Ce récit est un véritable Space Opéra exotique. Ce genre de livre de SF qui vous fait voyager dans des contrées lointaines et familières à la fois, une sorte de mélange entre réalisme et rêverie futuriste. On est loin des propos de Hard Science de Greg Edan ou de la Politique Fiction à la Damasio. Ici, le rêve combat l’injustice. La conviction renverse le cliché pour s’étendre dans un paysage onirique qui nous colle à la peau à mesure qu’on le découvre...

La création de cet étrange univers est un coup de maître du grand Jack Vance. Un décor assez minimaliste, des personnages attachants sans être dévoilés tout entiers, un soupçon de technologie ... mais pas trop. Il y a quelque chose d’Asimov là-dedans. Du Space Opéra pur, dénué d’excroissances hi-tech superflues qui conduisent parfois le lecteur dans une métaphore science-fictionnelle incompréhensible. Non, l’univers de Vance connaît encore le bon vieux tissu, les ébénistes travaillent toujours au ciseau à bois et ce ne sont pas des cyborgs qui animent les tavernes mais des ribaudes de chairs et de sang, bien humaines. Cette dimension médiévale baigne dans un monde qui, quoi qu’on en dise, rend de la superbe science-fiction unique en son genre. Vance nous prouve en fait que la SF c’est d’abord un voyage, peu importe où, tant que l’Espace reste accessible, même pour les plus pauvres. Pour peu qu’on y mette un peu de volonté.

Et justement. Emphyrio est l’histoire de la réalisation du rêve d’un garçon. Ce récit est un contre-cliché de la SF. Si un jour on vous sort quelque chose comme « de toute façon, la SF c’est des gros flingues, des cyber-gonzesses et des vaisseaux qui explosent », ayez toujours un Emphyrio sous la main pour prouver le contraire. On n’est certes pas dans l’ambiance ultra technologique d’un bon Simmons mais le récit à le mérite de nous faire voyager très loin, avec beaucoup d’ici.

Sur le fond, l’intrigue parvient à être criblée de rebondissements malgré la vie parfois bien monotone de Ghyl. Qui sont les Seigneurs ? Pourquoi la société dans laquelle vit Ghyl est-elle régie par un système fiscal à ce point déséquilibré ? Pourquoi le maire est-il relégué au rang de pion politique sans plus jamais faire valoir ses véritables prérogatives ? Quel est le fondement de l’autorité des agents de la Sécurité Sociale ? Et surtout ... qui était Emphyrio ? C’est ce qu’on attend tout au long du récit et vraiment, le dénouement surprend.

Le récit possède quelques défauts comme celui de contenir quelques passages un peu longs. Mais ceux-ci sont sûrement placés volontairement par Vance pour souligner la monotonie de certains moments de la vie de Ghyl. C’est en fait à la vie entière de ce garçon qu’on assiste. Or, ce livre n’est pas une bible. C’est peut-être cette inadéquation entre l'épaisseur du volume et la quantité d'événements qu’elles relatent qui donne ce sentiment de « survol » de certains personnages alors qu'on s'appesantit (trop?) sur d'autres. Enfin, et sous peine de faire perdre à cette critique le peu d’objectivité qu’elle aura acquise à travers ces lignes, une dernière remarque me paraît ... importante. Il s’agit de la mollesse du personnage de Ghyl face aux enjeux pour lesquels il dit se battre. On pourrait bien sûr considérer que ce manque de vivacité relève simplement du caractère du personnage, que cette inertie mal placée lui vient de son père. Oui, certes, mais dans une certaine mesure seulement. Ce qui demeure néanmoins gênant sur le fond du récit c’est que, sans en dire trop, Ghyl affirme haut et fort être outré par le fonctionnement de son environnement sans finalement tenter de renverser le cours des événements. Ce n’est pas qu’il n’agit pas, bien au contraire, mais on a du mal à comprendre, à mon sens, pourquoi il met autant de temps avant de s’engager réellement dans le grand projet de sa vie. Mais je vous laisse découvrir ce que ce dernier recouvre ...
Biohazardboy
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le 5 nov. 2012

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