Claudine à l'école
7.5
Claudine à l'école

livre de Colette et Willy (1900)

Bonjour, bonsoir !
Ce que vous allez lire est ma critique de Claudine à l'école. Je l'ai rédigée à l'occasion d'un oral que je devais passer pour mes cours de fac, d'où certaines tournures qui pourraient paraître étranges sans ce contexte. C'est également pour cette raison que tout au long de ma critique, je compare régulièrement le roman avec un autre (Garçon manqué, de Nina Bouaroui), qui faisait partie du corpus de bouquins à lire pour le semestre. Ceci dit, j'espère qu'elle vous plaira quand même !


Et attention, je spoile comme un bâtard.


 • Alors, avant de commencer, je tiens tout de même à parler un peu de Colette en elle-même parce que ça me semble important. Premièrement, il faut noter que ce livre a été publié en 1900, au moment où l’école primaire devient, avec l’arrivée à l’âge adulte des premiers écrivains qu’elle a formés, un thème littéraire. Colette, justement, fait partie de cette première génération d’auteurs à en parler. Grâce à la démocratisation des écoles pour filles suite à la loi Duruy ( passée en 1867), les mœurs se modernisent et commencent, tout doucement, à lever certains tabous concernant la vie jusqu’alors demeurée secrète des jeunes filles. Et ça se ressent dans son œuvre en règle générale ; on y retrouve souvent la question de la bisexualité, par exemple ! Elle l’était elle-même, d’ailleurs. 
Autre chose ; Willy, son mari, a longtemps voulu gérer la vie artistique (et probablement davantage) de sa femme. Quand il a lu les manuscrits de *Claudine à l’école* pour la première fois, il les a trouvés inintéressants au possible et les a rangés dans un tiroir. Alors… Il les a ressortis quelque temps plus tard et les a vendus à des éditeurs sans avertir celle qui les avait rédigés, quand il s’est rendu compte qu’il avait littéralement de l’or dans les mains. Mais faut quand même bien se dire que Willy a, à proprement parler, gelé la potentielle carrière de sa femme pendant des années, uniquement parce qu’il ne trouvait pas ses écrits dignes d’être lus (ceci dit, venant d’un critique d’art ce n’est pas tellement étonnant).
Enfin bon, toujours est-il qu’elle a quitté le vieux Willy courant 1905, après que celui-ci ait signé ses six premiers romans de son nom. Je pense que c’est vraiment à partir de ce moment qu’elle a pu commencer à s’épanouir artistiquement parlant, ainsi qu’au niveau de sa vie privée.
Bref. Je reviens au roman.
Je disais donc, le livre est paru en 1900, et raconte en somme la scolarité de Claudine, une jeune fille de 15 ans qui vit sa dernière année de collège. Ce qu’aujourd’hui on appelle collège, en tout cas. Le roman prend la forme d’un journal intime, et Colette s’amuse à imiter les mots d’une enfant pour parler du quotidien de la cour de récréation… jusqu’au drame. Eh ben oui, hein, *Claudine à l’école* a surtout fait scandale à l’époque de sa sortie (pour des raisons que j’évoquerai plus tard), et a connu un tel succès que le roman, initialement conçu comme un one-shot, n’a finalement été que le premier d’une flopée de bouquins racontant la vie de l’exubérante Claudine.
J’crois bien que vous avez compris qu’on a affaire à un roman « tranche de vie », et qui plus est, quasi-exclusivement en milieu scolaire. C’est une histoire de jeune fille qui pourrait facilement rentrer dans notre corpus du semestre, notamment au niveau de certains thèmes abordés. C’est d’ailleurs même l’un des premiers romans de formation traitant du sujet de **l’adolescente**, qui va jusqu’à parler de sa sexualité, de ses envies, et de son éducation.
Dans ce bouquin, deux choses vont m’intéresser : d’abord sa forme, sa narration, et surtout ses personnages. L’aspect social est évidemment très intéressant, mais je m’estime pas assez calé en littérature de début XXème pour m’y attarder plus que ça. Je vais aussi essayer de mettre le personnage de Claudine en tension avec celui de Brio, dans *Garçon manqué* de Nina Bouraoui, étant donné leur évidente opposition au niveau du parcours et du caractère.

