Pat Conroy est un auteur que j'adore. Chacun de ses livres m'a laissée une impression durable, que ce soit par les thèmes abordés, par les personnages qu'il fait naître, ou simplement grâce à sa merveilleuse façon d'écrire.
Charleston Sud n'échappe pas à la règle. Je ne pense pas que j'oublierai avant longtemps l'intrigue de ce livre, avec ses personnages si hauts en couleurs, l'humour qui se dégage des dialogues et de certaines situations, et les sentiments qu'il décrit avec tant de justesse, l'amitié, l'amour, et la folie, qui sont en fait les fils conducteurs de chacune de ses oeuvres.
Ça ne me dérange pas qu'il écrive chaque fois la même histoire, ou du moins des histoires qui se ressemblent, avec les mêmes personnages, les mêmes relations entre eux, et les mêmes thèmes abordés: l'adolescence, la déségrégation, la folie destructrice, l'amitié, la pédophilie, l'amour.
Je ne m'étonne même plus qu'il arrive à tout caser en une seule histoire et faire en sorte que ça tienne debout, car ses histoires sont prenantes, et elles ont la saveur de la mer dont il parle à chaque page ou presque.
Pat Conroy est originaire de Caroline du Sud, état sécessionniste et ségrégationniste, où les bonnes manières sont reines, et où la société est rigide, ordonnée, et d'une extrême violence lorsque les codes ne sont pas respectés.Il nous parle de cette endroit comme d'un paradis enchanté, le jardin d'Eden, tout en montrant sans fard les défauts des personnes qui ont la chance d'y habiter.
La société de Caroline du Sud, ses fonctionnements et ses travers sont dépeints très soigneusement dans Charleston Sud, où une bande d'amis pour la vie se forme au hasard de plusieurs évènements distincts, tous originaires de milieux sociaux complètement distincts, des rejetons de l'aristocratie locale, descendants des signataires de la Déclaration d'Indépendance, à des sauvageons des montagne.
Cette bande, dont tous les personnages ont des caractères distincts et un rôle bien précis, se lie d'une amitié éternelle, et encore plus lorsque, dans un geste d'une endogamie perverse, ses membres se marient tous les uns avec les autres, ou presque.
Les personnages sont familiers, mais en même temps tous tellement attachants, mêmes Molly et Chad, les personnages les plus caricaturaux.
Il y a également de bonnes additions dans les personnages secondaires: la mère de Léo est plus folle et moins aimable qu'habituellement, mais tout aussi intéressante et le père est, pour Conroy, original et sympathique, bien qu'un peu faux dans toute sa gentillesse.
Le problème majeur de ce livre est que l'intrigue est pauvre, et surtout peu crédible. Les personnages sont intéressants, et il crée une dynamique de groupe très agréable à suivre. Le narrateur est infiniment perturbé, mais attachant, et les premières parties, légères sont satisfaisantes, bien que l'on sente qu'elles ne sont qu'une introduction.
Le problème est que la suite ne vaux pas. Le livre reste agréable à lire, mais le personnage du père psychopathe des jumeaux est trop peu développé pour qu'on y croit, et ses motivations et son cheminement sont laissés dans l'ombre. Il n'est qu'un prétexte utilisé pour laisser vivre les personnages, ce qui est dommage, car il les enferme aussi dans un rôle et ne les laisse pas se développer suffisamment.
Charleston Sud laisse un goût d'inachevé, un léger sentiment de manque. Et le petit twist final est de trop. L'enfance martyrisée occupe une trop grande place dans le reste de l'histoire pour que cette dernière couche soit nécessaire. Elle apporte la couche finale de la construction du personnage de Léo, qui est nécessaire, mais fallait-il vraiment que ce soit ça qui ferme le cercle?
