Après des années d'absence journalistique, lol, je décide de me pencher sur une des lectures du moment :
Un classique des plus stricts: je veux dire la pièce d'Edmond Rostand ou ci-gît le bien nommé.... :)
Et c'est sous les pleins phares de la grande chambre de l'Hôtel de Bourgogne que la déclinaison des terminologies débute.
Cyrano que l'on attendait plus, ou à peu près; s'arrache la singularité du rôle de Phédon qu'il ouït naitre juste là sous ses yeux, scandalisé par "l'indépendance et la franchise" atmosphérique de ses condisciples.
Les dés en sont jetés..., et c'est sous ce masque dysmorphophobique de laideur que la scène s'incarne.
Cette mise en abime multiple, ce furoncle de l'horreur, ce nez profane et fécond puisqu'il faut bien l'appeler par son nom :) est avant tout un excelsior fallacieux qui sait répandre en tout honneur les bonnes grâces de son auditoire.
Apparat du divertissement, il se veut libre de versification et sait se mettre au service des divers registres de langue, oscillant tantôt entre la grâce et le désespoir porté au loin de tout récit mythologique :
"Aimez vous à ce point les oiseaux
Que paternellement vous vous préoccupâtes
De tendre ce perchoir à leurs petites pattes ? "
Je pense donc je suis. Il est libre, Max ?
En Parodiant Pyrame en un sanglot :
"Le voilà donc ce nez qui a des traits de son maitre
A détruit l'Harmonie! Il en rougit, le traître ! "
Honi soit, qui mal y pense. Le sort en est jeté.
Le ton est donc donné, et c'est sous cette palette de couleur que les diverses gradations et oxymores défilent.
C'est aussi lors de ce premier acte que se dévoile le châtiment de l'intrigue, l'objet des vertiges de Cyrano :
La vision, le "diaphane"; Roxane.
"Un danger mortel sans le vouloir, exquis sans y songer, un piège de nature, une rose muscade, dans laquelle l'amour se tient en embuscade !"
Roxane est l'attribut de Vénus et Diane réunies : l'épitaphe ou le dessein irascible :
" Comme elle monte en chaise et marche dans Paris "
Puis vient le temps de l'acte II; le temps des fins limiers.
On y découvre un rôtisseur pâtissier, Ragueneau. La recette de la tartelette amandine pour notre plus grand plaisir et le dévoilement de l'amour porté par Roxane au baron, Christian, de Neuvillette.
Il est Beau, noble, et cadets au garde. Une couleur de plus au calendrier des saisons.
Par ce truchement, le roman de formation ne s'en trouve qu'enrichi. Et l'on assiste alors à une description bien élogieuse des moeurs sous l'Ancien Régime.
Cyrano hisse son hymne comme une caresse un peu hardie
" Ce sont les Cadets de Gascognes
De Carbon de Castel Jaloux
Bretteurs et menteurs sans vergognes
Oeils d'aigle, jambe de cigogne,
Moustache de chat, dents de loups,
Fendant la canaille qui grogne (...)
Voici les Cadets de Gascognes
Qui font cocus tous les jaloux "
Sans y toucher :)
NB du N.B : "Un cadet de Gascogne est, sous l'Ancien Régime, un militaire censé être d'origine gasconne (mais parfois d'alentours comme béarnaise ou souletine) souvent gentilhomme. Trop pauvre pour prétendre comme un aîné de grande famille entrer dans une coûteuse académie, il reçoit une formation d'officier au sein même des troupes. Ce parcours est de règle jusqu'en 1682; crucial.
Selon Wikipédia, un mythe littéraire se forge au xixe siècle.
À partir de D'Artagnan, personnage réel revisité par de Sandras, Alexandre Dumas crée un archétype : le jeune Gascon pauvre, intelligent, hardi, redoutable bretteur, qui monte à Paris où il entre comme cadet dans une compagnie.
Puis Edmond Rostand popularise l'expression « cadets de Gascogne » en imaginant une « compagnie des Cadets de Gascogne » dans sa pièce Cyrano de Bergerac", personnage du XVII siècle, fait d'os et de chair. Du carbone monodosé. Une bombe à retardement.
Lors de cet acte, la présence de Le Bret, confident de Cyrano, permet d' accoucher d'une étoile Faire feu de la supercherie dans laquelle il s'inscrit:
J'ai vu alors défiler l'une des plus belles tirades sur l'individualisme de nature individuelle qui soit :
"Mais chanter,
Rêver, rire, passer, être seul, être libre,
Avoir l'oeil qui regarde bien, la voix qui vibre,
Mettre, quand il vous plait, son feutre de travers,
Pour un oui, pour un non, se battre - ou faire un vers!
Travailler sans souci de gloire ou de fortune,
A tel voyage, auquel on pense, dans la lune!
(...) Soit satisfait des fleurs, des fruits, même des feuilles
Si c'est dans ton jardin que tu les cueilles!
bref, dédaignant d'être le lierre parasite,
lors même qu'on n'est pas le chêne ou le tilleul,
Ne pas monter bien haut, peut-être, mais tout seul ! "
"La haine est un carcan, mais c'est une auréole"
Le je(u) se pare d'une curieuse étrangeté lorsque Cyrano propose à Christian de lui prêter sa plume afin de conquérir l'objet de son désir, l'inaccessible beauté.
" Veux-tu sentir passer, de mon pourpoint de buffle, dans ton pourpoint brodé, l'âme que je t'insuffle? " "collaborer un peu tes lèvres et mes phrases "
Je serai ton esprit, tu seras ma beauté" ...
Le parfum de giroflée.....Une métonymie.
Pour faire bref, dans le 3ième acte, la prophétie s'auto réalise et la femme est une oreille.
Dans l'avant dernier, c'est la Guerre et Christian est tué sur le front.
Débonnaire, Cyrano adresse cette lettre dédiée à Roxane, en hommage au poète, au sublime, à l'élévation de ces âmes magnifiques et charmantes, peut-être. "Je me crois en enfer, donc j'y suis" dirait Rimbaud.
Quinze années plus tard, au couvent des Dames de la Croix, Roxane fait pénitence et Cyrano est une missive, l'acier brûlant et l'actualité.
Chemin faisant, alors qu'un horrible coup sur la tête lui fait perdre toute notion de savoir, Cyrano se dévoile, à l'aveuglée: il est maitre du récital et victime inaliénée de cet enchantement :
"J'ignorai la douceur féminine. Ma mère ne m'a jamais trouvé beau. Je n'ai pas eu de soeur.
Plus tard, j'ai redouté l'amante à l'oeil moqueur. Je vous dois d'avoir eu, tout au moins, une amie.
Grâce à vous une robe à passer dans ma vie".
Et c'est sous le regard indigné de Roxane et avec la bienveillance sous pli de son ami Le Bret que Cyrano s'étiole et répond au grands mystères de notre temps :
" Ci git Hercule Savinien
De Cyrano de Bergerac
Qui fut tout, et qui ne fut rien "
"Oui vous m'arrachez tout, le laurier et la rose!
Arrachez ! Il y a malgré vous quelque chose
Que j'emporte, et ce soir, quand j'entrerai chez Dieu,
Mon salut balaiera largement le seuil bleu "
C'est peut-être Cyrano et ses 1001 nuits?
Une oeuvre pamphlétaire xD
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Créée
le 20 oct. 2023
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