Dracula n'est plus à présenter. Plus qu'un personnage de roman ou de film, il est devenu un mythe ; il fait partie intégrante de la mémoire collective occidentale. Il n'est pas le premier ouvrage à traiter des vampires mais il est le plus connu. Il se cache -subtilement ou non- dans chaque livre, film, série sur les vampires parus depuis. Retour aux origines donc ...
Où l'on suivra Jonathan Harker, clerc de notaire de son état, dépêché en Transylvanie pour conclure la vente d'un domaine londonien. Le jeune homme se rendra rapidement compte que son hôte, le terrible comte Dracula n'est pas un homme comme les autres.
L'histoire est prenante, bien qu'il soit impossible de ne pas en connaître un bout avant d'avoir ouvert le livre, à moins d'avoir vécu jusqu'à présent dans une grotte. Le récit transylvanien de Jonathan est tout à fait passionnant, les pages se tournent toute seules. La suite devient un peu longuette, sans être non plus rébarbative.
Dracula a un petit côté polar, roman à suspens que j'ai beaucoup apprécié où Van Helsing fera figure d'enquêteur extérieur, spécialiste dans son domaine. Une sorte de profiler de l'étrange. Le style épistolaire ne gâche rien au plaisir, les échanges de lettres , les journaux intimes sont très vivants, bien que s'emberlificotant parfois dans de longues tirades au sentimentalisme ennuyeux. Surtout quand il s'agit des écrits des deux femmes de l'histoire, Lucy et Mina.
En parlant de femmes, on pourrait écrire un mémoire sur la manière dont elles sont appréhendées dans ce livre. Le sexisme étant d'époque, on trouvera des propos qui donneraient envie de brûler le livre à la plus sauvage des féministes.
Ainsi : "Ma douce Mina, pourquoi les hommes sont-ils si nobles et pourquoi nous, les femmes, sommes-nous si peu dignes d'eux ? Ou encore : Avez-vous une telle mémoire pour les détails ? C'est si rare chez les jeunes femmes !"
Il va sans dire que dans ce contexte, l'attitude noble et courageuse de Mina tout au long du récit tient quasi du miracle. On entendra presque dire Van Helsing : Quel courage, Mina ... C'est si rare chez une femme. Hum, bon bref, passons, le livre a été écrit à la fin du 19ème. Cela prête davantage à sourire ou à analyse historique.
Il sera plus intéressant de découvrir toutes les caractéristiques des vampires, telles que Stoker les a définies et de faire des liens avec les figures vampiriques modernes. J'ai, de cette manière, été assez frappée par la description de la transformation de Lucy et sa ressemblance avec le mode "méchant vampire" dans les séries Buffy et Angel :
"Les merveilleuses couleurs s'étaient retirées du visage, les yeux paraissaient jeter des étincelles infernales, les sourcils se rejoignaient, laissant sur le front des rides semblables aux serpents de Méduse et la bouche vermillon, naguère si adorable, s'ouvrit presque jusqu'à former un carré, comme ses masques représentant la colère chez les Grecs ou chez les Japonais. "
En bref :
• Lisez-le si le mythe vampirique vous passionne, vous aimez la littérature classique et les romans épistolaires.
• Évitez-le si votre militantisme féministe vous a déjà créé des ennuis avec la police, les vampires vous sortent par les oreilles ou si vous n'avez aucune patience avec les romans qui trainent en longueur.
Je ferai une petite parenthèse en disant un mot de l'extrait de Dracula l'Immortel, la suite officielle, proposé en fin de l'édition que j'ai lue (Livre de Poche). Il s'agit du prologue, une lettre de Mina adressée à son fils et qui résume en gros ce qui s'est passé dans Dracula et présage d'une réapparition du bonhomme. Je lui reproche principalement de tromper le lecteur potentiel sur la marchandise : c'est une lettre. Donc on se dit que Dracula l'Immortel va être aussi un roman épistolaire. Mais en fait non. Faut le savoir.
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