Troisième livre de Georges Orwell que je lis, Dans la dèche à Paris et à Londres est complètement différent d'un 1984 ou de La Ferme des Animaux puisqu'on se retrouve ici face à une œuvre semi-autobiographique, l’auteur ayant réellement été dans la dèche à Paris puis à Londres entre ces 25 et 30 ans.
J'avais un peu peur que l'œuvre tranche trop avec ce qu'il a fait par la suite, que des erreurs de jeunesse se fasse ressentir : il n'en est rien. Dans la dèche à Paris et à Londres est captivant dès son premier chapitre et même dès sa première page.
La notion de « semi-autobiographique » est importante, Orwell ayant été le seul à écrire ce roman, il aurait très bien pu arranger le passé à sa guise. (Mais n'est-ce pas ça qui caractérise le genre du documentaire ? Ce flou entre le réel, le concret, et ce qui nous est projeté ?)
En l'état, oui, certains passages n'ont absolument pas pu être retranscrits tels quels. C'est le cas dès le chapitre 2 avec le long monologue de Charlie qui, à moins qu'Orwell possède une mémoire extraordinaire, a forcément dû être quelque peu transposé, ne serait-ce que pour rendre le texte lisible. En fait, on se doute très vite que certains personnages sont des agrégats de personnes qu’Orwell a réellement rencontré (des « types représentatifs » pour paraphraser l'auteur). En plus de ça, l'ouvrage comportant de nombreux détails et témoignages personnel, impossible de dire qu'Orwell ait tout inventé.
De l'aveu de l'auteur ? Rien n'a été exagéré, tout ce qui est décrit s'est produit à un moment où à un autre, mais les événements ne sont pas forcément retranscrits par ordre chronologique et ont donc été réorganisés.
Ainsi, on se retrouve face à un roman qui se révèle être une véritable archive du Paris d'avant le Front populaire, relatant les déboires d'un homme, qui faute de moyens, se retrouve contraint de devoir vivre au jour le jour.
Dans la dèche à Paris et à Londres est donc indispensable pour peu que nous souhaitions en apprendre plus sur la jeunesse d'Eric Arthur Blair ou savoir ce qui l'a poussé à se politiser puis à se tourner de plus en plus à gauche, jusqu'à écrire le célèbre roman que tout le monde aime tant citer à tort et à travers (notamment ceux qui ne l'ont pas lu).
D'ailleurs, lors du chapitre VIII, alors qu'Orwell et Boris (un émigré russe de 35 ans) tente d'intégrer un réseau communiste clandestin, Orwell admet ne pas avoir d'opinions politiques et de ne rien y connaître.
Malheureusement, la seconde partie du roman, celle se déroulant dans Londres, se montre moins intéressante à suivre que la première. Sans être mauvaise pour autant, vivre dans la dèche à Londres semble plus routinier que vivre dans la dèche à Paris, moins éprouvant, mais surtout moins incertains (la présence de nombreux lodging-houses et refuges de l'Armée du Salut en étant pour beaucoup). J'ai donc éprouvé moins d'intérêt à suivre les pérégrinations de l'auteur dans cette ville.
Enfin, il est à noter que pour quelques chapitres bien précis, Orwell sort du cadre de l'autobiographie pour se consacrer à quelques réflexions (pour la plupart encore pertinentes) sur le travail, la mendicité et les différents lieux où dormir pour les sans-domiciles.
Je n'ai pas lu beaucoup de livres dans ma vie (du moins pour le moment), mais à l'heure qu'il est, Orwell est sans l'ombre d'un doute mon auteur préféré… et il ne me manque surtout plus qu’à lire Le Peuple d'en bas de Jack London vu le nombre de personnes comparant les travaux des deux hommes.