Il arrive souvent que le lecteur peste après avoir entamé un roman, aguiché par une quatrième de couverture trompeuse prenant en otage sa crédulité. Ici guère de tromperie sur la marchandise. Du début jusqu’à la fin, De l’horrifique chez les tarés ne s’embarrasse ni de vraisemblance, ni d’un vague embryon d’intrigue. Jugez par vous même…


Alfred Brochel, dit Freddy le Galopin, est las d’astiquer les vieilles rombières pour le compte de l’agence Cœur de Paris. Il en a ras le caleçon de se taper des antiquités moches ou estropiées, voire les deux à la fois. Le bougre souhaite changer d’air, abandonner son train de vie de ministre, et tant pis pour sa garçonnière, place du Paraguay. Plus facile à dire qu’à faire, sa patronne n’appréciant pas que ses employés la quittent pour dégraisser le jambon ailleurs.
Ayant échappé de justesse à l’émasculation, le Galopin prend la fille de l’air en compagnie d’une ancienne amante, la gironde Germaine, ex-charcutière de son état. Direction le Zaïre où l’attend le pactole, de quoi se refaire une vie au vert. À la condition d’engrosser la fille d’un riche trafiquant d’armes, au nez et à la barbe d’icelui. Mais la belle prend ses aises avec son époux (un mou de la nouille) sur une gondole ancrée au beau milieu d’un étang d’eau croupie, véritable fosse d’aisance, gardée par une paire de crocos et toute la cour de son papa. Autant dire que l’affaire n’est pas dans le sac d’embrouilles.


Malgré la lecture du sous-titre, s’il subsistait un doute sur le sujet de ce roman, ce bref résumé vient de l’ôter. De l’horrifique pour les tarés est doté d’une intrigue pouvant tenir sur un ticket de métro, le genre mité à force de trop de compostage.
D’emblée, Pierre Siniac envoie valdinguer toutes les convenances littéraires, tous les procédés stylistiques et autres affèteries de la littérature qui pose. On est dans le registre de l’abracadabrant, de l’hénaurme, du gros rire qui tache. De cela, l’auteur ne s’excuse même pas, bien au contraire, il souligne son laisser-aller, l’humour à la va-comme-je te pousse dont il fait montre, interpellant fréquemment le lecteur par un système de notes en bas de page. Bref, il en fait des tonnes, quitte à trop charger la barque, et effectivement son histoire ne tient pas du tout debout. Mais, ce n’est pas pour cette raison que l’on s’accroche.
En effet, les pérégrinations de Freddy le Galopin ne sont qu’un bien mince prétexte pour une suite de péripéties grotesques animées par des caricatures humaines. On ne peut pas reprocher à Siniac de mégoter sur la distribution. Entre le médecin marron, les tueurs siamois, le majordome étrangleur, le berger tyrolien, le cuistot démineur, le bouffon turc vêtu d’une peau d’ours, les quidams de tout acabit, les vicieux, les tordus et autres fins de race, on est plus que rassasié.
Dans une Afrique de pacotille, où les panthère croisent les tigres, Pierre Siniac tire à la ligne, usant d’une gouaille contagieuse qui colle aux pattes. N’ayant pas la langue verte dans la poche, il accouche de dialogues truffées d’argot, faisant feu de tout bois, multipliant les jeux de mots piteux, les à-peu-près drolatiques et les échanges grotesques, quelque part entre François Rabelais, Frédéric Dard, Antoine Blondin, Michel Audiart et bien d’autres.


Au final, De l’horrifique pour les tarés s’adresse à un public averti, adepte du registre argotique et de grosse rigolade. Personnellement, on lui préfèrera son autre roman, Luj Inferman’ et la cloducque.


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leleul
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le 19 mai 2016

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