Roman extrême, « Féroces » de Richard Goolrick plonge le lecteur dans une famille américaine des années 50. Famille aux secrets sordides.

Il est des romans qui vous laissent des souvenirs profonds, comme des blessures qui mettront des semaines à cicatriser. Et des années plus tard, vous aurez toujours cette marque superficielle, réminiscence de l'histoire vous ayant touché. « Féroces » de Richard Goolrick est ce ces œuvres. On ne sort pas intact de ce récit, apparemment décousu, de son enfance et sa vie d'adulte, avant que l'écriture ne le libère de tous ses démons.
Pour se raconter, Robert Goolrick commence par présenter ses parents. Ce qu'ils sont devenus. Notamment les obsèques de son père. Un vieux monsieur, alcoolique, sale, dont la maison était infestée de rats. Sa femme était morte six années auparavant. Elle aussi « parce qu'elle buvait trop. »

L'auteur se souvient ce son enfance. Quand ses parents étaient littéralement adulés dans cette petite ville du sud profond des USA, dans les années 50. « Non seulement mon père et ma mère étaient doués pour l'organisation des fêtes, avec leur générosité et leur intelligence, mais ils étaient aussi doués pour aller aux fêtes. On les adorait pour leur sens de l'humour et leur charme, pour leur beauté et leur minceur. » Richard aurait donc tout eu pour vivre une enfance heureuse en compagnie de son frère et de sa sœur. Mais les membres de sa famille étaient « féroces ».
C'est un jeune adulte traumatisé, profondément dépressif, qui tente de s'émanciper. Sans détour, il explique comment la vie lui est devenue impossible. « Je vivais seul. Je m'étais toujours senti seul, isolé des gens réels, même lorsque j'étais impliqué dans l'une de mes histoires d'amour chaotiques, des histoires qui échouaient du fait de ma propre lassitude, des cruautés ineptes des hommes et femmes que j'avais choisi d'aimer. »
Il passe son temps à faire semblant, cherchant un échappatoire. Il croit le trouver en faisant l'acquisition d'une lame de rasoir. Et de se faire mal pour faire baisser la pression : « La peau céda facilement, et le sang s'écoula le long de mon bras jusque dans ma main repliée, puis sur les draps. La douleur était atroce. » Il recommencera, jour après jour, jusqu'à l'obsession. « Mon bras gauche était saturé. Il n'était plus que de la viande hachée. J'attaquais le bras droit, avec le vertige de la chair neuve. Mes bras n'étaient qu'un entrelacs de blessures. Une toile d'araignée sanguinolente. »
Des passages difficiles qui ont pourtant le pouvoir de nous envoûter. Robert Goolrick, a froid, se met à nu et amène le lecteur vers ce qui a tout déclenché dans sa petite enfance. Un traumatisme donnant une dimension supplémentaire à ce roman déjà exceptionnel. Et d'y consacrer tout un chapitre intitulé « Comment j'ai pu continuer ? ». Finalement il a survécu. Et un écrivain majeur est né.
litout
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le 6 déc. 2010

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