Dans son livre, Crawford, nous dresse une analyse pertinente de la place et de la valeur du travail dans notre société. Particulièrement sur l'opposition entre le "faire" et le "savoir", la survalorisation des métiers dits "intectuels" par rapport aux métier manuels, la plupart des élèves étant poussés à des études générales, puis à l'université, pour finir en tant que "cols blancs" dans des métiers abstraits, fantomatiques, dans lesquels ils ne sentiront pas l'épanouissement intellectuel auquel ils aspiraient après 5 années d'études. Le travail de bureau, (du savoir) étant souvent répétitif, mécanique, abstrait, est finalement plus "taylorisé" que les métiers techniques (du faire) comme artisans, plombier, mécanicien, les "cols bleus", dont les compétences requièrent une plus grande palette de connaissance, une plus grande responsabilité vis à vis du réel et du client, et finalement, un sentiment d'accomplissement impliquant une plus grande estime de soi, et un lien fort envers son métier. Selon Crawford, c'est notre responsabilité vis à vis du réel, notre maîtrise sur l'environnement qui nous entoure, qui produit le sentiment d'accomplissement et stimule notre épanouissement et notre estime de soi. La maîtrise de compétences techniques comme la réparation, la restauration, la mécanique, la musique, les arts, nous éduque à l'humilité, car pour maîtriser/réparer/construire un objet, il faut sortir de soit, s'oublier, et considérer l'objet comme entité indépendante obéissant à des règles extérieures à nous, cela implique une responsabilité envers les objets qui nous entoure: Ne plus acheter, mais réparer. L'auteur dénonce de la même manière la société de consommation qui tend à effacer complètement le lien entre l'individu et son environnement, en infantilisant, en facilitant à l'extrême (utilisant notre intuition) l'utilisation d'objets complexes (robinet automatiques, téléphone, voitures automatique...), mais en complexifiant leur réparation (vis minuscule nécessitant un tournevis spécial par exemple...). Cela alimente la culture du narcissisme, car donnant aux individus le sentiments d'être libérés des contraintes matérielles techniques de leurs environnement, ils peuvent se consacrer entièrement au "savoir", à l'immatériel, mais ne sortent finalement jamais d'eux-même, à la différence du technicien, qui sans cesse doit appréhender des réalités techniques qui ne le concerne pas mais envers qui il a une responsabilité.


Ce livre a été une véritable prise de conscience pour moi, d'autant plus qu'étant universitaire, j'ai partagé les mêmes sentiments de vide et d'inaccomplissement vis à vis de mes études, c'est un livre que je conseille à tous particulièrement aux lycéens, pour mieux appréhender les réalités auxquelles le monde du travail nous destine.


"Si je raconte ici ma propre histoire, ce n'est pas parce que je crois qu'elle sort de l'ordinaire, mais au contraire parce que je pense qu'elle est assez banale. Je veux rendre justice à certaines intuitions qui sont partagées par beaucoup de gens, mais qui n'ont pas suffisamment de légitimité publique"

MarieBonneau
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le 11 mai 2019

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Armin Tamzarian

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