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livre de Bill Gates ()

Bill Gates III : un récit fondateur entre télétype et révolution mondiale

Nous nous sommes collectivement forgé une image faussée de Bill Gates III.

Dans l’imaginaire populaire, nourri aussi bien par les libristes que par le grand public, il n’est qu’un capitaliste froid, là où Steve Jobs serait érigé en saint patron par une Église numérique. Pourtant, replacé dans son contexte, Bill Gates est, si ce n’est plus encore, aussi décisif pour l’histoire de la technologie que Ken Thompson ou Steve Wozniak.

Originaire de l’État de Washington, produit d’une époque de bouleversements, Gates diffère profondément de Jobs par son parcours et son capital social. Il aurait pu demeurer un héritier indolent, figé dans une certaine médiocrité. Au lieu de cela, adolescent, il découvre l’informatique par le biais d’un téléscripteur relié à un mainframe IBM. C’est là, dans la froide lumière d’un terminal, qu’il plonge dans un univers naissant, comme Wozniak et Jobs, mais avec une intensité presque obsessionnelle. Bill Gates s’avère un programmeur acharné, capable d’extraire chaque goutte de puissance de machines encore chancelantes.

Durant ces années de formation, il rend hommage à John McCarthy, pionnier de l’intelligence artificielle, et à l’oublié John Von Neumann. Avec quelques camarades, il teste des programmes sur un DEC PDP, s’aventure maladroitement dans des expérimentations interdites et finit banni temporairement des salles informatiques. Ces sanctions nourriront sa volonté de dompter la machine. À Harvard, puis chez TRW, il affine son art sur des mainframes qui, à l’époque, représentaient la pointe de l’ingénierie logicielle. En 2025, il faut se souvenir de ce que représentait Digital Equipment Corporation (DEC) : l’équivalent d’une entité visionnaire comme OpenAI ou Perplexity aujourd’hui. Gates tenta même de rejoindre cette forteresse de l’innovation. Imaginez un instant : un Bill Gates salarié de DEC… et peut‑être aucun GNU/Linux des décennies plus tard. L’histoire aurait pris une autre trajectoire.

C’est pourtant autour d’un kit informatique révolutionnaire, l’ALTAIR 8800, qu’une idée prend corps. Avec Paul Allen – trop souvent relégué dans l’ombre – Gates identifie une niche technologique prête à éclore. Ils créent un BASIC 4K optimisé, conçu sur un PDP‑10 d’Harvard, en assembleur, et l’adaptent à cette machine dotée d’un processeur Intel 8080. Pour la première fois, un langage devient un produit commercial destiné non aux laboratoires du MIT mais aux passionnés capables de transformer des cartes et des circuits en prototypes d’avenir.

Ce geste est une rupture. Dans un monde où le partage intégral dominait encore, où la frontière entre hacking et invention était floue, Gates ose demander un prix pour son logiciel. Cela provoque une onde de choc. Le fameux « Lettre ouverte aux amateurs », publiée en 1976, marque l’entrée du logiciel dans l’économie réelle. Ce débat enflamme le Homebrew Computer Club, déchiré entre idéalisme et nécessité. Gates se heurte à la mentalité libertaire de l’époque, tout en posant les premières pierres d’un cadre juridique et industriel qui permettra, des années plus tard, l’émergence des licences logicielles modernes.

Micro‑Soft (encore orthographié ainsi) se transforme alors en véritable « usine à logiciels », adaptant son BASIC pour d’autres architectures, notamment le processeur MOS 6502. Ce CPU motorise autant le Thomson MO5 que la mythique Nintendo Famicom/NES ou encore l’Apple II, ouvrant la voie à une nouvelle génération d’applications éducatives et ludiques. Ces choix techniques placent Microsoft au centre d’un écosystème bouillonnant, à une époque où chaque octet comptait, où chaque cycle CPU était scruté, et où la perspective d’une interface graphique semblait presque de la science‑fiction.

En parallèle, Apple, emmené par Wozniak et Jobs, se spécialise dans l’assemblage élégant, mais reste dépendant de logiciels conçus ailleurs. Microsoft, au contraire, se forge comme un atelier d’écriture logicielle, une forge où les outils deviennent des standards. Visual Studio Code, aujourd’hui déployé sur GNU/Linux, MacOS et Windows, n’est qu’un héritier direct de cette vision : l’obsession de donner aux développeurs la capacité d’innover sans réinventer la roue.

Lire ces débuts, c’est comprendre que le succès n’a jamais été une évidence. Chaque ligne de code, chaque nuit passée devant un terminal PDP‑10, chaque controverse sur la propriété intellectuelle a façonné l’ordinateur personnel moderne. C’est aussi constater qu’une entreprise de développeurs, guidée par une vision claire et un courage certain, peut changer le cours de l’histoire.

Aujourd’hui, alors que l’intelligence artificielle et l’open source redéfinissent nos infrastructures, il est bon de se rappeler que tout a commencé par un jeune homme qui refusait la médiocrité, prêt à franchir des limites techniques et morales pour faire naître une industrie. L’histoire de Microsoft n’est pas seulement celle d’un géant logiciel : c’est celle d’un pari audacieux qui, contre toute attente, a redessiné notre avenir numérique.



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le 15 juil. 2025

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