Paul est toujours prisonnier, sans doute à Rome. Il délègue ses disciples Timothée et Epaphrodite pour enseigner aux Philippiens (Philippes est une ville de Macédoine, au Nord-Est de la Grèce).
La motivation mystique de Paul apparaît dans ce bref texte, qui parle beaucoup du corps. Grâce aux vertus acquises par ses missions d'évangélisation, Paul va voir le Christ « grandir » dans son propre corps. En d'autres termes, le Christ étant en soi une certaine qualité d'être, un certain nombre de vertus, Paul fait en quelque sorte « pousser » le Christ comme une plante envahissante dans son propre corps à mesure que, non seulement il pratique ses vertus, mais il étend le message christique à d'autres, dont les Philippiens.
On apprend qu'à l'époque, certains enseignaient le christianisme pour se rendre intéressants et contester l'ordre en place. On voit très bien, en effet, les ados révoltés de l'époque jouer aux hippies avant la lettre en se faisant porteur d'une idéologie en porte-à-faux avec celle des autorités. Mais il s'agit là d'une valorisation de leur égo, ce que Paul condamne. Le chrétien doit considérer avec humilité que les autres leur sont supérieurs, ce qui va conduire ceux qui sont forgés à cette discipline, à parler et agir sans agressivité, et avec un mépris de soi un peu suicidaire quand même. Paul lui-même met en balance sa propre vie et sa propre mort (Chapitre 1), sans aucune nuance de désespoir. La voix onctueuse et les intonations timides de nombre de prêtres sont probablement le résultat d'une telle discipline, dont on peut se demander dans quelle mesure elle influe réellement sur la structuration hormonale et libidinale des adeptes.
La vertu d'obéissance, chère à de nombreux ordres monastiques, est formulée ici : il faut tout faire « sans murmures ni raisonnements ». Cette option est à double tranchant : certes, elle garantit une certaine discipline, donc une certaine unité dans le groupe ; mais, en récusant la valeur du « raisonnement », elle semble choisir le camp de l'irrationalisme (en cohérence avec l'apologie des « forces du cœur »), ce qui risque d'être fort mal perçu lorsque la société va renforcer la Raison comme fondement de ses choix.
Encore le corps : Jésus transformera le corps des bons chrétiens jusqu'à « le conformer à son corps glorieux ». Ceci coupe court aux débats stupides sur la disponibilité des restes des cadavres au moment d'une résurrection future : de toute manière, tout comme cela est arrivé à Jésus lors de sa résurrection, ce n'est pas le corps terrestre qui sera donné à chacun.
On voit à quel point ce texte est capable de fonder une mystique et même un « yoga » chrétien prétendant « transformer » le corps de manière à faciliter la croissance du Christ en lui. Ignace de Loyola, et « L'Imitation de Jésus-Christ » s'y appliqueront en leur temps.