En matière de dérèglement climatique notre société peut être répartie en trois catégories de personnes, toutes persuadées de détenir la vérité :

- Nous avons les « Dindons », ils s’en foutent complètement, ne sont pas concernés, c’est à peine s’ils en ont entendu parler. Alors quant à avoir une opinion… Il fait plus chaud que d’habitude ? On boit un coup… Il ne pleut pas depuis longtemps ? De toutes façons, quand il pleut, on râle, alors…

- Viennent ensuite les « Autruches », ah oui, eux, ils connaissent, mais c’est normal, il y a toujours eu des périodes froides et d’autres plus chaudes dans l’histoire de la planète. Quant à l’activité humaine ? C’est un complot pour faire peur aux masses. Il s’agit d’une conjuration des gouvernements mondiaux pour que les imbéciles (la troisième catégorie) se ruent sur les voitures électriques, les pompes à chaleurs, les panneaux solaires et autres gadgets, à des fins commerciales…

- Enfin, suivent les « Moutons », une catégorie qui refuse de se cacher la réalité et veut réagir. Pourquoi « Moutons » ? C’est ainsi que les nomment les « Autruches », car ils suivent le sens des recommandations des dirigeants. Des girouettes, des marionnettes en somme, manipulées par le pouvoir !...


Êtes-vous prêt à affronter quelque 7000 mots ? Si non, passez à autre chose. L’avenir de l’humanité ne vous concerne pas.


Si oui, dans ce qui suit, nous ignorerons les deux premières catégories (les uns s’en fichent, les autres savent déjà tout) et nous nous glisserons dans la peau des « Moutons », pour essayer de comprendre…


Ce livre est une compilation de 18 entretiens extraits des épisodes (37 au total) du podcast Chaleur humaine diffusés entre mai 2022 et juin 2023. Chacun des 18 entretiens n’est évidemment pas retranscrit (mais difficilement réduit à 200-300 mots chaque), je n’ai retenu qu’un ou deux éléments qui m’ont paru essentiels, de façon tout à fait subjective.

Vous pouvez les écouter sur le site du Monde à l’adresse :

https://www.lemonde.fr/podcast-chaleur-humaine/ .

Le podcast Chaleur humaine :

« Chaque semaine, Nabil Wakim reçoit celles et ceux qui pensent et qui agissent pour faire face au défi climatique. Un rendez-vous à retrouver sur notre site et sur toutes les plateformes de podcast. »

Nabil Wakim est né au Liban en 1981. Il est diplômé du CELSA (École des hautes études en sciences de l'information et de la communication, interne à Sorbonne Université), il enseigne le journalisme à Science Po Paris et travaille pour le journal Le Monde, il anime le podcast et la newsletter Chaleur humaine depuis 2022.


En bon « Mouton » qui se respecte, dès l’Avant-propos, Nabil fixe le but de son podcast : « Désormais, presque tous les pays du monde sont d’accord sur l’objectif à viser pour faire face au réchauffement : il nous faut atteindre la « neutralité carbone » avant 2050. Ce qui veut dire qu’il faut s’être débarrassé d’ici là du pétrole, du gaz et du charbon – qui représentent aujourd’hui 80 % de l’énergie utilisée dans le monde. »

Or, les scientifiques sont formels. Notre conduite actuelle nous mène tout droit au désastre. Si nous ne prenons pas un virage radical, la planète sur laquelle nous vivons sera inhabitable dans quelques dizaines d’années. Et nous n’avons pas de planète de rechange. C’est de ce constat sans appel qu’est né au printemps 2022 le projet de podcast Chaleur humaine dans la rédaction du Monde.


1. Comment s’adapter au changement climatique ? avec Magali Reghezza-Zitt


Magali Reghezza-Zitt est née en 1978 à Nice. Elle intègre l'École normale supérieure de la rue d'Ulm (Promotion 2000). Puis obtient l'agrégation de géographie en 2003. Elle est maître de conférences HDR (habilitée à diriger des recherches en 2015) et membre du Centre de formation sur l’environnement et la société de l'École normale supérieure de Paris. Elle est nommée en 2019 membre du Haut Conseil pour le climat.

L’activité humaine a modifié le climat, et les composantes planétaires, à une vitesse jusque-là inconnue. En France, le climat s’est réchauffé depuis 1900 de plus de 1,7 °C. Au niveau du monde, c’est à peu près 1,2 °C. On le voit de manière très concrète dans le monde agricole.

Des actions de grande ampleur doivent être entreprises en évitant les entreprises à courte vue telles que celles qui consistent à bâtir une digue pour se protéger des inondations ou des canons à neige qui font croire aux gens qu’il y a de la neige, et donc qu’on peut continuer artificiellement une activité.

Mais faire baisser les émissions de gaz à effet de serre ne suffit pas. Il faut vraiment s’attaquer dès maintenant à adapter nos vies aux conséquences des températures qui montent et du changement climatique.


2. Comment parler du climat ? Avec Valérie Masson-Delmotte


Valérie Masson-Delmotte, née en 1971 à Nancy, diplômée de l'École centrale Paris en 1993 elle obtient en 1996 un doctorat en physique des fluides sur la "Simulation du climat de l'holocène moyen".

En 1993, elle devient chercheuse au Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement du CEA, et directrice de recherches depuis 2008.

Elle a été en pointe dans la lutte contre le climato-scepticisme (À ce sujet, je recommande instamment aux "Autruches" de ne pas lire le document "Déni du réchauffement climatique" : https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9ni_du_r%C3%A9chauffement_climatique

Car cela pourrait nuire gravement à leur santé mentale).