• Donc ! Pour commencer, j’aimerais parler de ce qui saute aux yeux dès la première page ; la narration. Comme c’est un journal intime, on a un récit à la première personne, dont le but premier est de traduire la vision qu’a Claudine du monde qui l’entoure. Et ce monde, c’est un monde d’enfant, presque délimité par les murs de l’école, et surtout constitué de camarades et de professeurs. Claudine – on en parlera plus en détail plus tard – est un personnage extrêmement vivant, et au niveau de la narration pure, ça prend la forme de longues phrases fournies en subordonnées, on a beaucoup de variations du ton (exclamations, interrogations,..), et surtout – c’est le point essentiel du bouquin – un langage oral. Claudine s’exprime comme la gamine qu’elle est, hein, et bien que sa plume reste claire et raffinée, on voit souvent passer dans le texte des expressions familières, voire même carrément des onomatopées : on a « pouah ! » au début du chapitre un. Sur ce point, on remarque déjà le clivage entre le roman de Colette et celui de Nina Bouraoui, qui est davantage construit comme un très long monologue que comme un journal de jeune fille. Et dans ce monologue, Brio parle en phrases courtes, sèches, qui ne laissent aucune place à l’émerveillement ou aux illusions de l’enfance : Colette nous parle d’une héroïne qui grandit à son rythme, et qui s’amuse de l’adolescence, alors que Nina Bouraoui décrit une enfant jetée de force dans le monde des adultes, une enfant qui n’a pas eu le temps d’être enfant.
Voilà, donc ça c’est l’une des deux raisons qui m’ont poussé à comparer ces deux œuvres, plus que les autres romans du corpus. Parce qu’on sent vraiment deux pôles d’écritures.
Ce journal intime est aussi un condensé brut des pensées de Claudine, qui commente sans filtre les situations qu’elle constate ou provoque. Par exemple, l’une de ses passions consiste à juger physiquement et moralement la plupart de ses camarades et professeurs ; elle consacre une bonne partie de son temps à se moquer des autres, à les qualifier de « mignonne », « maladroite », « grande », et globalement, chaque personnage du livre possède son propre qualificatif avant son prénom : on a « la grande Anaïs », « la petite Lanthenay », « la Rousse », « Richelieu », et j’en passe et des meilleurs.
Et oui, hein, *Claudine à l’école* comporte de nombreux personnages secondaires, qui sont autant de « paires » pour l’héroïne que de filles dotées d’un fort caractère. Dès le début, le lecteur est plongé dans l’ambiance familière du milieu scolaire, on se perd dans le groupe d’écolières aux noms divers et variés : Anaïs, Aimée, Marie Belhomme, les deux Jaubert, Luce, Armand Duplessis, etc, etc.
Là encore, le contraste avec le cas de Yasmina est flagrant ; excepté Amin, son seul ami, Nina vit dans une relative solitude et surtout, un désert de relations sociales. Son entourage est constitué de « pères », sa maman notamment, ainsi que sa mamie, en Bretagne. Son papa, en revanche, est souvent absent pour questions de travail, à l’instar de celui de Claudine, davantage fasciné par les limaces que par l’éducation de sa gamine.
Ce qui fait de *Claudine à l’école* un excellent roman, c’est le soin tout particulier apporté aux personnages de second plan, qui se démarquent tous les uns des autres et ont chacun une personnalité relativement forte : Anaïs et sa manie de manger les gommes et les crayons qui lui passent sous la main (c’est quelque chose que tous les gamins ont fait, je pense), et qui prend plaisir à voir les autres échouer dans leur scolarité, Aimée Lanthenay qui passe de douce sous-maîtresse à institutrice plus ferme au fil de l’histoire, le vieux docteur Dutertre qui aime séduire les « grandes » de l’école (surtout Claudine), Luce Lanthenay, qui cherche à tout prix à avoir l’amitié de Claudine et qui fait pour ça preuve d’une patience à toute épreuve. Et puis on a mon chouchou, Rabastens, qui se démarque un peu différemment des autres dans la mesure où ce personnage est plutôt défini par sa voix que par ses actes : son accent du sud, et l’aura de bon-vivre qui se dégage de lui viennent en grande partie du choix de l’auteur de retranscrire à l’écrit les déformations orales de son accent régional. C’est d’ailleurs un motif récurent dans le roman, car les barbarismes et les patois ne sont pas seulement rapportés par la narratrice ; ils sont montrés. Et même si ça semble être un détail au premier abord, il se trouve que la voix d’un personnage, sa manière de s’exprimer, c’est tout ce que l’on a de concret pour le reconnaître, en littérature. Là où au théâtre, au cinéma, en bande-dessinée ou dans le jeu vidéo, on a le visage et l’apparence pour aider.
