mathias utilise ce terme pas moins de 21 fois dans son roman, autant en connaître la consistance. Sinon, il sera question d’Alep, de la mosquée des Omeyyades, de la capacité de Bruckner à faire taire les aboiements, de Vienne envisagée comme porte de l’Orient, encore d’autres musiciens censément pointus, plus encore qu’Arthur Honegger, car Mathias veut nous convaincre qu’il est un érudit en plus d’être un grand voyageur. C’est possible, mais à aucun moment je n’ai eu le sentiment que ce livre avait voyagé ni qu’il dégageait une quelconque musique. Il ne suffit pas d’aligner les noms de compositeurs, les citations et les villes pour que cela enseigne ou évoque quoi que ce soit. Quant au style de l’auteur, il s’avère régulièrement fort pauvre :


« et sinon à un moment le soleil finira bien par se lever. »
Non, t’es sûr ?
Ou encore : « Sarah observe et commente, son érudition est extraordinaire, comment peut-elle connaître si bien tous ces récits, toutes ces histoires de Styrie, alors qu’elle aussi vient d’arriver à Hainfeld, c’en est presque inquiétant. Je commence à être effrayé, j’étouffe un peu dans cette cave humide. »
Pareille sensation à l'issue de cette lecture, étouffements et circonspection devant cet étalage de culture simili orientaliste très artificielle.


Extrait de : Mathias ENARD.  Boussole. Actes Sud. 2015.

ThomasRoussot
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le 5 sept. 2015

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