Elle est membre du Haut Conseil pour le climat, créé en 2018.


Pour Valérie, parler du changement climatique c’est s’adapter à son auditoire.

Avec des décideurs politiques il faut invoquer l’impact des actions sur l’activité économique : le développement des énergies renouvelables, la rénovation des logements… sont créateurs d’emplois. Il ne s’agit pas simplement d’actions pour le climat mais de bâtir une économie bas carbone.

Avec les « climato-négationnistes » l’attitude est plus délicate et évolue : « Quand j’ai commencé à faire des interventions publiques, j’ai vite pris de plein fouet une série d’argumentaires. Dans un premier temps, il s’agissait d’arguments climatosceptiques, de déni du rôle de l’influence humaine, de la gravité des risques, ou des risques futurs ou même de la capacité à agir. Aujourd’hui, ils prennent une forme plus masquée, plus insidieuse, celle de multiples discours d’inaction. »


3. Comment sauver les glaciers ? Avec Heïdi Sevestre


Heïdi Sevestre, née en 1988 à Annecy, elle obtient son baccalauréat scientifique option biologie écologie à l'ISETA (ancien lycée agricole de Poisy) et intègre l’École supérieure européenne d'ingénierie de l'espace rural (IER) à Poisy.

Elle obtient fin 2011 un poste de doctorante au Centre universitaire du Svalbard (Norvège) et est reçue à l’école doctorale de la faculté de mathématiques et de sciences de l'université d'Oslo. Sa thèse porte sur la dynamique des surges glaciaires, soutenue en 2015, puis elle part pendant deux mois en Antarctique étudier la barrière de glace du Larsen C.


En 150 ans, la Mer de Glace a reculé de 2,7 km. Est-ce si important ?

Ces glaces sont importantes pour un tas de raisons : elles nous aident à stabiliser le climat, ces surfaces blanches réfléchissent les rayons du Soleil en direction de l’espace ce qui maintient ces espaces de montagnes et ces régions polaires froides ; ce sont des réserves d’eau douce ; si on laissait fondre toutes les glaces sur Terre, le niveau des océans augmenterait de 65 mètres. C’est monumental. Si par exemple le Groenland venait à perdre sa glace, il y aurait à peu près 7 mètres d’augmentation du niveau des mers. Pour l’Antarctique, on atteindrait 58 mètres.

Et si le permafrost dégèle, toute la matière organique contenue dans ce permafrost rejetterait des gaz à effet de serre – dont le méthane, qui est un gaz à effet de serre extrêmement puissant. Or, si nous pourrons contrôler, nous les humains, nos propres émissions, ce qu’on ne pourra pas contrôler, ce sera le dégel du permafrost et ses propres émissions.

Donc, Aujourd’hui, on sait que si on veut éviter de dépasser les 1,5 °C d’échauffement, il ne faut absolument pas toucher aux réserves pétrolières et gazières de l’Arctique.


4. Comment lutter contre la sécheresse ? Avec Florence Habets


Après un DEUG de math et une maîtrise de physique (option météo), Florence Habets obtient un doctorat d’hydrométéorologie en 1998. Elle réussit en 1999 le concours chercheur au CNRS et intègre le CNRM à Toulouse. Aujourd’hui directrice de recherche CNRS au laboratoire METIS (Milieux Environnementaux, Transferts et Interactions dans les Hydrosystèmes et les Sols) et hydrométéorologue, elle est également professeure attachée à l'Ecole Normale Supérieure.


Le fait qu’il y ait moins d’eau et qu’il fasse plus chaud favorise la multiplication des bactéries et des algues. L’eau qui a été prélevée a été potabilisée, ce qui consomment de l’énergie. Ensuite, on est obligé de la retraiter pour la dépolluer avant de la réinjecter dans le milieu.

Dans les régions où il y a un déficit en eau régulier, la solution de prélever plutôt l’hiver et de stocker dans des bassines serait une solution raisonnable si le climat était constant, mais « On peut déjà savoir que ce ne sera pas une solution, parce que cette piste du stockage d’eau a été expérimentée dans beaucoup de pays et n’a conduit qu’à des impasses, notamment à être de plus en plus dépendant d’une ressource qui se raréfie. »

Quand on a moins d’eau et qu’en plus elle est dégradée, on n’a plus d’eau du tout ! Il faut donc réduire drastiquement les intrants chimiques agricoles. Cela demande de mettre en place des solutions en rupture avec à l’agriculture conventionnelle, telles que l’agriculture biologique ou l’agroforesterie. Et pour limiter le ruissellement il est très important de réduire l’artificialisation des sols*.

(*) Artificialisation des sols : le fait de les rendre imperméables par l’urbanisation, la construction de zones commerciales ou industrielles, la construction ou l’agrandissement de voies de communication, etc.


5. Comment rompre avec les énergies fossiles ? Avec Céline Guivarch


Céline Guivarch, est née en 1980, elle est diplômée de l'École polytechnique et de l'École nationale des ponts et chaussées. Elle effectue une thèse en économie dans le cadre du Centre international de recherche sur l'environnement et le développement (CIRED). Elle est membre du Haut Conseil pour le climat et une autrice du sixième rapport d'évaluation du GIEC.


Le premier chiffre qui saute aux yeux, c’est que 80 % de la consommation d’énergie mondiale vient des énergies fossiles, mais si c’était déjà le cas il y a trente ans, nous sommes passés de 60 millions de barils par jour à 100 millions, aujourd’hui !