Et tant qu’on est sur les personnages, parlons un peu de Claudine, l’héroïne et narratrice du roman. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle représente un certain type de jeune fille qu’on n’a pas vraiment vu dans les quatre autres romans du corpus :
Concernant ses parents, c’est pas la joie ; sa mère est vraisemblablement décédée, et son père ne s’intéresse pas à elle. Attention, il n’est ni méchant, ni violent, ni mal-aimant. C’est juste qu’il zappe sa gamine, et qu’il n’a jamais eu le réflexe de s’occuper d’elle. Dans tout le roman, il apparaît peu, et quand on le cite, c’est pour le rattacher à sa passion des mollusques. En réalité, sa négligence pour Claudine est même tournée en dérision par l’héroïne elle-même, qui vit relativement bien l’absence de son paternel. Quand elle part deux jours entier pour un examen de fin d’année dans la ville voisine, son père ne remarque son départ qu’à son retour. Les héroïnes du reste du corpus sont de toute façon toutes confrontées au manque de repère parental ; Nina et son dilemme moral qui doit choisir entre un père algérien mais absent, et une mère aimante, mais française, l’héroïne de L’Amant qui ne parvient pas à communiquer avec sa mère, Frankie Addams qui est éduquée par sa nourrice, etc., etc.
Claudine, c’est aussi une nana qui domine ses camarades, et qui tient tête aux professeurs. Très souvent, et comme elle le dit si bien, « elle bat » ses copines de classe quand celles-ci essaient de la taquiner un peu trop à son goût. C’est la cheerleader, en gros. Après, elle est pas seulement rebelle, faut pas croire, elle est aussi et surtout cruelle à plusieurs reprises. Par exemple, Claudine est du genre à aller chercher les ragots concernant ses professeurs, et si elle peut s’en servir à son avantage, elle le fera. C’est ce qui se passe au début, après que Mlle Sergent ait interdit à Mlle Lanthenay de continuer les cours particuliers d’anglais avec Claudine ; elle le vit très mal, et se force à détester Aimée Lanthenay par pure fierté, en plus d’épier les relations ambiguës qu’entretiennent les deux institutrices. Elle essaie de se servir de Rabastens, le professeur de musique, pour voir ce qui se trame, et plus tard, elle va même menacer la pauvre Aimée de dénoncer sa liaison adultère à Armand Duplessis, un autre professeur qui est le fiancé d’Aimée. On peut lire, à la page 108, une évidente preuve de l’aspect manipulateur de Claudine : « Pauvre nigaud d’Antonin, tu ne peux plus me servir à rien, maintenant, et tu ne m’as jamais servi à grand-chose ». Elle considère aussi Mlle Sergent comme une rivale, dans la première partie du livre, pour les raisons que je viens de citer. Et pourquoi ça ? Beh parce que, chose rare, à l’arrivée de Mlle Lanthenay à l’école, Claudine semble avoir un coup de foudre (amical ou amoureux, ça reste assez flou) pour elle, et elle se donne corps et âme pour la conquérir, ce qui fonctionne jusqu’à ce que Mlle Sergent soit prise de jalousie et commence à percer la coque de cette amitié naissante, en éloignant Aimée de Claudine. Il faut bien savoir que Claudine est une fille qui est dans le constant rejet d’autrui. Il n’est pas question pour elle de se montrer comme l’égale des autres personnages en faisant preuve de sentimentalisme. Elle rejette l’autorité de Mlle Sergent, elle rejette les incessantes déclarations de Luce (qu’elle méprise pour être la petite sœur d’Aimée), et elle rabaisse sans arrêt ses camarades. Mais attention, elle ne les rabaisse pas « méchamment » à proprement parler, non ! Plutôt comme on parlerait d’un chat, d’un petit chien, d’un animal de compagnie, d’une petite chose fragile et toute mignonne qu’on regarde de haut, en somme. Le cas le plus parlant est celui de la relation Claudine / Luce, que l’auteur développe comme un pastiche raté de la relation Aimée / Mlle Sergent : si Luce donne tout ce qu’elle a pour obtenir l’affection de Claudine, on se rend rapidement compte, nous lecteur, qu’en vérité l’héroïne n’est intéressée par elle que parce que Luce peut lui obtenir des informations sur la vie privée d’Aimée, sa sœur aînée. Encore une fois, la première phrase du second paragraphe, page 108, le montre bien : « j’ai soin d’apporter souvent des bonbons à dessein de séduire complètement la jeune Luce ».
