Motus et bouche cousue
Je vous écrirais bien une critique sur Fight Club, mais je n'en ai pas le droit.
Par
le 23 oct. 2016
56 j'aime
6
Troisième et dernier volet de la Séquence des Avatars, Eauprofonde clôt une trilogie fondatrice des Royaumes Oubliés avec une ampleur tragique et un souffle mythologique à la hauteur des attentes. Moins centré sur le spectaculaire que Valombre, plus direct que Tantras, ce volume d’aboutissement trouve son équilibre dans la tension entre destin individuel et restauration du sacré. L’ensemble y gagne une majesté sobre, à la fois épique et élégiaque.
La quête des Tablettes du Destin, initiée dans le fracas et la confusion, trouve ici sa résolution dans un cheminement où les avatars, devenus plus que de simples instruments divins, accèdent à une forme de plénitude dramatique. Minuit, figure centrale depuis le premier tome, révèle enfin la nature véritable de sa mission : incarner une nouvelle ère. Sa métamorphose, progressive et profondément humaine, culmine dans une apothéose douce-amère où se confondent abandon, transcendance et solitude. Ce moment, soigneusement préparé, évite tout pathos inutile. Il illustre à merveille l’intuition centrale du cycle : ce sont les hommes, et non les dieux, qui donnent sens au monde.
Autour d’elle, les autres figures atteignent également leur accomplissement narratif. Kelemvor, tiraillé entre malédiction et amour, trouve une voie inattendue vers l’équilibre intérieur, sans trahir ce qui le fonde. Quant à Cyric, dont la montée en puissance avait constitué l’ombre portée de Tantras, il explose ici au grand jour dans une séquence d’une noirceur grandiose. Sa démesure, sa mégalomanie et sa solitude tragique cristallisent les tensions du cycle : l’ambition face à l’ordre, le chaos contre la nécessité divine, la passion contre la loi. Son ascension vers la divinité n’a rien d’un triomphe : elle est marquée du sceau du vertige, de la folie, et d’un certain désespoir. À travers lui, Awlinson donne corps à l’archétype du faux sauveur, du dieu fabriqué par les failles humaines.
Narrativement, Eauprofonde bénéficie d’une construction rigoureuse. Là où Valombre souffrait parfois de ruptures artificielles, ce troisième tome articule avec maîtrise les fils entremêlés des destinées individuelles, des enjeux politiques et des fondements métaphysiques du monde. La cité d’Eauprofonde, théâtre ultime de la restauration divine, devient un personnage à part entière. Son architecture, son fonctionnement, sa place dans le monde sont décrits avec une précision qui donne au récit une densité presque historique. Cette verticalité — du temple aux catacombes, des toits aux profondeurs magiques — traduit avec subtilité la recomposition d’un cosmos.
Le style, sans se départir de la clarté qui caractérise la trilogie, gagne en souplesse et en relief. Certaines descriptions, en particulier celles des scènes de manifestation divine ou de la tension montante entre les protagonistes, sont ciselées avec un soin nouveau. Awlinson parvient, sans surcharge, à faire vibrer la langue au rythme de l’émotion. L’écriture, si elle ne prétend pas à une poétique littéraire élevée, atteint une efficacité sobre, pleinement au service de son propos.
Au-delà de sa fonction de conclusion, Eauprofonde propose une véritable synthèse symbolique. En scellant le retour des dieux et en redistribuant les rôles entre mortels et immortels, le roman engage une réflexion sur la transmission du pouvoir, sur la légitimité des figures divines, sur la part d’humanité dans la transcendance. La foi, omniprésente mais souvent mise à mal dans les tomes précédents, retrouve ici une fonction structurante — non comme certitude dogmatique, mais comme acte volontaire face à l’incertitude.
Ainsi se termine une trilogie ambitieuse, dont Eauprofonde constitue le sommet silencieux. Là où Valombre s’élançait dans la fougue et le désordre, où Tantras approfondissait les cœurs et les fautes, Eauprofonde offre une résolution d’une élégance mesurée. Cette apothéose ne cherche ni la surprise ni l’esbroufe : elle impose, dans la justesse du ton et la clarté du dessein, une forme d’harmonie retrouvée.
Créée
le 24 juil. 2025
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