J'ai mal à la tête
La quatrième de couverture indique, humblement, qu'il s'agirait là d'un chef-d'oeuvre du genre (quel genre? Bildungsroman? Roman Philosophique? Je pencherais pour la seconde option, histoire de ne...
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le 7 sept. 2012
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Bon je ne vais pas passer par quatre chemins ni faire d’efforts stylistiques (de toute manière le livre concerné ne s’emmerde pas trop de ce côté là), pour faire court je n’ai pas aimé ce livre.
Demian est un roman dans lequel il ne se passe rien (ce qui n’est jamais un problème en soi entendons nous), sinon la quête d’un jeune homme vers lui-même, vers la connaissance de soi.
Mais premier problème, le personnage que l’on suit, Emile Sinclair, est juste imblairable (et ce n’est pas voulu par l’auteur). Il me fait penser aux vidéos de meufs à propos des cryptobros expliquant avoir récemment tout compris sur la vie alors que normalement à 15 ans le commun des mortels a dépassé le stade de leurs réflexions soi-disant inédites. Emile le digital nomad revêt donc son meilleur habit de prophète et compose ses plus belles logorrhées pour nous délivrer des pensées révolutionnaires comme par exemple « l’important, c’est de trouver sa propre destinée »… Ouah mais merci mon chef personne d’autre n’y avait pensé avant toi, tu m’as fait voir la lumière moi je pensais que l’important c’était de trouver les meilleurs promos au monop
Bref donc non seulement il a des réflexions digne du Petit prince prime (« l’essentiel se voit avec le coeur » ok merci Jean MissFrance mtn va jouer sur l’autoroute stp) mais LE PIRE c’est qu’il se prend pour un mec trop stylé qui surpasse tout le monde parce qu’il est trop mystérieux comme Light Yagami. Donc au lieu d’aller voir un psy parce qu’il est clairement malheureux il a pas de meuf pas de potes pas de taff c’est bien casse-gueule bah il méprise tout le monde comme un mage noir, il pleure du sang en voyant ses collègues s’amuser ducoup il lâche des grosses punchlines de dark sasuke genre « Souvent, il m’était arrivé de considérer le contraste entre leur conception stupide de la gaieté et ma vie solitaire » ptn mais oskour tu te prends pour qui brodie on dirait le meme du mec tout seul dans une fête qui se sauce tout seul. Tu n’es pas le tigre que tu penses être Emile Pas Clair...
Bref son pote Demian c’est encore pire lui c’est un vrai baka, le sigma boy originel, il se déplace comme un ninja il lit dans les pensées et peut produire des réflexions politiques profondes inspirées du nec plus ultra de la psychanalyse de comptoir, comme par exemple lorsqu’il affirme que la rupture sociale qui sépare les patrons des ouvriers vient de « la peur des autres » et de « l’ignorance de soi » (oui oui et puis la guerre s’explique par le complexe d’Oedipe et le réchauffement climatique ça vient des traumas d’enfance du CO2 fdp). Ça lui arrive aussi de s’essayer à la biopolitique en disant que les grands hommes de l’Histoire ont réussi car ils étaient les individus les plus forts et les plus innovants comme dans la théorie de l’évolution (relire Darwin urgemment là).
Mais le plus grand singe dans l’histoire c’est l’auteur, Hermann Hesse, prix Nobel de littérature (ramenez moi le troupeau de primates qui a voté pour lui), qui a vainement essayé de faire un roman philosophique, en multipliant les références contradictoires (Freud et Jung, Nietzsche, Christianisme Bouddhisme, Paganisme etc), ce qui est cohérent au début puisque le personnage se cherche et donc se contredit, mais à la fin on se retrouve avec un gloubi boulga qui mélange tout et n’importe quoi. Son personnage est à la fois nietzschéen, visant l’accomplissement total de l’être, le devenir d’ubermensch ou jsp quoi, et en même temps il prône une sorte d’ascétisme bouddhiste et un repli sur soi ; le roman prône le rejet de la morale, la dualité de l’existence, le chaos des sentiments etc, mais se révèle très sage, sur le fond comme sur la forme. Un auteur qui se prétend amoral doit choquer ou transgresser un minimum sinon c’est un guignol désolé (Sade, Nietzsche, Céline, Calaferte voilà des spécialistes du genre).
Pire, alors que le début est franchement intéressant, puisqu’on parle de violence psychologique, de sexualité - et d’homosexualité tacite, de remise en cause de l’éducation parentale etc…, on tombe trop vite dans une bouillie ésotérique / mystique qui, personnellement, ne me parle pas DU TOUT.
D’ailleurs je me suis fait une petite réflexion à propos de ces fameux romans d’apprentissage, qui suivent une jeune personne de son enfance à l’âge adulte en offrant une vision particulièrement orientée du parfait character development. Souvent les auteurs qui en écrivent - et Hermann Hesse est un spécialiste du genre, cf son Siddharta par exemple - prétendent implicitement connaître la meilleure manière pour un individu de s’accomplir et ducoup leurs certitudes sur la vie déteignent trop dans leurs textes, ça devient vite un cours magistral sur comment devenir la meilleure version de soi-même tah Yomi Denzel prime, sacrifiant ainsi toute ambiguïté et toute légèreté romanesque. Voilà pourquoi souvent ils ne sont pas très bons (il existe des exceptions).
Bref vu comme ça on pourrait penser que j’ai détesté le bouquin mais enfait j’ai juste été déçu, d’autant plus que j’avais bien accroché sur le début… J’y suis peut-être allé un peu fort malgré tout déso à ceux qui ont aimé on est pas ensemble.
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Créée
le 25 juin 2025
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