« La première chose à faire, c’est d’arrêter immédiatement tout ce qui va dans la mauvaise direction ! C’est-à-dire ce qui continue à nous enfermer dans une dépendance vis-à-vis des énergies fossiles et des activités qui sont néfastes. »

N’en déplaise à certains, l’expertise scientifique actuelle nous montre que les infrastructures existantes qui nécessitent des énergies fossiles pour fonctionner ne doivent pas aller jusqu’à la fin de leur durée de vie ! Si on les utilise jusqu’à la fin de leur durée de vie technique, on sature déjà en termes d’émissions le budget qui nous permet de rester sous 1,5 °C d’augmentation de la température du globe.

Il est important de comprendre qu’il s’agit de transformation des modes de production et de consommation, de mode de vie. Il s’agit de repenser notre urbanisme, nos infrastructures collectives. Et contrairement à ce que pensent les réfractaires « quand on est auteur pour un rapport du GIEC, c’est au titre de notre expertise scientifique, pas pour défendre les intérêts des pays dont on est originaire. »

Les transformations dont il est question impliquent des changements majeurs des normes sociales, des organisations, des infrastructures, des villes, etc. On peut agir sur les produits manufacturés pour qu’ils utilisent moins de matériaux, moins de ressources, moins d’énergie. Mais de quels produits s’agit-il ? Quelle durabilité, réparabilité, recyclabilité ?...

« Le rapport du GIEC fait l’état des connaissances scientifiques, il ne dit pas ce qu’il faut faire, je pense que c’est important de bien le comprendre ! La mise en œuvre nécessite des débats démocratiques au sein des États, les scientifiques ne peuvent pas s’y substituer. »


6. À quoi ressemble une France sans énergies fossiles ? Avec Thomas Veyrenc

Thomas Veyrenc est ingénieur Supélec, MSc University College London, diplômé de Sciences Po Paris, directeur du département marché de RTE (réseau de transport d’électricité). Il est Maître de conférences à Sciences Po (économie), et enseigne la libéralisation du secteur énergétique à CentraleSupélec.


Le problème est simple : on consomme 1 600 térawattheures d’énergie, dont 1 000 viennent d’énergies fossiles qui dans trente ans, doivent être réduits à 0. Pour ce faire, il faut modifier à la fois la façon dont on consomme de l’énergie et la façon dont on la produit.

Plusieurs scénarios sont à l’étude qui prévoient en 2050 que l’on consomme, par rapport à aujourd’hui, 35 % à 15 % d’électricité en plus. Mais alors, il s’agit de changements sur les modes de vie, comme les déplacements, moins de voitures, des voitures plus petites et plus légères (de l’ordre de 250 à 300 kilos de masse en moins). Ce sont aussi des véhicules plus occupés… et dans le même temps plus de transport collectif. Il y a également moins de surfaces de bureaux et plus de télétravail.

Quant à la production d’énergie, les scénarios vont du « 100 % renouvelables » aux « renouvelables, plus nucléaire », mais même dans ces scénarios, on est obligé d’avoir des énergies renouvelables, le nucléaire ne suffit pas. Dans le cas du 100 % renouvelables, on est obligé d’avoir un très gros système de stockage. Si le stockage par batteries est très adapté, par exemple, à la production solaire, il n’est pas adapté pour compenser la variation de l’éolien. Il faudra stocker de grosses quantités. Une solution envisageable aujourd’hui est l’utilisation de centrales à hydrogène qui aura été produit au préalable à base d’électricité éolien.


7. La technologie va-t-elle nous sauver ? Avec Philippe Bihouix


Philippe Bihouix est né en 1971 à Saint-Nazaire, il est diplômé de l'École centrale de Paris en 1996, il débute chez Bouygues Construction comme ingénieur travaux puis, en France et à l’international, dans différents secteurs industriels (énergie, chimie, transports, télécoms, aéronautique…), comme ingénieur-conseil, chef de projet ou à des postes de direction. En décembre 2019, il rejoint l'agence d'architecture AREP, filiale de la SNCF, dont il est directeur général.


Il faut bien réaliser que la croissance à long terme est une absurdité en tant que telle. Imaginons que la consommation d’énergie croisse de 2 % par an, ça veut dire multiplier par 2 la consommation tous les trente-sept ans, et dans mille ans, il faudrait l’avoir multipliée par… 400 millions !

« Plus on va aller vers la sobriété, la réduction à la source, les économies d’énergie et de ressources, plus la transition sera facile. Si on veut maintenir l’existant, continuer à tous se balader avec des voitures de 2 tonnes, ça risque d’être très complexe. »

Si on veut maintenir le niveau de vie à l’occidentale, et promettre ce niveau de vie à l’ensemble des pays du monde, le besoin généré en métaux est très difficile à gérer. On ne va pas pouvoir maintenir notre niveau de consommation et de confort, simplement en remplaçant une couche d’énergie fossile par des solutions d’énergies renouvelables.

On peut par exemple passer à la voiture électrique, très bien, mais quel type de voiture électrique ? Celle de 2 tonnes ou celle de 700 kilos ? Une qui roule 1 000 kilomètres ou une qui roule 150 kilomètres ? Pour la première, on aura besoin de quinze fois plus de lithium ou de cobalt. Et puis peut-être faut-il ne déployer que la moitié de ces voitures et l’autre moitié, ce sera plutôt des vélos électriques…


8. Comment se libérer de la voiture individuelle ? Avec Aurélien Bigo


Aurélien Bigo a soutenu sa thèse de doctorat (à l’Institut Polytechnique de Paris) en 2020 : (https://theses.hal.science/tel-03082127 ) Les transports face au défi de la transition énergétique. Explorations entre passé et avenir, technologie et sobriété, accélération et ralentissement. Il a ensuite travaillé sur le volet transport des scénarios Transition(s) 2050 de l'ADEME, et est désormais chercheur indépendant, associé à la chaire Énergie et Prospérité.