En fait je me rends compte qu’on a surtout affaire à des rapports de force très banals dans une cours de récréation. Ce sont les mêmes hiérarchies entre élèves, les mêmes disputes de préau, les mêmes jeux pour faire bisquer les profs et travailler le moins possible. De toute façon, *Claudine à l’école* est un roman qui n’a pas tellement vieilli sur ce point-là, parce qu’outre le langage argotique des gamines (et encore), je vous assure que cette histoire, on l’a tous vécu au collège ou au primaire. Peut-être même au lycée, pour les moins chanceux.
Je remarque aussi que la seule personne avec qui Claudine est sincère dans son amour, c’est Fanchette, sa chatte. On a d’ailleurs un superbe passage, vers le milieu du livre, où Claudine lui déclare son attachement en citant les souvenirs qu’elle a de l’époque où Fanchette n’était qu’un chaton. Au départ je voulais vous lire ce passage, qui a failli me tirer les larmes, mais j’en ai trouvé un autre plus intéressant vis-à-vis de la thématique du semestre.
Pour conclure avec le personnage de Claudine, et faire une superbe transition menée de main de maître avec ma dernière partie, j’aimerais ajouter qu’une autre différence entre elle, et Brio, c’est le fait que Claudine est entièrement maîtresse de ses décisions. Elle est constamment dans le contrôle, et la plupart des situations dérangeantes du roman, c’est souvent elle qui les provoque. Et quand elle ne les provoque pas, elle se contente de les observer, de n’en pas perdre une miette, pour au cas où ça pourrait lui resservir à l’avenir. À l’inverse, tout le principe de Garçon manqué est de raconter comment une jeune fille est menée à faire des choix qu’elle ne devrait pas avoir à faire, à cause d’une société qu’on ne comprend pas à cet âge, et qu’on subit pourtant tout autant qu’un adulte, voire plus. La moindre décision est sujette à une longue introspection, demande une remise en question du personnage. Nina est devenue Brio parce que son père l’appelait comme ça. Brio a quitté l’Algérie parce que la situation devenait dangereuse pour elle, coupable d’être née d’un père algérien et d’une mère française. Brio cache ses courbes parce qu’elle a eu le malheur de venir au monde dans un corps féminin, alors que la société étouffe la voix des femmes.
Claudine est aux antipodes de Nina, elle vit pleinement sa féminité et son adolescence, elle joue de ses charmes, joue avec les bas-instincts du docteur Dutertre, qui est le seul homme à régulièrement rendre visite aux élèves de l’école. Claudine, comme ses camarades, n’est pas trop dérangée par son environnement, et tout ce qu’on peut lui reprocher quant à ses vêtements ou ses cheveux ne la secoue pas pour un sou. Elle est ce genre de personnage qui va contre les normes de la société en s’amusant avec son corps.
Ce qui m’amène à la question de la sexualité dans *Claudine à l’école* (courage les gars, j’ai bientôt fini). Clairement, la plupart des jeunes filles s’y intéressent, bien que certaines semblent afficher plus de timidité que d’autres. Je l’ai déjà évoqué deux ou trois fois, mais toutes les visites de Dutertre, qui est le délégué cantonal en charge de l’école primaire (je crois), sont accompagnées de séquences où le vieil homme s’adresse aux écolières en les touchant, en leur caressant les cheveux, en les complimentant sur leur maturité, toutes ces petites joyeusetés, quoi. Et ce qui est surprenant, c’est que loin d’être horrifiées ou gênées par les gestes du docteur, les gamines de la classe lui répondent en roucoulant, ou en se recoiffant pour se mettre en valeur et espérer que c’est elle que Dutertre viendra voir cette fois.
