A une flèche d'indien du coup de cœur pour ce célèbre roman de Jim Harrison, auteur américain non moins célèbre pour son expertise de la littérature nature-writing et sa connaissance de la culture amérindienne.
De son oeuvre, jusqu'alors, je ne connaissais rien, si ce n'est l'adaptation cinématographique de "Légendes d'automne", film qui m'avait mortellement ennuyée à l'époque. Fort heureusement, "Dalva", roman assez exigeant et qui peut rebuter par sa construction narrative, m'a quant à lui emballée et totalement séduite.
"Dalva" est une chronique familiale qui s'étend de la Guerre de Sécession à 1986, et se situe essentiellement dans le Nebraska, dans la ferme séculaire des Northridge. Du point de vue stylistique, le récit est quelque peu éclaté à la manière d'un puzzle entre deux narrateurs, auxquels vient s'ajouter le journal de l'aïeul, acteur des guerres indiennes, pro-Sioux ; un ancien missionnaire arboricole ayant eu pour double objectif de planter des arbres fruitiers dans les Plaines et de propager la Parole de Dieu sous les tipis.
Dalva est la descendante de ce personnage atypique et iconoclaste. Son histoire personnelle semée de drames et d'épreuves, sa personnalité à la fois romantique et rebelle, son rapport à la nature et à son environnement font d'elle une héroïne assez inoubliable.
"Dalva" est un roman bourré d'humanité jusqu'à la gueule. Dans une ambiance western qui a fait résonner en moi l'écho de tous les romans du genre que j'ai lus ces dernières années (notamment grâce aux éditions Gallmeister), l'action se fait mystérieuse voire mystique, en présence de très nombreux animaux à la symbolique forte parmi lesquels le coyote, l'ours, le cheval et le serpent (pour n'en citer que quelques uns), et en relation avec une poignée de personnages attachants malgré leurs faiblesses.
L'histoire des Sioux à proprement parler est traitée de manière romanesque plutôt que documentaire même si le lecteur s'instruit beaucoup ; j'ai personnellement complété ma lecture de nombreuses incursions sur le net pour approfondir événements et géographie des lieux cités.
La fascination qu'exerce (sur moi) l'immensité des grands espaces du Middle West et de l'Ouest américains a trouvé à s'alimenter à travers ce roman de plein-air et de grandes chevauchées ; un roman qui interroge sur les actes dits "civilisés" des Blancs ; des gouvernants, des militaires et des colons qui ont tout simplement participé à deux génocides, celui des tribus indiennes et celui des bisons.
Côté style, j'ai trouvé le verbe de Jim Harrison très talentueux et "littéraire", sans recherche de fluidité et de facilité mais au contraire revendiquant une réelle exigence dans l'exploration des vices et vertus humains. L'auteur pose les faits, leur donne une dimension dramatique et laisse son lecteur se faire juge. J'ai été plusieurs fois émue par le destin de Dalva et touchée par la destinée des peuples indiens.
Ce roman m'a marquée, sans doute pour longtemps, et je considère personnellement qu'il mérite amplement sa réputation de chef-d'œuvre.