« L’avenir de la voiture est électrique, mais la voiture n’est pas l’avenir »

Eh oui ! Dans son entretien avec la revue Reporterre,

https://reporterre.net/Aurelien-Bigo-L-avenir-de-la-voiture-est-electrique-mais-la-voiture-n-est-pas-l-avenir

Monsieur le Docteur Aurélien Bigo arbore fièrement son vélo électrique !...


Tout d’abord, rappelons quelques chiffres d’émission de GES en France :

https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/chiffres-cles-transports-2022/19-emissions-de-gaz-a-effet

Nous retiendrons ceux de 2019 car ceux de 2020 sont perturbés par la crise sanitaire.

Par secteur = Transports : 31,1 % ; Industrie manufacturière : 19,3 % ; Agriculture : 19,2 % ; Usage des bâtiments et activités résidentielles ou tertiaires : 17,2 % ; Industrie de l’énergie : 9,7 % ; etc.

Par mode de transport = Voitures particulières : 52,8 % ; Poids lourds : 24,5 % ; VU légers : 15,4 % ; Aérien : 4 % ; Ferroviaire : 0,3 %.

Malheureusement, on se réveille un peu trop tard, l’aménagement du territoire a été conçu par la voiture et pour la voiture, elle a permis l’étalement urbain, ce qui a créé une dépendance.

En France, 80 % des ménages ont une voiture, autour de 60 % dans les villes et à 92 % dans les zones rurales. Mais seulement 1,2 % des trajets font plus de 80 km.

Or 55 % des déplacements – tous modes confondus – font moins de 5 km et pourraient être réalisés à pied ou à vélo.

Si on veut sortir de la dépendance à l’automobile, si on veut que le vélo puisse concurrencer la voiture, il faut tout autant de services, d’aides financières, de véhicules appropriés, d’infrastructures sécurisées sur l’ensemble du territoire que ce qui a été mis en place, en son temps, pour la voiture. En outre, « Le vélo électrique aide d’ailleurs assez bien à convaincre davantage d’anciens automobilistes que le vélo classique. Il faut aussi ajouter les vélos-cargos pratiques pour transporter des charges lourdes ou des enfants. »

Quant à la voiture électrique, c’est « la moins mauvaise des technologies qu’on peut avoir actuellement pour nos modes de transport, notamment d’un point de vue climatique. […] Électrifier n’est pas la solution idéale mais c’est indispensable d’un point de vue climatique, tous les scénarios de transition énergétique sont très clairs là-dessus. »


9. Faut-il encore prendre l’avion ? Avec Isabelle Laplace.


Isabelle Laplace est docteure (2001) en économie spécialisée en aéronautique. Elle occupe depuis 2013 la fonction de responsable du programme de recherche développement durable à l’ENAC (École Nationale d’Aviation Civile) sur les enjeux sociétaux et climatiques du transport aérien.


Nous avons vu qu’en 2019, les émissions de GES dus au transport aérien représentent 1,25 % du total (31,1 x 0,04) mais il faut ajouter ce qu’on appelle les traînées de condensation qui vont se comporter comme des gaz à effet de serre.

Depuis les années 1970 la consommation de carburant des avions a diminué de plus de 30 % pour parcourir la même distance avec des avions plus gros et mieux remplis soit un gain d’efficacité énergétique de l’ordre de 80 %. Ces gains ont permis de proposer des billets moins chers. La conséquence, c’est que le volume de trafic a été multiplié par 12 à 13 sur la période. Cette explosion du trafic n’a pas réussi à compenser les émissions de CO2.

Peut-on trouver des carburants qui soient moins carbonés ? L’hydrogène est l’idéal d’un point de vue décarbonation, parce que s’il est lui-même produit de façon décarbonée, il n’émet que de la vapeur d’eau. Mais il ne peut être utilisé dans les avions actuels.

Les biocarburants pour l’aéronautique, les SAF (Sustainable Aviation Fuel), peuvent être utilisés dans les avions actuels. Produits à partir de biomasse, leur combustion restitue le CO2 qu’ils ont capté en amont. Les SAF existent, mais leur quantité sera, de toute façon, limitée.

La réduction du trafic ? On estimait qu’en 2018, seule 2 à 4 % de la population mondiale avait voyagé par avion pour un vol international. « Est-ce si grave de renoncer à un week-end à Athènes ? » Quant aux réunions de travail, depuis la pandémie, n’a-t-on pas pris l’habitude des réunions en vidéo-conférences ?


10. Faut-il manger moins de viande ? Avec Carine Barbier.


Carine Barbier est ingénieure de recherche au CNRS dans un laboratoire d’économie de l’environnement (CIRED). Elle a coordonné en 2022 l’étude « Prospective du système alimentaire et de son empreinte énergétique et carbone ».


Dans les émissions de GES liées à notre alimentation, une grande partie provient des ruminants, lesquels émettent du méthane par leurs rots. Et le méthane est un gaz à effet de serre au pouvoir 28 fois supérieur à celui du CO2, auquel s’ajoute le protoxyde d’azote (N2O) qui provient en grande partie de la fabrication et de l’usage d’engrais azotés minéraux et qui est 300 fois plus puissant que le CO2, du point de vue du réchauffement climatique.

