Un jour, on regrettera Vierzon et Brive-la-Gaillarde

(Copié-collé de ma fiche de lecture perso sur le livre)



L'auteur



Olivier Razemon est un journaliste indépendant qui a travaillé pour Le Monde. Ses thèmes d'étude principaux sont les transports, en particulier le vélo, l'étalement urbain... Il tient un blog hébergé par LeMonde.fr assez ancien et plutôt réputé sur les questions de mobilité qui s'appelle "L'interconnexion n'est plus assurée."



Le contexte



Les petites et moyennes villes françaises meurent à petit feux et de manière inexorable. Les ménages s'installent en périphérie, les grandes zones commerciales tuent les commerces de centre-ville, et la voiture reine est toujours l'indétrônable reine des déplacements. Olivier Razemon fait le point, en particulier après les élections municipales de 2014, sur les différentes raisons de ces phénomènes et comment y remédier.



Le livre, ses idées principales



Dans une édition revue en 2019, l'auteur commence le livre en pointant le changement de mentalité à l'aube des élections municipales de 2020. L'horizon politique a doucement glissé de la construction de zones industrielles et de rocades à une envie de revitaliser les centre-villes, de remettre le piéton au cœur de la cité etc...


Les centre-villes meurent dans les petites et moyennes villes


Plusieurs phénomènes illustrent cette dévitalisation des centre-villes :
-La perte d'habitants : beaucoup de villes ont perdu depuis les années 60 une grand partie de leur population (St Etienne a perdu 50000 hab/171000 aujourd'hui, Périgueux en a perdu 10000/30000).
-Dans beaucoup de ville moyenne, les centre-villes sont plus pauvres que la banlieue proche. les centre-villes se vident de leurs habitants les plus riches. il y a une paupérisation des centre-villes, les plus riches vont en banlieue proche et seuls les plus pauvres peuvent restent en ville car ils ne sont pas motorisés par exemple.
-Les magasins du centre-ville ferment car souvent de grosses zones commerciales ouvrent en périphérie. A Périgueux par exemple, ce sont les communes environnantes qui grossissent, drainent les ménages les plus aisés et qui servent de grande zone commerciale géante.


Historique de ce déclin


-Une prise de conscience a lieu dans les années 2010. Il existe une réelle fracture territoriale entre métropoles et villes moyennes. Toutefois la dévitalisation des villes demeure une préoccupation secondaire, l'époque étant marquée par les attentats, la crise des réfugiés, les catastrophes naturelles...
-Entre 1830 et 1960, les villes ont connu une croissance démographique ininterrompue. A partir de 1970, le phénomène de désindustrialisation touche des villes comme St Etienne, Roubaix, Mulhouse... Les années 80 correspondent à l'époque des autoroutes et du TGV. Plus besoin de rester dans les villes moyennes, les allers-retours sont possibles. A partir de la fin des années 2000, le numérique accélère la tendance : ce sont les marchandises qui bougent et non plus les gens.


Les sept plaies des villes moyennes


-L'agonie du petit commerce. De plus en plus de vacance dans les petits commerces.
-L'apparition de déserts alimentaires : boulangers, et épiceries ferment. Impossible de se procurer à manger à prix raisonnable, de qualité et sans voiture dans certains endroits
-L'habitat se nécrose : les immeubles se dégradent pour plusieurs raisons (habitations au-dessus de commerce sans entrées indépendantes, les logements restent vides et se dégradent...)
-Les riches s'en vont en périphérie
-On ne trouve en ville plus que les commerces superflus : tatouage, bijoux, vapotage...
-Le centre-ville devient le refuge des familles non motorisés, souvent étrangères et accentue la division entre quartiers, et l'isolement de chacun chez soi.
-La complexité de la question des transports publics. Peu utilisés (seulement par les étudiants, retraités, plus pauvres etc...), chers pour des moyennes/petites villes et pas forcément bien mis en place (l'utilisation de navettes dans des endroits où tout est facile et accessible à pieds par exemple)


Qui sont les coupables ?


-Le désir de métropole
-> Les métropoles n'ont cessé de grossir depuis les années 1960.
-> Beaucoup de maires se rêvent en grand bâtisseur, inspirés par ces métropoles et rêvent de créer de l'attractivité économique et de concurrencer les villes voisines. Or, les élus confondent souvent attractivité économique nécessaires à l'implantation d'entreprises et dynamisme commercial qui repose sur les dépenses des habitants. Beaucoup d'élus comprennent mal la structure de leurs bases économiques et développent finalement des équipements qui ne correspondent pas à leur territoire.
-> L'auteur insiste que les métropoles n'ont que peu d'impact sur les villes moyennes avoisinantes car la plupart des échanges, des achats se font dans un rayon de quelques kilomètres. Les inégalités ont réduit entre territoires, mais ont augmenté au sein même des villes entre quartiers etc...


-Le centre commercial
-> La grande distribution et les grandes zones commerciales deviennent littéralement de nouvelles villes. On y trouve tous les services de base, de loisirs en périphérie réunies au même endroit sous l'égide de promoteurs immobiliers, et accessibles seulement en voiture. "Le programme de la grande distribution consiste tout simplement à détruire la ville existante pour la remplacer par une ville artificielle, assemblée de toutes pièces, vouée au commerce et aux loisirs".
-> Les supermarchés ont un modèle qui écrase tout : pression constante sur les producteurs pour créer des prix bas,
-> Ils sont les fondateurs de l'étalement urbain, et ont contribué à déplacer le pôle d'activités en périphérie. Tout va de concert : l'omniprésence de la voiture, les déménagements des ménages en périphérie et la construction de ces zones commerciales géantes autour des villes. Le territoire s'est adapté aux exigences de la grande distribution grâce à sa force de frappe financière phénoménale.
-> Phénomène paradoxal : l'étalement urbain et la construction de nouvelles zones continuent, mais le phénomène de vacances existe également de plus en plus dans ces zones à cause des nouvelles crées plus attractives, saturation commerciale, baisse de fréquentation...


