Pomponette Iconodoule. Le nom de l’héroïne de ce conte érotique est un coup de génie, patronyme en mont de Vénus qu’on gravit d’un côté, Pomponette, avant de se laisser glisser de l’autre en tintinnabulant, Iconodoule.
Pomponette Iconodoule disais-je, je ne m’en lasse pas, faussement insouciante, réellement ardente et rêveuse, libre penseuse et jouisseuse, prend l’avion pour retrouver à Istanbul son amant Soliman qui se prétendit turc.

Dès l’envol, la plume virevoltante de Claro fait merveille, tordant les clichés de l’humanité touristique entassée dans la carlingue de cet avion de Turkish Airlines, entre service des plateaux, braillements des mômes et trous d’air, et débarquée sur les bords du Bosphore face à l’obstacle de la sévère douane turque.

«Bien sûr, la lombricité un tantinet lascive de la progression est cause parfois de frictions, et il est important de ne pas se laisser distraire par le spectacle d’un polymorpion hurleur ou d’une pétasse dolchégabanée qui double impunément son monde. En revanche, immense plaisir de voir l’ancien et le nouveau s’alterner, les foulards lever les voiles, les samsonits copuler avec les gros sacs bouffis à motifs écossais, d’entendre les cédilles copuler avec les palatales.»

Voir Istanbul et jouir. Le nom d’"ayasofya", les dômes des minarets, la tour de Galata, l’appel à la prière procurent des frissons à l’inlassable et torride Pomponette, dépouillée de toute once de culpabilité, mais non pas de conscience.

«Pomponette vacille. Autour d’elle, la surplombant, la dominant, les minarets braquent leurs seringues vers le cul des rares nuages, et Mahomet est désormais son chanteur préféré. Elle sent les bulbes dorés se gorger du lait des fidèles et tendre leurs pis vers la nue. Pas religieuse pour un euro, quoique fervente quand il lui faut s’agenouiller et honorer le cierge, la môme Iconodoule sent hélas l’insulte qu’est son décolleté et l’outrage que tricote ses gambettes.»

L’érotisme est partout dans ce conte truculent ; Claro culbute le langage sans ménagements, s’empare des expressions toutes faites, les étale, les enroule et les retourne comme une pâte de baklava, et les mots deviennent une matière, nouvelle et délicieuse. Pomponette Iconodoule. Nirvana des mots.

Après cette mise en bouche, que j'espère appétissante, si vous désirez une véritable note de lecture, ce qu'en dit avec profondeur et intelligence mon ami et collègue Charybde 2 est ici : https://charybde2.wordpress.com/2015/03/01/note-de-lecture-dans-la-queue-le-venin-claro/
MarianneL
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 22 mars 2015

Critique lue 181 fois

3 j'aime

MarianneL

Écrit par

Critique lue 181 fois

3

D'autres avis sur Dans la queue le venin

Du même critique

La Fin de l'homme rouge
MarianneL
9

Illusions et désenchantement : L'exil intérieur des Russes après la chute de l'Union Soviétique.

«Quand Gorbatchev est arrivé au pouvoir, nous étions tous fous de joie. On vivait dans des rêves, des illusions. On vidait nos cœurs dans nos cuisines. On voulait une nouvelle Russie… Au bout de...

le 7 déc. 2013

37 j'aime

La Culture du narcissisme
MarianneL
8

Critique de La Culture du narcissisme par MarianneL

Publié initialement en 1979, cet essai passionnant de Christopher Lasch n’est pas du tout une analyse de plus de l’égocentrisme ou de l’égoïsme, mais une étude de la façon dont l’évolution de la...

le 29 déc. 2013

36 j'aime

4

Culture de masse ou culture populaire ?
MarianneL
8

Un essai court et nécessaire d’un observateur particulièrement lucide des évolutions du capitalisme

«Aujourd’hui il ne suffit plus de transformer le monde ; avant tout il faut le préserver. Ensuite, nous pourrons le transformer, beaucoup, et même d’une façon révolutionnaire. Mais avant tout, nous...

le 24 mai 2013

34 j'aime

4