Pour réduire l’impact carbone l’agriculture redevient extensive, avec un cheptel nourri à l’herbe, et l’essentiel de la production passe en bio ou avec un usage raisonné des engrais azotés. En parallèle il faut diminuer fortement notre régime surprotéiné en divisant par trois ou quatre notre consommation de viande, c’est-à-dire en faire plutôt des repas de fête ou de week-end plutôt qu’une consommation quotidienne. Mais diminuer fortement la consommation ne veut pas dire arrêter toute la filière.

Et n’oublions pas les produits laitiers : « un kilo de fromage émet trois fois plus qu’un kilo de poulet. »

Enfin, pour réduire les émissions il est indispensable de relocaliser la production agricole et de manger des fruits et des légumes de saison.


11. Comment changer de modèle agricole ? Avec Nicolas Bricas.


Nicolas Bricas est chercheur en socio-économie de l’alimentation au CIRAD (Centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement), titulaire de la Chaire Unesco Alimentations du monde et co-directeur du Mastère Spécialisé « Innovations et Politiques pour une Alimentation Durable ».


Notre système agricole est à la fois victime massive du changement climatique et l’un des secteurs qui y contribuent le plus en émettant 19 % de nos GES alors qu’il pourrait être capteur de CO2, notamment dans les prairies. Mais il est aussi responsable de l’effondrement de la biodiversité, notamment du fait de l’usage massif des pesticides, herbicides, insecticides, fongicides, qui détruisent la vie des sols, les insectes, et par ricochet les oiseaux. Il faut ajouter à cela la pollution azotée, qui passe dans les sols, dans l’air, dans les nappes phréatiques.

Une première approche consiste à favoriser l’agriculture biologique qui est clairement favorable pour l’environnement, et pour la biodiversité. Parce qu’elle n’utilise pas de pesticides chimiques et aussi qu’elle travaille sur la diversification des cultures.

Le changement du modèle agricole doit aussi s’accompagner d’un changement de motivations. À l’exemple de ce qui est en train de se faire à Montpellier où une convention citoyenne se constitue autour de consommateurs, d’agriculteurs, de commerçants, de transformateurs, et c’est ensemble que se construit un contrat social autour de l’alimentation.

Mais pour que cela prenne vraiment de l’ampleur, il faut une politique claire. Il va falloir s’interroger sur comment utiliser les aides de la politique agricole commune qui distribue à peu près 9 milliards d’euros en France par an, pour favoriser et accélérer la transition.


12. Comment s’habiller sans détruire le climat et la biodiversité ? Avec Julia Faure


Julia Faure est née en Alsace en 1988, elle est ingénieure en agronomie (AgroParisTech). Elle est cofondatrice de l'entreprise de vêtement durable et éthique Loom. L'entreprise veille à produire (en France ou au Portugal) des vêtements durables à faible impact sur la planète, sans exploitation d'enfants, de femmes sous-payées, de pesticides dans les textiles utilisés (coton BIO). Avec pour slogan : « S’habiller moins, mieux, durable… »

(Et pour vérifier la qualité des produits je viens d’y commander quelques vêtements [dont j’avais besoin] que je soumettrai à des tests intensifs !...)


Il faut TRÈS peu de coton pour fabriquer un T-Shirt, donc très peu de pesticides et très peu de produits chimique pour le teindre, mais… « rien qu’en France 3,3 milliards de vêtements ont été mis sur le marché en 2022. » C’est la génération "Kleenex" : « C’est un comportement assez récent de considérer nos vêtements comme jetables : depuis les années 1980, nous avons doublé le nombre de vêtements que nous achetons. » Or ce qui émet beaucoup de gaz à effet de serre, c’est la phase industrielle.

Alors, pour nous rendre addict, l’industrie de la mode a su baisser les prix en délocalisant et nous persuader qu’il est impératif de suivre l’évolution de la mode si on ne veut pas paraître ringard.

Quant aux vêtements que l’on n’a mis qu’une fois (ou pas du tout) et que l’on jette parce que la mode est passée, si on se donne bonne conscience en les déposant dans des bornes de collecte, il faut savoir que seulement 5 % sont réemployés et que 50 % sont envoyés en Afrique et finissent, pour la plupart, dans des décharges. « Le Ghana reçoit chaque semaine 15 millions de vêtements, pour une population de 30 millions de personnes. »

En fait, produire c’est polluer. C’est normal de polluer. Ce qui n’est pas normal, c’est le gâchis, la surproduction, la surconsommation. Agir pour ralentir cette course à la production et donc à la pollution est possible, Julia suggère de nombreuses pistes (à découvrir), mais c’est aussi à chacun de nous à se raisonner et à redécouvrir la sobriété, et s’il faut acheter du neuf, choisir des vêtements produits dans des pays « vertueux », éviter les "Made in China" ou "Bangladesh" et l’exploitation ouvrière, choisir les produits "Bio" plutôt que conventionnel ou issu du pétrole…


13. Faut-il faire moins d’enfants pour sauver la planète ? Avec Emmanuel Pont


Emmanuel Pont, est ingénieur en Informatique, systèmes et réseaux, CentraleSupelec, 2005. Il obtient un Master 2 en Recherche informatique (2005) à l’Université de Rennes et un Master en Marketing communication en 2007 à Sciences Po Paris. Il est l’auteur du livre : Faut-il arrêter de faire des enfants pour sauver la planète ? (Payot 2022).


Évidemment, si on réalise qu’en 1900 on était moins de 2 milliards de rigolos et qu’on devrait être quatre fois plus dans trente ans, il y a de quoi paniquer et certainement pas de rigoler !

Pourtant, certains, plus rigolos que les autres estiment que la population humaine va se stabiliser autour de 10,5 milliards entre 2050 et 2100. Ils ont la foi, respectons-la.

