Dernier Carré ne tient pas des propos très aimables. Mais les temps qui s’annoncent seront-ils aimables … L’époque présente le serait-elle encore, d’une quelconque manière ? Est-il encore temps de se la jouer « cool » et d’éviter de faire des vagues ? Ou encore de continuer à philosopher sur nos petites misères existentielles ou nos fâcheuses hérédités, comme si de rien n’était.

« Loin du bruit, loin du cœur », suffirait-il à satisfaire et à rassurer l’individualité contemporaine ?

Et du devenir, n’en parlons plus ; dans 3 ans, 10 ans, 20 ans, 50 ans, qui veut y penser ou simplement en parler, à part quelques fumistes en voie de cybernatisation achevée.

Le propos de Dernier Carré est donc rude la plupart du temps et ne songe nullement à s’en excuser.

Pour ma part, je le situe dans cette si nécessaire Écologie Sociale, comme préalable à tout espoir d’un changement nécessairement radical de nos modes de vie et de notre misérable organisation sociale.

Mais trêve de bavardage, passons aux sujets :

"Un même défaut partout de ... de consistance, de fermeté morale, de force d'âme, de quelque personnalité, apparent dans la physionomie ; la généralité d'une même pénurie de caractère propre, d'une impossibilité commune à prendre forme, à devenir quelqu'un - comme parvenus au terme du processus de domestication de l'Homme."

"De son coté l'État instaure des contrôles à distance ne se soupçonnant même pas et organise son inaccessibilité, perfectionne son opacité par sa dématérialisation et son évanouissement du monde commun en supprimant tous ses guichets qui étaient en truchement dans l'existence sociale et tous les fonctionnaires humains de l'autre côté du formulaire papier autour de quoi éventuellement s'expliquer - au profit de démarches et déclarations électroniques réclamant des codes, des mots de passe ...Et finalement le seul "contact humain" qu'on en peut avoir c'est celui de ses policiers cagoulés."

"... de se questionner pourquoi la course du temps se fait apparemment si hâtive à nous bousculer dans la suite des semaines, à tourner si précipitamment les pages du calendrier et nous pousser ainsi dans une accélération manifeste de ces faits excessifs dont l'époque résonne toute entière."

"...déjà aurait-on dit à observer du dehors ces civilisés des grands amas urbains si étrangers les uns aux autres, si occupés à s'absenter les uns des autres, à ne se prêter aucune attention, à ne pas se voir les uns les autres, aurait-on dit une espèce devenue infertile, peut-être en effet d'une domestication trop poussée, une espèce d'où le fluide vital se retirait, dont la note tonique s'était perdue - ne connaissant plus de ces attractions en réciproque, de ces rapides polarisations ; comme démagnétisée, comme souffrant d'anaphrodisie, c'était assez frappant."

"Car enfin, qui sont-ils ces gens-là, d'où sortent-ils, pour s'autoriser sans l'ombre d'un doute ni du moindre recul à régenter nos vies quotidiennes ? (...) à décider de tout pour nous, à inventer des mots hideux (non, je ne les citerai pas), à pomper notre air, attaquer notre joie de vivre, décider de nos mélancolies, délier nos liens, saper nos élans, salir nos désirs, abîmer nos pensées, sans oublier de racler vigoureusement l'argent des pauvres."

"En élucidation de la placidité, du peu de réaction, de l'indifférence à vrai dire avec laquelle les hommes s'accommodent de la paupérisation du monde autour d'eux, se blasent du délabrement de la nature à quoi ils assistent et d'innovations climatiques pourtant menaçantes, est invoqué un plausible syndrome de la référence changeante, soit un phénomène inévitable "d'amnésie générationnelle" qui est d'un principe simple : "Chaque génération prend en référence de l'état normal des choses l'environnement tel qu'il était à l'époque de sa jeunesse", impliquant ce corollaire non moins simple que "chaque génération ignore que cet état qu'elle considère comme normal était déjà un état dégradé par rapport à celui que connaissaient les générations précédentes."

UNE OBSERVATION

"Un vague remord avertit l'homme moderne qu'il a eu peut-être, qu'il pourrait avoir, avec le monde où il est placé, des rapports plus profonds et plus harmonieux. Il sait bien qu'il a en lui-même des possibilités de bonheur et de grandeur dont il s'est détourné"

& UNE DEVINETTE :

"L'on voit parfois, dans un train ou une salle d'attente, un visage humain. Qu'y a-t-il en lui de différent ?"

steka
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le 22 août 2023

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