Lexique et grammaire ultra-conceptuels, jargonnant à l'excès, spéculatifs. Lire Heidegger c'est entrer dans une bulle spéculative en perpétuelle expansion au fil des pages.
Être et Temps s'apparente bien plus à de la gnose qu'à une pensée aboutie, si l'on considère l'aboutissement comme étant le fruit d'une démonstration menée à terme. Certes on ne parle pas de principes mathématiques ou physiques, mais une fois passée l'impression d'avoir pu comprendre l'essentiel, je considère cette profusion de concepts et ce jeu verbal virtuosement alambiqué vain. On y voit à l'œuvre le très long cheminement d'une pensée métaphysique vouée à ne jamais aboutir et qui pourtant laisse présager l'énoncé de quelque chose de définitif sur le questionnement le plus profond qui soit. Bref le texte transpire dans chacune de ses phrases une prétention d'infaillibilité. Entre la satisfaction légèrement orgueilleuse que l'on a en pensant comprendre et la frustration de laisser passer une foultitude d'éléments cruciaux pour une entière compréhension, il est facile de se laisser impressionner (si l'indigestion verbale n'a pas pris le pas sur l'acharnement à poursuivre).
Le problème c'est que rien de ce qu'il veut questionner au final ne repose sur des bases appréhendables par l'entendement. Tout découle d'une pensée qui au fil des pages veut faire abstraction de tout "étant" pour en quelque sorte denuder l'être le plus pur, dont l'essence relèverait de l'existence.
On est là dans une impasse, où chaque étape de la réflexion débouche sur de nouveaux questionnements et où les avancées dans ce monde conceptuel ne sont étayées par rien. Tout y relève au contraire d'une pure métaphysique.
Or ce qu'il est légitime d'attendre d'une thèse, ce sont des raisons valables de penser qu'elle est juste et non qu'elle créee l'illusion par une forme d'autorité qu'il n'est pas raisonnable de ne pas y croire, qu'il s'agisse d'existantialisme ou d'idées d'obédience bien plus douteuses encore (telle que les affinités idéologiques débectantes du philosophe nazi), ou de quelque autorité intellectuelle ou morale que ce soit.


(Je viens de terminer le Code de la Conscience de Stanislas Dehaene qui traite de la manière dont les signaux d'ordre divers accèdent ou n'accèdent pas à la conscience. Et bien c'est infiniment plus enthousiasmant que la gnose heideggerienne.)

Dhaulagiri
4
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Philosophie et ajustement de ma note au présent

Créée

le 6 mars 2020

Critique lue 884 fois

9 j'aime

3 commentaires

Arnaud.S

Écrit par

Critique lue 884 fois

9
3

D'autres avis sur Être et Temps

Être et Temps
ChatonMarmot
1

OEIL DE GUERRE, être étang-étant? Oeil de Guerre, l'étroit mousquetaire

"Il est celui qui ne peut être nommé" Heil Von Krieg, Die Yog-Sottoth Hefte J'aime bien écouter france culture. C'est une radio pluraliste : on y retrouve des démocrates et des maoistes, des...

le 27 nov. 2017

9 j'aime

16

Être et Temps
Dhaulagiri
4

de la gnose

Lexique et grammaire ultra-conceptuels, jargonnant à l'excès, spéculatifs. Lire Heidegger c'est entrer dans une bulle spéculative en perpétuelle expansion au fil des pages. Être et Temps s'apparente...

le 6 mars 2020

9 j'aime

3

Être et Temps
IIILazarusIII
9

Fondamental.

Une pierre angulaire de la philosophie occidentale, qui donne aussi à Heidegger, malgré son passé, un statut de penseur subversif. Le concept de Dasein est par ailleurs celui qui résume le mieux la...

le 14 déc. 2010

5 j'aime

1

Du même critique

Eye in the Sky
Dhaulagiri
8

Stratosphérique

Alan Parson’s Project, découvert vers 12-13 ans grâce à « Sirius », morceau totalement électrisant, hymne dans les années 90 des mythiques Chicago Bulls de Michael Jordan (« the greatest ») pendant...

le 20 déc. 2014

17 j'aime

3

Toujours debout (Single)
Dhaulagiri
2

Pourquoi ce morceau???

L'inspiration est l'essence même de celui qui crée, invente ou innove; et en manquer accable d'autant plus celui qui jadis en a fait preuve. Sans doute (peut-être) est-ce le cas de Renaud. Mais la...

le 30 janv. 2016

12 j'aime

3

Le Fléau, tome 1
Dhaulagiri
5

Roman de la perdition

Un accident se produit dans un laboratoire secret de l’armée américaine, un homme dans un instinct de survie s’en échappe mais il est contaminé… Tels sont les prémices de l’histoire ainsi que le...

le 8 nov. 2014

10 j'aime

1