Une leçon avant de mourir

• Tu es un homme Jefferson, bien plus que moi.

Lorsque la ségrégation frappe la Louisiane des années quarante, Jefferson cherche sa place en tant qu'Homme dans la société. Accusé à tord d'un crime qu'il n'a pas commis, il est condamné à mourir sur la chaise électrique pour avoir été présent au mauvais endroit au mauvais moment.

L'injustice aberrante nous laisse sans voix. Dés les premières pages, lors du procès de Jefferson, son avocat chargé de sa défense tient des propos racistes d'une violence sans pareil pour atténuer sa peine.

Messieurs les jurés, regardez-le - regardez-le - regardez-moi ça. Est-ce que vous voyez un homme assis là ? Je vous demande, je vous supplie de regarder attentivement - est-ce que vous voyez un homme assis là ? Regardez la forme de ce crâne, ce visage aussi plat que la paume de ma main - regardez bien dans ces yeux. Y décelez-vous une trace d'intelligence ? [...] Non, messieurs, il n'y a pas de projets dans ce crâne. Ce que vous voyez ici, c'est une chose qui agit sur ordre. Une chose faite pour tenir le manche de la charrue, charger vos balles de coton, creuser vos fossés, couper votre bois, récolter votre maïs. C'est ça que vous voyez ici, et non un individu capable de préparer un cambriolage ou un meurtre. Il ne connait même pas la taille de ses vêtements, de ses chaussures. [...] Messieurs les jurés, cet homme, préméditer un cambriolage ? Oh, pardonnez-moi, je ne voulais certainement pas insulter votre intelligence en employant le mot "homme" - je vous prie d'excuser une telle méprise.

Loin d'être un livre de plaidoyer et de témoignage comme le laisserai croire la quatrième de couverture, l'histoire se poursuit sur le défit pour l'instituteur M. Wiggings d'apprendre à Jefferson à lire et à écrire pour qu'il puisse mourir digne, en tant qu'Homme et non en tant qu'animal. Il s'agit d'un réel défis pour l'homme illettré. Et ses efforts pour y parvenir sont touchant, attendrissant. Sous les conseils de Grant, Jefferson va tenir un journal, remplit de fautes d'orthographes. Et ces fautes qui infantilisent le condamné ne font que creuser le fossé de l'injustice qui le juge. Jefferson ne paraît être qu'un enfant, qu'un être chétif et fragile, innocent. Tenant au sein son cœur bien plus d'humanité que la plus part des Hommes.

Soutenu par le révérend Ambrose également, le thème de la religion est très présent dans les pages et demeure très important. On voit une opposition entre ce vieil homme qui veut transmettre sa foi à Jefferson pour qu'il puisse atteindre la paix dans l'au-delà et l'instituteur Wiggings qui semble avoir perdu toute foi:

Ne me dites pas de croire. Ne me dites pas de croire au même Dieu ou aux mêmes lois que les hommes qui commettent ces meurtres. Ne me dites pas de croire que Dieu puisse bénir ce pays et que les hommes sont jugés par leurs pairs. Qui parmi ses pairs l'a jugé? Étais-je là? Le ministre était-il là? Harry Williams était-il là?

A lesson before dying est le titre anglais du livre. Une leçon avant de mourir. Apprendre que l'humanité n'est pas dans les lois et la prétendu supériorité d'une classe d'Hommes. L'humanité est dans le cœur de Jefferson. Dans sa pureté et sa gentillesse.
Dites-leur que je suis un Homme
Jefferson est mort en Homme. Jefferson est un Homme.
Et c'est une belle leçon que nous offre J. Gaines.