Bien sûr, on sait que les pays à forte natalité (les pays pauvres) représentent 20 % de la population mondiale, mais seulement 3 % des émissions de CO2.

Mais qu’en sera-t-il quand ils seront assez riches pour polluer, ne représenteront-ils toujours que 20 % de la population ? (Là, c’est moi qui me pose la question)

Je ne comprends pas très bien le sens de cet entretien : où il est question des enfants qui consomment moins que les adultes et donc polluent moins que les adultes, etc… Il me semble que la question « Faut-il faire moins d’enfants ? » signifie, en fait « Faut-il cesser de faire croître la population de la planète ? » Pas de réponse précise autre que « laissons faire, ça va se réguler tout seul… » Et, plutôt de se préoccuper de la quantité, préoccupons-nous de la qualité et polluons moins !

Non, sans blague…


14. La transition va-t-elle créer ou détruire des emplois ? Avec Dominique Méda


Dominique Méda, est née à Sedan en 1962, c’est une haute-fonctionnaire, philosophe et sociologue française.

Ancienne élève de l'École Normale Supérieure et de l’École Nationale d'Administration, agrégée de philosophie, elle est membre de l'Inspection Générale des Affaires Sociales depuis 1989 et inspectrice générale des affaires sociales (Faute de place, je ne peux mettre, ici, toutes ses références universitaires). Depuis 2011, elle est professeur de sociologie à l'université Paris-Dauphine.


Dans les secteurs qui émettent des GES et qui doivent réduire leurs émissions, des emplois vont devoir se transformer. Par exemple, dans le domaine du transport, il va falloir développer le vélo et autres moyens, créateur d’emplois, mais on sait qu’on a besoin de beaucoup moins de main-d’œuvre pour fabriquer un moteur électrique, environ 60 % de moins, que pour un thermique. Il faut vraiment s’y préparer, mais pour l’instant, ni les entreprises ni l’État n’anticipent suffisamment ces reconversions.

Des secteurs vont être créateurs d’emplois comme la rénovation thermique des bâtiments, tout ce qui concerne les énergies, les conseillers en énergie, le développement des nouvelles énergies, le photovoltaïque, les panneaux solaires, l’éolien, les infrastructures. Et même dans l’agriculture où, par exemple, la relocalisation de la production de fruits et légumes et l’amélioration des pratiques agroécologiques, cette vaste reconversion écologique, va permettre de créer des emplois mais aussi de changer le travail en profondeur, et notamment de le désintensifier. « Il va falloir rompre avec cette légende de la productivité. »

« À mon avis, ce qui manque le plus pour rendre tout cela concret, c’est une sorte de loi de programmation. On en a une pour l’équipement militaire, pour la sécurité intérieure, mais on n’en a pas sur le sujet, qui nous dirait sur les cinq ou dix ans à venir ce qu’on va déployer comme investissements publics pour ces reconversions industrielles. »


15. Faut-il faire payer les riches ? Avec Lucas Chancel


Lucas Chancel est né en 1987 à Grenoble. C’est un économiste français.

Après un premier cycle de Sciences Po, il obtient une licence de physique appliquée aux sciences de la terre de l'Université Pierre et Marie Curie à Paris. Il est diplômé en économie et politiques publiques de l’École polytechnique, de l’ENSAE et de Sciences Po en Master, il poursuit sa formation scientifique à l’Imperial College de Londres où il obtient un diplôme d'ingénieur spécialisé dans les énergies renouvelables. Il reçoit son doctorat en sciences économiques de l'EHESS et de l'Université Paris Sciences Lettres en 2018 et enseigne à Sciences Po depuis cette date.


On sait qu’à l’échelle mondiale les 1 % les plus riches émettent autant de gaz à effet de serre que les 50 % les plus pauvres, est-ce supportable ?

En moyenne, un Français émet 9 tonnes de carbone par an. La moitié la plus pauvre des Français émet en moyenne 5 tonnes par personne et par an. Quant aux 10 % les plus aisés, ils émettent 25 tonnes par habitant. Ils consomment davantage de biens et de services que le reste de la population. Des services sous forme de loisirs ou de services à la personne.

Il faut bien voir que le changement climatique, c’est le sud de la Méditerranée à Lyon. Cela justifie le zéro carbone et la mise en place d’un soutien financier et d’un soutien à la reconversion. Le point central, c’est celui de l’emploi des secteurs touchés. Mais les études montrent que, finalement, on y gagne, parce que la transition écologique nous oblige à relocaliser une partie des emplois et les euros que l’on donnait aux Qataris ou aux Saoudiens on les dépensera pour payer des emplois sur le sol français.

« Il faut consacrer 2 % du PIB français dans les investissements en énergie et transports bas carbone, etc. Aujourd’hui – en tout cas, en 2019-2020 –, on y consacre un peu moins de 1 %. Il va donc falloir doubler le volume de ces investissements. On met un peu moins de 30 milliards, il va falloir passer à 60 milliards, voire un peu plus par an. […] Et là, nous avons besoin d’un système fiscal qui mette à contribution les plus aisés, qui taxe le patrimoine des plus aisés. C’est-à-dire qu’il faut des recettes fiscales pour que l’État puisse accompagner les précaires dans notre société. Accompagner les processus de formation et d’emploi et financer les services publics en général. »


16. Comment concilier démocratie et urgence climatique ? Avec Hélène Landemore


Hélène Landemore est née en 1976, c’est une politologue franco-américaine. À 18 ans elle intègre l’École normale supérieure (Paris) et l’Institut d'études politiques de Paris. En 2008, elle obtient un doctorat en sciences politiques, après avoir soutenu une thèse portant sur la notion d’intelligence collective appliquée à la justification de la démocratie, à l’université Harvard. Elle a suivi de près les travaux de la Convention citoyenne pour le climat (*) en 2020.


