Empire des chimères par Michael Fenris

Lensil, petit village paumé de France comme il en existe tant d’autres. Instantané de vie rurale, avec ses on dit, ses bruits, ses rumeurs. Une petite fille disparait alors qu’elle jouait à cache-cache avec ses amies. Peut-être enlevée, qui peut le dire? Jérome, le garde champêtre qui fait un peu office de police locale, veut croire qu’on peut la retrouver, mais il doit composer avec les parents ravagés, le maire qui pousse à ce que l’endroit retrouve sa sélénite, et la véritable police assez vite dépassée et qui voit d’un mauvais oeil son intervention.
Lensil, c’est aussi l’endroit où un immense parc d’attraction inspiré d’un jeu de rôle pourrait voir le jour, si Henri Davodeau, natif du village et désormais attaché gouvernemental, arrive à persuader le patron de la société LIM qui produit le jeu d’investir dans la région plutôt qu’en Espagne…
Lensil, c’est enfin l’endroit où trois gamins jouent à une version pirate d’un jeu de rôle, Empire des Chimères II, jamais commercialisé car jamais achevé, et qui semble avoir des effets sur leur perception du monde…
Trois histoires, que l’on pourrait croire indépendant, mais qui sont en réalité mêlées au fil des pages.

Pas facile de résumer ce roman d’Antoine Chainas ! Sur la page 4 de couverture, Le Parisien dit que « ce n’est ni un thriller, ni un roman noir, ni un polar, c’est tout à la fois et bien plus que cela ». C’est assez vrai. Empire des Chimères est à la fois un roman à tiroir et un roman foutoir, où le lecteur à l’instar du joueur du jeu, peut se perdre aisément s’il n’y prend pas garde. les différentes histoires se succèdent les unes derrière les autres, ajoutant à la complexité du récit. La meilleure partie demeure sans conteste celle qui parle des habitants de Lensil. Antoine Chainas réussit là un brillant polar rural, avec des personnages très attachants, et d’une grande qualité descriptive, au-dessus desquels dominent bien sûr Jérome le garde champêtre et sa femme lourdement handicapée, mais aussi le couple Lidelle, les parents de la fillette disparue. La description de la rage maladroite du père et de l’abandon de la mère sont parmi les plus poignantes du récit et d’une grand justesse. Une émotion qui broie le coeur, sans trop en rajouter dans la surenchère. Même les personnages les plus secondaires ont une véritable existence et une véritable justification dans le livre. L’auteur ajoute cette touche de fantastique avec la présence d’une moisissure incontrôlable, qui fait écho à celle qui touche les héros du jeu de rôle, et celle qui ruine les installations d’un parc animatronique de la société LIM. En particulier le secteur français.
Justement , parlons de la partie concernant l’histoire de la société LIM: anagramme de ILM de Georges Lucas, ce n’est pas un hasard, comme n’est pas un hasard les différents personnages qui gravitent dans ce milieu, qui en rappelleront d’autres au lecteur. Je pense à un certain patron de réseau social entre autres. Il m’est arrivé, j’avoue, d’accélérer un peu ma lecture durant ces passages, comme je n’ai pas été conquis par les chapitres concernant le jeu proprement dit, où l’on passe de la réalité à la fiction. Chaque milieu s’entremêle de telle manière, qu’à la fin du roman il est difficile de faire la part de ce qui est vrai ou faux.

En définitive, ai-je aimé ce roman? Pour toute la partie consacrée au village, oui, sans conteste, je le répète, c’est la partie la plus brillante du roman. Pour le reste, j’ai un peu décroché sur la partie américaine et l’histoire de la société, et beaucoup sur tout ce qui concerne le jeu. j’en ressors avec un sentiment mitigé. Empire des Chimères n’est clairement pas un roman de chevet pour tous, malgré les qualités indéniables de la plume de l’auteur.