En gravissant la montagne – Kirk Douglas (1997)
Près de dix ans après "Le Fils du chiffonnier", Kirk Douglas signe une suite qu’il n’avait jamais pensé écrire. Mais le destin en a décidé autrement : le 13 février 1991, il survit miraculeusement à un grave accident d’hélicoptère. Deux hommes, Lee Manelski et David Tomlinson, y perdent la vie, et l’acteur se retrouve hanté par la question : pourquoi lui, et pas eux ?
Ce drame l’amène à repenser toute son existence. Dans ces pages, il confie avoir appris l’une des plus grandes leçons de sa vie : l’humilité. Lui qui avait vécu depuis son adolescence hors de toute pratique religieuse se tourne alors vers la spiritualité. Il lit la Bible, la Torah, se rend à Jérusalem et prie sur la tombe d’Oskar Schindler. Les textes sacrés deviennent une source d’apaisement et marquent un tournant inattendu dans sa trajectoire.
Douglas en profite aussi pour livrer ses réflexions sur Hollywood, la presse et la culture du sensationnalisme — difficile de ne pas imaginer ce qu’il penserait de notre époque. Il revient également sur certains moments marquants de sa carrière, comme la soirée de remise de son AFI Life Achievement Award, seulement deux semaines après son accident, vécue dans la douleur mais sous les projecteurs.
L’acteur subira une nouvelle épreuve en 1996, lorsqu’un accident cérébral le laisse paralysé du côté droit. Il doit réapprendre à marcher et à parler, un cauchemar pour un acteur, d’autant qu’il préparait un film avec son fils Michael ("Song for David"). Mais grâce au soutien de son épouse Anne et de sa petite-fille Kelsey, il trouve la force de se relever et d’assister à la remise de son Oscar d’honneur. Les coulisses de cette soirée sont parmi les passages les plus vivants : la bise de Sharon Stone, les mots de Quincy Jones, le discours de Spielberg, avec qui il entretiendra par la suite une correspondance touchante.
Douglas évoque aussi ses amitiés (Burt Lancaster, Sinatra), ses rancunes (notamment envers Kubrick, qu’il jugeait brillant mais insupportable), mais le cœur du livre reste son rapport à la foi. Là où "Le Fils du chiffonnier" respirait l’énergie et la carrière, "En gravissant la montagne" est avant tout spirituel. Cela en rend la lecture parfois plus exigeante, surtout pour ceux qui vivent en dehors de toute religion. L’acteur tend même à idéaliser le judaïsme, qu’il présente comme « la meilleure religion » — une vision sans doute trop simpliste.
Malgré ces limites, l’ouvrage garde son intérêt. Douglas fait preuve d’une lucidité rare en reconnaissant que sa génération, comme celle des baby-boomers, a contribué à détruire la planète. Et il conclut son récit sur une note d’espoir : les enfants. C’est pour eux qu’il décide de financer la construction de parcs à Los Angeles et à Jérusalem.
Un livre plus sombre et introspectif que son premier, parfois inégal, mais profondément humain.