L'homme a toujours rêvé de se libérer des limites de la physique. Quand les AnimauxVilles arrivèrent, ils offrirent à l'humanité de vivre en elles et voyager instantanément à travers tous l'univers. L'humanité se divisa alors en quatre rameaux qui partirent chacun avec leurs AnimauxVilles développant des plans d'évolution bien différenciés. Mais aujourd'hui il est temps pour cette diaspora humaine de se retrouver autour d'un événement rare : l'explosion d'une supernova.

Comment ces Retrouvailles se dérouleront-elles quand on connaît les différences qui opposent les différents rameaux ? Les AnimauxVilles ont pris un pari bien hasardeux en permettant cette rencontre. En effet, l'éloignement a toujours empêché tous ces humains de s'entretuer. Mais les armes sont prêtes, y compris les plus inattendues.

Il y a ceux du Mécanisme. Les élus vivent dans des armures qui les rendent presque invulnérables. L'ambition des mécanistes est de s'émanciper des AnimauxVilles et ils n'ont de cesse de mettre en œuvre de nouvelles technologies qui leur permettront de devenir des voyageurs, mais surtout des conquérants, autonomes. L'entente entre un politicien ambitieux – comme il se doit - et un concepteur de vaisseau a donné naissance à une nouvelle armure dont le jeune Tecamac est l'heureux locataire sans savoir qu'ils désirent avant tout le sacrifier afin de se débarrasser du pouvoir écrasant de la caste des Armuriers qui dirigent en sous-main le monde du Mécanisme.

Dans la Fédération Originelle, on suit Gadjio le passeur. Son rôle consiste à faire passer l'âme des morts dans des hologrammes qui conservent la mémoire des trépassés et leur permet de vivre éternellement dans cette enveloppe virtuelle. Mais que faire quand votre client est le maître absolu des vingt-huit mondes qui composent la Fédération et que ce dernier vous oblige à effacer votre mémoire pour préserver les secrets qui seront transférés dans l'hologramme ? Surtout que Gadjio est le dernier à porter la mémoire de son enfant morte. Effacer sa mémoire reviendrait à supprimer ce qu'il reste de la fillette. Notre Mère des Os, qui n'est autre qu'une AnimalVille, va tout faire pour l'aider à sauver ces traces. Même si le maître se lance à leur poursuite.

Pour les Artefacteurs, l'individualisme est roi. Pour le contrer, on implante à chaque nouveau-né un parasite qui va se développer en lui. Plus tard, le symbiote va amener chaque artefacteur à produire au sein même de sa propre chair des artefacts allant de la pierre passive à des créatures semi-vivantes. Là, les choses se compliquent. En effet, ne pas offrir son artefact à un autre artefacteur va entrainer un tel développement du symbiote qu'il prendra possession du corps de son hôte le transformant en créature difforme relevant de la statuaire de mauvais goût qu'un musée expose afin d'édifier la population. Encore faut-il offrir le bon artefact à la bonne personne. Révoltée par ce système, la jeune Erythrée accepte la proposition d'une AnimalVille d'aller voir la supernova et d'ainsi rencontrer les autres rameaux humains. Mais quelle désastreuse image va-t-elle donner de l'Artefaction à ces barbares ? Aussi un conseil informel se réunit-il afin de l'empêcher de veiller à ce que la représentation se déroule sous les meilleurs auspices.

Les Connectés des Symbiases sont tout à l'opposé des Artefacteurs. En permanence ils sont reliés à leur réseau et forment une seule et même entité de plusieurs millions d'individus. Aussi, pour se réserver un peu d'intimité, ils apprennent vite à créer des codes et à les décrypter. C'est ainsi que font Nadiane et son frère Joanelis. Tandis que ce dernier est un chercheur, Nadiane est prospectrice. Elle se déconnecte souvent du réseau pour ses missions en espace profond afin d'élever des nanotechnologies. Ces derniers temps, certaines de ces technologies disparaissent et les mécanistes pourraient bien être dans le coup. C'est Nadiane que le Conseil décide d'envoyer aux Retrouvailles. Elle n'ira pas seule car elle sera accompagnée de la toute dernière version d'intelligence artificielle qui clone l'ensemble de la population du Symbiase. Elle pilotera également un vaisseau de toute dernière génération. Sera-t-elle sacrifiée ? Car le message qu'elle apporte est plutôt traumatisant.

Prix Ozone 2000 du meilleur roman de SF francophone et prix Tour Eiffel de SF 1999, ce roman est remarquable mais souffre de quelques tares. En effet, le vocabulaire et la complexité des structures rend souvent sa lecture indigeste, même pour un lecteur de SF averti comme j'estime l'être. Alors, imaginez le désarroi d'un novice dans le genre qui pense passer un bon moment bien dépaysant et qui découvre un petit recueil de métaphysique politique dans un univers SF. Hormis ce bémol de taille, c'est un roman de SF dans la droite filiation d'œuvres plus ambitieuses que sont celles d'un Asimov ou d'un Herbert.

Ce n'est pas une histoire, mais des histoires. C'est riche et parfois trop dense tant les structures de pouvoirs et les concepts de vie sont différents. Mais c'est l'humanité passée au filtre des possibles qui évolue dans ce roman foisonnant de créativité. La réunion de ces deux amis que sont Ayerdhal le superbe conteur et Jean-Claude Dunyach le génialissime nouvelliste nous permet d'explorer de fabuleux univers auxquels l'imagination de nos deux compères a donné non pas une mais une multitude de dimensions où le lecteur peut parfois se perdre. Cela n'ôte rien à la fascination qu'on en retire.

De plus, l'usage qui est fait ici des théories de l'astrophysicien Jean-Pierre Luminet – n'est ce pas Ludo ? - est absolument sublime. On pourra cependant regretter l'anthropomorphisme dont les auteurs n'ont pu se défaire au travers des réactions des AnimauxVilles. Il est vrai, à leur corps défendant, que bien peu d'auteurs ont pu s'en abstraire, mais les exemples réussis existent mais sont très rare à l'image de la remarquable nouvelle de Clifford D. Simak intitulée « Honorable adversaire ». Ajoutons à cela que la présente édition est dotée d'une couverture d'un grand illustrateur : Gilles Francescano. Ce roman est donc indispensable et se doit de figurer en bonne place dans une vraie bibliothèque dédiée à la science-fiction.
Bobkill
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le 8 nov. 2010

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