Au ras de la poussière...
Duel à Sonora peut sembler soit très simple, soit très compliqué.
Pour faire simple : Brendan Early, jeune sergent de la cavalerie aux cheveux ondulés et Dana Moon, un mec posé, laissent pour mort Phil Sundeen et quatre de ses mecs. Sundeen voulait leur carotter la prime d'un Indien, Loco. Dans l'affaire, Dana Moon ravit le coeur de Kathy McKean, une jeune otage que Early aimait bien aussi.
Quelques années après, Sundeen travaille pour une compagnie minière qui veut déloger de ses terrains des indiens qui s'y sont installés. Dana Moon est devenu fonctionnaire des affaires indiennes. Early se trouve être actionnaire de la compagnie : les deux amis sont chacun d'un côté. Un journaliste anormalement bon, Maurice Dumas, fait mousser l'affaire : tout le monde prédit un duel entre Dana Moon et Sundeen. Le fait est que la guérilla des Indiens contre les hommes de main de Sundeen empire. Puis Early, qui supporte difficilement de rester en spectateur, arrange une sorte de grande bataille rangée, mais l'affaire se finit de manière fort étonnante.
Au fond, le livre repose sur un triangle amoureux : Kathy, la fille au sale caractère, capable de tirer sur un gars dans le dos si elle sait que le gars dégaine plus vite que son homme ; Dana Moon, un gars très posé, laconique, incapable de s'énerver, mais incapable aussi de prendre des risques inutiles et pas vraiment fan de violence ; Brendan Early, qui tente de se marier pour prouver à Dana Moon qu'il peut lui aussi être heureux, qui passe son temps à exhiber en ville ses deux flingues de luxe, mais qui dans l'intimité est plus immature qu'un petit garçon. Le principal antagoniste, Sundeen, est hélas un peu laissé de côté et sert un peu de ressort narratif.
Il y a pas mal de seconds rôles intéressants : Maurice Dumas, avec sa fausse candeur de journaliste ; Bruckner, le shériff brute épaisse, que l'on prend beaucoup de plaisir à se voir rouler dans la farine ; Janet Pierson, la compagne-trophée de Early, qui décide finalement de partir avec le banquier Vandozen ; Bo Catlett, un copain black de Early ; Ruben Vega, l'acolyte mexicain vieillissant de Sundeen, très intelligent et lassé de la violence ; enfin les mimbres, ces Indiens capables de se fondre dans le paysage de manière quasi surnaturelle.
Les paysages, le décor : tout est décrit de manière réaliste, rédible, à hauteur d'homme, sans effet littéraire superflu. Les dialogues sont laconiques, laid-back, l'action est lente, avec cette atmosphère d'attente d'un duel que Moon, sans le dire, trouve très conne.
Il n'y a que le final qui détonne complètement, avec l'introduction de ce colonel Bill Washington, sorte de Buffalo Bill qui veut engager les protagonistes dans son show : après la mâle énergie qui a innervé tout le reste du roman, cette fin assez ridicule sent le foutage de gueule à plein nez, et j'ai du mal à comprendre où voulait en venir Elmore Leonard.
Bref, qu'importe, tout le reste, quoiqu'un peu heurté par moment, est fort prenant.