C'est en regardant le film de Bertrand Tavernier, il y a pas mal de temps, que j'avais découvert qu'il avait adapté un roman de Roger Vercel que je ne connaissais surtout que pour ses romans maritimes. "Capitaine Conan" fait partie de ses premiers romans, publié en 1934, avec comme thème principal, la première guerre mondiale.

Il faut dire que mobilisé en 1914, gazé à l'ypérite, il finira la guerre sur le front d'Orient, en Roumanie jusqu'en octobre 1919, pratiquement un an après l'armistice …

D'ailleurs, le roman commence aux alentours du 11 novembre 1918. Il met en scène trois personnages principaux, trois lieutenants qu'on peut considérer comme amis dont il va analyser les modes de fonctionnement.

Le lieutenant Norbert, qui est le narrateur, est un appelé. C'est un lettré. Et n'attend que la démobilisation qui tarde. Embarqué malgré lui dans une fonction de commissaire au tribunal militaire, il instruit divers dossiers anodins ou plus lourds d'affaires criminelles. Ou encore cette affaire du gamin écrasé de peur, psychologiquement fragile qui est accusé de désertion et de trahison.

Le lieutenant de Scève est un officier d'active. C'est un aristocrate dont on sent bien qu'il est militaire par devoir ou par tradition. Le règlement, rien que le règlement. La sanction si le règlement n'est pas respecté. Concernant le jeune soldat accusé de trahison qui dépendait de sa compagnie, il n'a pas de mots assez durs dans son mépris. Il ne lui accordera aucune pitié. On reconnait en lui la graine de ces officiers qui condamnaient en 1916, les soldats jugés "pour l'exemple".

Le lieutenant Conan. Breton d'origine modeste, il se découvre une passion pour la guerre qu'il mène à la tête d'un corps-franc dans d'audacieux coups de main, au couteau ou à la baïonnette. "La guerre se gagne plus au couteau qu'avec des canons" dira-t-il, en substance, à un lieutenant Norbert, médusé. Il y gagne sa troisième ficelle. C'est un guerrier à la tête d'une troupe de guerriers qu'il a lui-même choisis et aguerris. Mais un guerrier à qui le temps de paix ne vaut rien. Revenus à une vie de casernement terne, les hommes de sa compagnie s'autorisent de graves exactions qu'il s'efforce de couvrir. Mais lui-même ne se croit-il pas tout permis ?

Le roman (ou Vercel) est-il antimilitariste ? Je ne sais pas. Sans chercher à répondre à cette question, Vercel fait simplement un constat amer de l'aptitude de la guerre et/ou de l'armée à transformer des hommes ordinaires en héros ou, à l'inverse s'il n'y a pas adéquation entre le bonhomme et le cadre militaire, à les broyer. Et lorsqu'ils sont renvoyés à une vie civile, ces héros, enfin ceux qui parviennent à survivre …, n'y trouvent plus leur compte. C'est qu'après avoir pratiqué pendant de longues années une violence autorisée, encouragée et même récompensée, le retour à la vie ordinaire en temps de paix n'a rien d'aussi excitant.

En définitive, le temps de l'esbrouffe, de l'épate, de la gloriole qui se traduit par une breloque ou une citation est bien dérisoire.


JeanG55
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le 26 août 2025

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