Publiés après la mort de leur auteur, les Dialogues sur la Religion Naturelle continuent le projet global de Hume, sans renier nullement ses autres écrits, en montrant la cohérence de croire, ou non, à une religion naturelle. C'est-à-dire : le monde nous informe-t-il ou non qu'un Dieu tout-puissant l'a créé ? Et si oui, que savons nous de ce Dieu par le monde ?


Avant toute chose, il s'agit, en terme d'écriture, d'une très belle réussite. David Hume est un bon auteur, cela est connu. Il fait parti des philosophes qui possèdent du style. Il offre également un dialogue à trois voix puisque nous avons un débat entre Cléanthe, le philosophe théiste, d'un côté et Déméa, le croyant orthodoxe et Philon, le sceptique, de l'autre. La surprise prend le lecteur de voir l'union entre Déméa et Philon. Si dans un premier temps, on imagine que Hume se fait Philon pour montrer que le sceptique doit protéger le religieux, on voit Déméa prendre une certaine indépendance. Cependant, très vite le lecteur comprend qu'en réalité, Philon gangrène de l'intérieur les thèses de Déméa, il parvient à vaincre les deux adversaires en même temps. Toute la beauté de l'argumentaire dans son ensemble se retrouve dans cette victoire de Philon contre Déméa sans affrontement.
Pour les thèses, à proprement parler, nous sommes, et c'est là le point subtil que bien des gens ont tant de mal à comprendre malgré tous les efforts de Hume : dans une critique de la connaissance plus que de l'acte. Le problème du théisme est d'être dogmatique, il faut être sceptique car les preuves du théisme sont très médiocres en dernière instance. Certes, le théisme doit nous amener à le suivre, mais on ne peut réellement être convaincu.
Pour autant, il y a bien des thèses pratiques, dans la douzième partie, avec une condamnation par Philon, nette et totale, de la mise en place de la religion dans l’État. Un état sans religion, les respectant toutes mais n'en ayant aucune est le système qu'il préconise tant elles peuvent présenter un danger sinon. Le lecteur rira de voir, finalement, Hume être encore plus proche de Spinoza qu'il ne l'eut voulu.


Dans l'ensemble le livre est donc très efficace et possède, en plus, la particularité d'une grande indépendance avec les autres œuvres de Hume. Le style est beau, le propos est clair, l'attaque est à la fois dans la théorie de la connaissance mais aussi dans ses conséquences vis-à-vis de ce théisme naturel si à la mode à cette époque. Hume réalise donc un ouvrage très beau. Manquant peut être d'une certaine profondeur métaphysique et usant d'argument souvent facile, mais il fait passer un excellent moment au lecteur.
Ce texte ne demande nullement une bonne maîtrise de la philosophie en tant que telle mais demande, à la place, une connaissance de son Histoire pour resituer le débat dans le cadre du théisme naturel. Une fois cela fait, les portes du paradis vous sont ouvertes.

mavhoc
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le 9 déc. 2016

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