Conan, le barbare de l'Est, qui vient confondre les mœurs et les tares de la civilisation, avec sa vision claire (lucide), ses réflexions d'une acuité rare (piquant souvent au vif) et son épée acérée (à la fois physique et orale), est un personnage bien plus formidable et passionnant que le pachydermique Arnold Schwarzenegger de Milius, sachant à peine articuler sa pensée. Le Cimmérien de Robert Howard lui est un érudit, je veux dire un homme cultivé et bien au fait des arcanes sombres du pouvoir du monde citadin. En plus d'être un formidable combattant qui n'a pas été ramolli par une vie de dissolution et de fourberie typique d'une société décadente. La confrontation entre la barbarie et la civilisation est le thème central de cette oeuvre archétypale par excellence, qui a posée les bases de toutes l'heroic fantasy moderne, mais qui en a aussi sonné le glas. Souvent copié jamais égalé. Aussi étonnant que cela puisse paraître, puisque l'oeuvre date des années 1930. L'écriture reste étonnamment moderne ! La force évocatrice intacte. Certaines de ces nouvelles sont stupéfiantes. Il y a des perles. Bien qu'il y ait aussi quelques déchets, ou disons quelques baisses de régime, dans certains récits que l'on qualifiera d'alimentaires. Les inspirations de poèmes et de mythes nordiques sont très belles et magnifiquement incrustées. Les aventures de Conan sont une ode à la liberté, la forte personnalité du barbare n'étant certainement pas sédentaire et soumise à des protocoles répétitifs. Un jour il est roi, voleur un autre jour, pirate, chef de guerre, aventurier sans le sou, et parfois même pionnier d'événements majeurs, quand l'occasion se présente... Bref, si vous ne connaissez que le film de John Milius, vous risquez d'être surpris ! C'est un recueil que je vous conseille. Découvrez ne serait-ce que les mots mythiques qui introduit on ne peut mieux le personnage, dans la toute première nouvelle présentée par le recueil, qui se nomme Le Phénix sur l'épée. Au passage, ces superbes éditions Bragelonne ont été expurgées de toutes censures et de modifications douteuses et ennuyeuses des éditions précédentes. Aujourd'hui les textes sont purs et aussi sulfureux que dans l'esprit de l'auteur. Merci au traducteur Patrice Louinet.