-Les commissions passoires, la CDAC
-> La CDAC (commission départementale d'aménagement commercial) est un passage obligatoire pour la construction ou l'agrandissement de commerces d'une certaine taille. Elle donne son accord à 75% des demandes (énorme chiffre !)
-> Ces commissions sont soumises à plusieurs problèmes : la grande distribution se passe allègrement de ce règlement à l'occasion, les élus présents à la CDAC se font appâter par la promesse d'emploi et de dynamisme local de la grande distribution (alors qu'il est prouvé que les grandes surfaces créent moins d'emploi que les petits commerces pour une même surface de vente), des arrangements voire de la corruption peuvent intervenir à l'occasion (des échanges de révision de PLU pour les grandes enseignes, et des financements d'équipements publics par ces mêmes enseignes pour les élus...)
-> Des élus s'imaginent une complémentarité entre commerces du centre-ville et grandes zones commerciales de périphérie, alors que la deuxième aspire littéralement la première.


L'omniprésence de la voiture


-Les élections de 2014 ont signé un certain retour à la voiture dans beaucoup de villes en supprimant des pistes, en mettant du stationnement gratuit. Beaucoup d'élus associent stimulation du commerce et importance de la voiture. Elle est devenue indispensable, tous les services urbains aujourd'hui demandent l'utilisation de la voiture.
-La ville détruit les villes de plusieurs manières :
-> la pollution sonore.
-> Avec les voies rapides, échangeurs, rocades, elle divise les quartiers et empêchent les échanges entre eux. Une étude montre que les habitants d'une rue à fort traffic ont moins d'amis dans leur quartier qu'une rue à faible traffic.
-> La vitesse de la voiture tue bien entendu mais éloigne également. "La vitesse ne fait pas gagner du temps, car les usagers en profitent pour aller plus loin".
-> Elle prend de la place. 95% du temps, elle est immobile et envahit l'espace public.


Comment la France peut sauver ses villes : recommandations


-Mettre fin à la construction de nouvelles zones commerciales et extensions de complexes existants. Moyens : préemption, taxes sur les locaux vides...
-Recréer un espace public de qualité : donner la priorité aux déplacements moins consommateurs d'espace, et efficaces en termes de relations sociales, redonner la place aux piétons et cyclistes.
-Rationaliser l'usage de la voiture : maintenir les lignes de train, valoriser les transports publics, réformer le stationnement...
-S'appuyer sur un réel diagnostic pour faire de réels choix d'aménagement, et avoir une réelle stratégie commerciale. Moyens : faire des "balades urbaines" pour se rendre compte des pbs, faire des enquêtes, utiliser la cartographie disponible, pour par la suite pouvoir mieux maitriser le foncier, connaitre la vacance commerciale et définir la bonne taille et les bons besoin du commerce local.
-Bien comprendre l'impact des zones commerciales sur l'emploi, il en détruit plus qu'il n'en créé.
-Réformer le fonctionnement des CDAC pour conditionner par exemple l'installation de zones commerciales au PLU obligatoirement, diversifier ses membres en intégrant plus de gens de la société civile...
-Retenir les habitants par la culture, un aménagement plus souple du patrimoine bâti...



Avis personnel



Le livre accumule un certain nombre de faiblesses selon moi :
-Il aborde beaucoup trop d'idées et de thèmes sur 200 pages. Chaque idée est expédiée en quelques lignes, avant de passer à une autre. Tout reste très superficiel, et jamais rien n'est approfondi (mention spéciale à l'historique du déclin qui balaye 60 ans d'urbanisme en quelques pages). La construction du livre est aussi bancale, avec des argumentaires qui n'ont rien à faire dans certains chapitres, des chapitres qui se recoupent et se répètent, et des sous-titres qui ne décrivent pas vraiment ce que l'on va lire.
-J'ai été également très étonné par la faiblesse de l'argumentaire en particulier sur les trois premiers chapitres du livre. La très grande majorité des arguments est avancée de manière brute, à partir de "on dit" et choses entendues ici et là. Il ne s'appuie finalement que sur peu d'études tout au long du livre, le livre apparaissant plus comme un très long billet de blog plutôt qu'un véritable ouvrage sérieux.
-Il ne prend jamais la peine de bien circonscrire son sujet. Tout est généralisé des petits bourgs de quelques milliers d'habitants aux villes plus grandes, mélangeant ainsi les faubourgs, zones périphériques, communes environnantes etc... Ça manque vraiment de précision et de justesse pour convaincre, tout est trop fouilli et vite expédié.
-J'y ai tout de même appris des choses notamment sur ces fameuses commissions CDAC, des anecdotes sur quelques villes, et certaines thèses sont vraiment intéressantes comme l'idée que les zones commerciales se veulent comme remplaçantes des villes.
-Au final, si le livre est loin d'être déplaisant à lire, je pense qu'il vaut mieux le considérer comme une introduction à tous ces problèmes et à l'urbanisme pour mieux approfondir avec d'autres ouvrages un peu plus spécialisés et plus sérieux par la suite.

Hunkydorus
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le 11 mai 2020

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