Étant un grand adepte du style de Victor Hugo, j’ai de la lecture de toutes ses œuvres un objectif évident.
Bien évidemment, j’ai lu Les Misérables avant Claude Gueux, et la lecture de ce dernier nous permet de voir comment a germé en Hugo l’histoire de Jean Valjean : la misère, le vol pour nourrir sa famille, le châtiment abusif subi, c’est l’antichambre de son œuvre la plus connue.
Comme dit, Claude Gueux nous jette dans la boue de la misère humaine et sociale dans laquelle l’auteur utilise sa succulente plume ampoulée et gourmande pour dépeindre cette réalité implacable de l’indigence extrême de l’époque. La plume d’Hugo au service de la médiocrité humaine : impossible que je n’aime pas ça.
Les personnages du roman sont peu développés, mais cette absence de profondeur fait écho à la manière dont les individus sont transformés en bétail lorsqu'ils sont emprisonnés. Gueux, vieillard aigri et usé, partage sa cellule avec Albin, jeune homme naïf et auteur d’un crime mineur, qui symbolise la candeur. On comprend ici que Hugo veut prouver que l’univers carcéral touche tout type d’hommes, aussi opposés qu’ils soient, ils sont tous victimes d’un système pénal impitoyable qui place les pires criminels au même niveau que les auteurs de faibles larcins.
Le personnage du directeur tend à frôler le manichéisme, mais cela ne diminue pas la portée du récit. Sa haine envers Gueux est issue de sa jalousie vis-à-vis de lui : il ne supporte pas qu’un prisionnier criminel puisse administrer la prison mieux que lui, et surtout avec humanité. Le directeur est un peu le frère de Frollo et de Javert, ces personnages sans cœur qui ne comprennent pas qu’un criminel aux yeux de la loi (ou de Dieu) puisse posséder des qualités. L'histoire en elle-même n'est pas particulièrement captivante, mais c'est l'atmosphère sombre et la médiocrité de la condition humaine qui m’ont marqué.
Victor Hugo déploie son talent pour dénoncer la peine de mort, tout en mettant en lumière les causes de la criminalité. Claude Gueux vole par nécessité, pour nourrir sa famille et survivre. Cette amorce de critique sociale se retrouvera, comme dit, Les Misérables, mais Gueux aura une autre fin que Valjean. Pas de rédemption pour lui, mais le crime de haine, puis la mort atroce. J’aime ces tragédies.