On pense généralement que les responsables politiques sont censés répondre à la demande des majorités, or une étude sur plusieurs décennies montre qu’il n’y a pas de corrélation entre ce que les majorités veulent et ce qu’elles obtiennent. Ce qui détermine les politiques publiques et les lois, ce sont les préférences des 10 % les plus riches. C’est vrai aux États-Unis, mais également en Allemagne. C’est le système électoral qui conduit à ces conséquences, l’élection étant un mode de sélection oligarchique qui permet d’identifier les notables. « Mais c’est juste que l’homogénéité de leur groupe fait qu’ils ne voient, ne comprennent et ne s’intéressent qu’aux problèmes des gens qui leur ressemblent. »

Or, ce qui est frappant, c’est que la Convention climat, qui était composée de gens tirés au sort, a fait des propositions bien plus radicales que ce que n’a jamais fait le Parlement français, peut-être modéré par des conflits d’intérêt que des citoyens n’avaient pas.

« La question de la légitimité n’est pas réglée par le fait de dire : « Ils sont élus ! » L’élection est un début, après il faut continuer à mériter d’avoir été élu. À l’inverse, on peut penser la légitimité des citoyens tirés au sort sur une autre base – et notamment sur le fait qu’il s’agit d’assemblées plus représentatives de l’ensemble du peuple. »

Quels enseignements tirer de cette expérience de la Convention climat ? C’est qu’il est possible et de déléguer du pouvoir à des citoyens tirés au sort. C’est une excellente manière d’infuser nos institutions avec de l’intelligence collective de citoyens ordinaires. Une première étape serait, par exemple, d’institutionnaliser une assemblée permanente sur le climat, avec des citoyens tirés au sort qui seraient remplacés tous les ans – ce qui permettrait de se projeter sur un agenda à long terme.


(*) La Convention citoyenne pour le climat était une assemblée de citoyens française, constituée en octobre 2019 par le Conseil économique, social et environnemental sur demande du Premier ministre Édouard Philippe. Elle regroupait 150 hommes et femmes volontaires tirés au sort parmi la population française, et a eu pour objectif de définir une série de mesures structurantes « pour parvenir, dans un esprit de justice sociale, à diminuer d'ici 2030 les émissions de gaz à effet de serre de la France d'au moins 40 % par rapport à 1990. »


17. Comment ne pas déprimer ? Avec Laelia Benoit


Laelia Benoit est pédopsychiatre et chercheuse associée au Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations de l’Inserm, à Paris. Elle a soutenu la thèse suivante : Du refus scolaire au suivi psychiatrique. Trajectoires d’adolescents déscolarisés en 2018 à l’Université Paris-Saclay. Elle mène une vaste étude sur l’impact du changement climatique sur le bien-être et la santé mentale des enfants et des adolescents au Yale Child Study Center à l’université de Yale (à New Haven), aux Etats-Unis.


Tout d’abord, tout le monde s’accorde « à dire que l’anxiété est une réponse inévitable, et même saine, aux menaces écologiques auxquelles nous sommes confrontés. Donc, ce ne sont pas les personnes éco-anxieuses qu’il faut soigner, mais le changement climatique qu’il faut arrêter ! »

L’éco-anxiété touche beaucoup de personnes et n’est certainement pas réservée aux jeunes. « Et même aux États-Unis, où le climatoscepticisme est important, ce phénomène recule. Actuellement, il n’y a plus que deux Américains sur dix qui doutent de l’existence du changement climatique ou qui n’y croient pas. »

Sur dix mille jeunes âgés de 16 à 25 ans, interrogés dans dix pays différents, 8 sur 10 sont préoccupés par le climat et 6 se disent extrêmement anxieux. La moitié d’entre eux disent ressentir tout à la fois de la tristesse, de l’anxiété, de la colère, de l’impuissance et de la culpabilité. Tout ça d’un coup ! Et trois sur quatre appréhendent le futur. En fait, ce qui suscite leur angoisse, c’est l’inaction climatique de notre société, alors qu’on fait face à un changement climatique très menaçant.

(Et c’est exactement ce que je ressens, seulement moi, j’ai 83 ans, mon avenir est derrière moi. Il n’empêche que je bondis quand je vois un "Monsieur" se lamenter parce qu’à l’horizon de son château du Val de Loire on va apercevoir des éoliennes qui vont dénaturer son paysage historique ! J’apprends que ce déni porte un nom en psychologie : la déréalisation. « C’est un automatisme qui sert à se protéger quand on est confronté à une violence. »)

Que faire ? Agir individuellement, et parler : « Engager la conversation sur le changement climatique, pour sortir de la paralysie. Or beaucoup de jeunes et d’adolescents sont inhibés, en dépit de leurs fortes préoccupations. Des études montrent que, même quand ils s’inquiètent, ils ne vont entamer une discussion ni avec leurs parents, ni avec leurs profs, ni avec leurs amis. »

Et puis réfléchissez sur ce qu’est « l’infantisme ».


18. Peut-on sauver la planète avec des petits gestes ? Avec Sophie Dubuisson-Quellier


Sophie Dubuisson-Quellier, née en 1969, elle obtient le diplôme de l’Institut d'études politiques de Grenoble en 1991 ; le DEA d'économie industrielle, en 1992 ; le Doctorat de sociologie à École des mines de Paris, en 1996 et l’habilitation à diriger des recherches de sociologie, Université Paris-Sorbonne, en 2008. Elle est directrice de recherche au CNRS et à Sciences Po. Elle est également présidente du Conseil scientifique de l’ADEME.


