Condorcet a une capacité de prise de recul qui force l'admiration: du fond de sa prison, alors que le cours de la Révolution l'a relégué, lui le brillant compagnon de route occasionnel des Brissotins au fond d'une prison dont il ne sortira que pour mourir, Condorcet édite un ouvrage admirablement optimiste sur les progrès passés et à venir de l'Esprit humain.
Cette remarquable (quoique datée) synthèse historique, Condorcet la méditait depuis longtemps. La prison lui permet d'en exposer les grandes lignes sur le papier. De la Préhistoire à son époque Condorcet passe en revue une véritable histoire des sciences et des idées renvoyant à une multitude d'auteurs que l'on souhaite mieux connaitre eux aussi à la fin de l'oeuvre.
Le ton résolument anticlérical de l'ouvrage lui donne des côtés voltairiens, en moins ironique, qui lui confèrent son côté daté et frisant le complotisme (despotes et prêtres s'entendant pour supposément maintenir l'esprit humain en sujétion). De même que l'appel à lutter contre l'esclavage et le pillage des ressources, couplé à un plaidoyer pour apporter la civilisation aux peuples encore en retard que n'aurait pas renié Jules Ferry.
On retrouve aussi dans cet ouvrage des façons de penser devenues des incontournables notamment la célébration de la révolution de la pensée introduite par le cartésianisme.
Mais ce qui est remarquable est aussi que Condorcet est au-delà du progressiste rêveur un homme qui a donné leur lettre de noblesse (paradoxalement) a certains incontournables de la pensée contemporaine -lutte contre les inégalités de fortune, instruction pour tous, liberté de moeurs eet surtout égalité femmes / hommes à une époque à laquelle ce sujet restait un impensé.