En vérité, et avec un peu de recul, ce n’est pas tellement étonnant de voir cette réaction chez des adolescentes qui sont contraintes depuis toujours. Forcément ! On les couvre des pieds à la tête de tissus pour cacher « des cuisses que nous ne saurions voir », on leur attache les cheveux, on fait des relations sexuelles un tabou absolu avant le mariage, et les amourettes sont encore quelque chose dont on ne parle pas. À la page 127, on a même Mlle Sergent qui fait cette réplique à Anaïs : « Mes compliments, Anaïs, vous en savez bien plus long que certaines grandes personnes […] je vais déclarer à vos parents que je me décharge de toute responsabilité à votre égard ». Elle est littéralement blâmée – et qui plus est mise à part – pour s’intéresser aux choses de son âge. Alors oui, quand elles peuvent s’exprimer librement, elles le font : l’interdit est attirant, l’interdit amuse, et Dutertre, tout pervers qu’il est, est la porte ouverte à toutes les provocations. Du reste…
Du reste, jusqu’à ce que ça dérape, et que Dutertre agresse Claudine, qui parvient tout juste à se dégager du bonhomme et à retourner in extremis en classe. Elle ne parlera d’ailleurs de cet évènement à personne, l’héroïne trouvant excitante l’idée d’avoir un secret d’elle seule connu. Le tabou sur le corps de la femme, à cette époque, crée un immense déséquilibre dans les relations sociales avec les hommes, un déséquilibre qui peut tout faire basculer sans prévenir et mener à ce genre de situation.
On a également, à un moment donné du récit, l’apparition de l’inspecteur Blanchot, un homme plus vieux et plus élevé socialement que Dutertre, qui se rend dans la classe de Claudine comme un symbole de la vieille France, très prude et puritaine. Une élève qui ne s’attache pas les cheveux est une fille qui se dévergonde, même s’il ne le dit pas explicitement. Et même si ce n’est pas un sujet central dans le livre, on ressent le clivage entre une jeunesse qui commence à tourner le dos aux mœurs chrétiennes, et un monde adulte qui ne jure que par elles.
Ah, oui ! J’ai oublié d’en parler, tellement c’est anecdotique, mais je pense que le scandale provoqué par le roman s’explique en partie par la relation homosexuelle des deux institutrices. Alors… honnêtement, je vais pas m’attarder dessus parce que le récit lui-même s’en fiche un peu. Au début, c’est vrai que ça intrigue les écolières, qui s’amusent de cette amourette interdite, n’est-ce pas, elles chuchotent entre-elles et espionnent un peu les câlins que s’échangent Aimée et Mlle Sergent, mais ce n’est jamais qu’une toile de fond, un développement de personnages comme un autre. Même au début, quand Claudine se met en tête d’emmerder Mlle Sergent, ce n’est pas parce qu’elle ne supporte pas leur relation intime, c’est juste parce qu’elle a les glandes de pas pouvoir être amie avec Aimée, c’est tout. Et en fin de compte, plus l’histoire avance, et plus la relation des deux profs se normalise auprès des élèves, qui ne réagissent plus quand elles s’embrassent ou se tiennent la main en publique. Tout ce que je sais, c’est que c’est clairement une volonté de Colette elle-même de montrer que l’amour entre deux femmes est absolument normal, et que le meilleur moyen pour ça, c’est de le faire dire par les élèves, la jeune génération.

Y a aussi une scène dont je voudrais parler, pour conclure, et qui représente selon moi assez bien l'esprit du bouquin. Elle est à la page 111, et c'est un dialogue entre Claudine et Luce – on y voit deux gamines qui jugent une camarade qui ne rentre pas dans les canons de beauté, c’est quelque chose qui se fait encore aujourd’hui et qu’on rencontre énormément dans les cours d’école, justement –, et à la fois assez révélatrice quand à l’encadrement des critères de beauté féminins, et à l’importance qu’on leur prête à toutes les époques. Une seule chose change, les canons de beauté, pas la place qu’ils occupent dans la société.


C'est la finesse de la compréhension de l’enfance qui m’a accroché, le fait que le moindre couac, le moindre détail prenne une importance démesurée dans le quotidien de la gamine (l’arrêt des leçons d’anglais, pour ne citer que lui), du coup on s’embarque très facilement dans cet univers où tout est à la fois très normal, tranquille, et sujet à suspens.

BrandoFriso
7
Écrit par

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le 17 déc. 2020

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Lucien Traviole

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