Une œuvre introspective dans laquelle Nathalie Sarraute tente de reconstituer quelques souvenirs d’enfance pour faire un point sur sa vie. En plein cœur du Nouveau Roman, Enfance se distingue par une forme originale : l’autrice restitue ses souvenirs tandis qu’une autre voix – une sorte de double intérieur – vient sans cesse questionner, nuancer, voire contredire ses propos : « Ne serait-ce pas plutôt comme ceci que cela s’est passé ? » Par ce dialogue intérieur, la narratrice maintenant adulte plonge encore plus profondément en elle-même, à la recherche de ce qui se cache dans les replis de son inconscient.
Cette démarche permet de redécouvrir les automatismes de l’enfance, les raisonnements apparemment illogiques mais tout à fait cohérents si l'on accepte de redevenir pour quelques heures un enfant. Il s'agit d'une exploration psychologique fine, qui ne tient qu'à un fil et qui nécessite, pour cette raison, de noter tout ce qui nous passe par la tête pour ne rien oublier.
Cependant, les souvenirs évoqués restent simples, parfois anodins, et peuvent manquer d’intérêt pour certains lecteurs. Ceux qui recherchent des récits plus vivants, riches en péripéties, préféreront sans doute l’univers de Marcel Pagnol, où l’enfance est exaltée à travers des aventures pleines de fraîcheur et d’enthousiasme. Dans Enfance, il ne s’agit pas de revivre une époque, ni de s’immerger dans une ambiance, mais bien de prendre le temps de faire le point sur sa vie, et de se rappeler ce qu'on a été et qui a mené à ce que nous sommes aujourd'hui.