Pas facile de faire des petits gestes pour réduire son empreinte carbone quand les « injonctions individuelles à la sobriété ont lieu dans un contexte où c’est l’abondance qui est valorisée. Chacun sait que dans une trajectoire de vie, il y a des marqueurs sociaux qui traduisent le fait qu’on a « réussi » : le fait d’acquérir un véhicule, un logement, de pouvoir partir en vacances et peut-être encore mieux, de partir en vacances au soleil en prenant l’avion, etc. »

En fait il faut sortir de cette injonction extrêmement simpliste, qui consiste à dire : « Il faut arrêter de consommer autant. » Si on continue à répéter en boucle qu’il faut faire des « petits gestes », on ne sera pas en capacité d’agir sur les gros leviers macroéconomiques.

Mais, si aujourd’hui, beaucoup d’entreprises expliquent qu’elles ne peuvent pas bouger à cause des actionnaires, du marché, des collaborateurs, etc., on note des mouvements d’étudiants, de jeunes diplômés, de jeunes cadres, formés par des grandes écoles, dire qu’ils n’ont pas nécessairement envie de contribuer au changement climatique en travaillant dans tel secteur, voire dans telle entreprise qu’ils n’hésitent plus à nommer. Et là, il s’agit d’action collective, au sens de la sociologie. Ce mouvement se déroule au cœur des grands groupes ou de la haute administration, donc au cœur des espaces de décision et d’actions qui vont avoir des effets collectifs et pouvoir en retour changer les comportements individuels.



En conclusion :

Je retiendrai de ces entretiens qu’en moyenne, en France, le climat s’est réchauffé de près de 2°C en un siècle. Ses effets se font sentir en agriculture mai également dans la fonte des glaciers menaçant la montée du niveau de la mer. L’élévation de température modifie le cycle de l’eau provoquant des périodes de sècheresse et de précipitations excessives.

Ce dérèglement du climat est dû, principalement, à l’émission de gaz à effet de serre provenant de la consommation des énergies fossiles (80 % des énergies utilisées) qui a augmenté de 66 % ces trente dernières années. Il convient donc de cesser, le plus rapidement possible l’exploitation de ce type d’énergie (objectif 2050), interdire toute nouvelle prospection et développer les énergies de remplacement, décarbonées (Solaire, éolien, hydrogène…).

Je note en particulier que la production d’électricité éolien étant tributaire du vent il faudra envisager une solution de stockage qui pourrait être la fabrication, et le stockage, d’hydrogène en période excédentaire, puis la production d’électricité dans des centrales thermiques à hydrogène, en période déficitaire.

Je note également que les transports sont, de loin, le secteur le plus polluant et que dans celui-ci la voiture particulière tient (largement) le haut du pavé, laquelle n’a d’autre avenir que dans l’électricité.

Et enfin, il faut revoir tout notre système socio-économique, abandonner définitivement notre modèle basé sur la croissance, provoquée par une énergie bon marché, réduire notre consommation en découvrant la « sobriété » dans la manière de se vêtir, de se nourrir, de se déplacer, etc.



Si vous êtes arrivé jusque-là, en dépit de la longueur du texte, Bravo !

Si vous êtes « Dindon », je suppose que vous avez dû endosser votre « peau de Mouton » maintenant, il ne vous reste plus qu’un pas à franchir : procurez-vous ce bouquin et lisez-le, car malgré la lourdeur de ce commentaire, je n’ai vraiment pas dit grand-chose comparé au contenu du livre !

Si vous êtes « Mouton », vous voici confirmé dans votre position. Mais je vous recommande, néanmoins la lecture du livre, il y a vraiment tant à découvrir et à enregistrer, dont je n’ai pas parlé.

Si vous êtes « Autruche », j’espère que vous n’êtes pas arrivé jusqu’ici à « saute moutons », c’eut-été inutile, autant ne pas commencer. Je ne fais pas de prosélytisme, je ne cherche pas à convaincre qui que ce soit, il ne s’agit pas d’une croyance, ici, mais malheureusement, de faits établis et prouvés. Autruche vous étiez, Autruche vous resterez… probablement. Il faudra, hélas, faire avec.

Quant à moi, le hasard a voulu que je sois né sous le signe du "Bélier" ! C’est tout dire ! Je trouve ce livre passionnant et enrichissant. Pourtant je l’avais téléchargé « du bout de la souris », un peu hésitant, en même temps que celui d’Aurélien Barrau « L’Hypothèse K. » (pas encore lu) qui devait, dans mon esprit, écraser largement la Chaleur humaine…

Comme questionne Nabil Wakim à la fin de chaque entretien « Finalement qu’est-ce qui vous donne un peu d’espoir ? » : ma réponse serait la constatation que les consciences peuvent changer. Je m’explique : mon épouse, qui comme moi, a franchi le cap des 80 ans, lorsqu’il m’arrive (rarement) de lui parler "dérèglement climatique" ou "énergies fossiles" me regarde comme un pauvre radoteur dérangé quelque peu sénile, et retourne à ses lectures sentimentales ou biographies de people, vient de me demander de lui commander « Sentinelle du climat » de Heidi Sevestre (Cf. entretien N°3) ou « Notre avenir dépend des glaciers, nous pouvons encore les sauver. » Il est vrai que cette idée de lecture n’émane pas de moi…


Philou33
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le 14 nov. 2023

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