Flic
6.7
Flic

livre de Valentin Gendrot ()

Livre factuel d'utilité publique

Le témoignage de Valentin Gendrot arrive à point nommé. Après les révélations des groupes Facebook dans lesquels des échanges racistes entre policiers étaient exposés au public, après les dénonciations de violences policières, et mêmes de certaines arrestations ayant entraîné la mort (Éric Chouviat) on peut dire que l’auteur est sur un involontaire bon timing (un peu comme Jean Pascal Zadi avec son film tout simplement noir).


Le livre est à peine sortie qu'on entend déjà pas mal de gens dire que c'est du journalisme orienté etc. etc…Pour ma part je trouve le témoignage de l’auteur plutôt honnête. Il ne fait pas dans l’anti-flic primaire. Certes les anti-flics vont pouvoir se délecter de trouver des preuves au racisme dans la Police, ou encore de la violence Policière, cependant l’auteur lui ne s’arrête pas là. Il essaye de comprendre en plus de décrire. De plus il apporte aussi un témoignage émotionnel, certes subjectif, mais cela reste intéressant de lire comment l’auteur vit son quotidien et comment celui-ci le transforme.


Alors qu'est-ce qu'on découvre dans ce livre ? (Attention Spoiler)


D’abords on a un petit aperçu du passage de l’auteur en formation pour être ADS (adjoint de sécurité).


Ensuite on découvre l’existence de l’I3P ou Infirmerie Psychiatrique de la Préfecture de Police. Lieu étrange (aucune structure similaire dans le reste de l’Europe) sujet à des controverses sur les motifs de détention des personnes internés (incarcérées ici). L’auteur s’étant retrouvé ici par hasard (pas le choix de son affectation de départ) et aura un rôle de chauffeur pour conduire les « fous » entre la structure et des hôpitaux.


Puis finalement Valentin Gendrot arrivera à se faire muter dans le commissariat du 19ieme, ce qu’il voulait donc depuis le départ. On va alors découvrir le quotidien d’un ADS, le rythme de travail, la paye et la nature des missions. Sans surprise, et c’est ce qui fait parler et a entrainé une saisine de l’IGPN suite au signalement au procureur de la république par la préfecture de Police, on va alors découvrir des comportements inimaginables de la part de certains policiers. Le plus marquant étant la violence banalisée, gratuite, et perpétrée en toute impunité qui va tout de même jusqu’à la falsification de PV pour couvrir des collègues. On découvre également le racisme omniprésent de la part de plusieurs policiers (les noirs et les arabes sont appelés des bâtards).


Cette dernière partie suffira aux anti-flics qui diront "on avait raison vous voyez". Elle confirme ce qui était déjà un peu dit partout.


Cependant l'auteur va plus loin. Et c'est cela qui est ironique, c'est que les "pros-flics" lui sautent dessus alors que son livre est critique sur des points qui défendent cette même Police.


En effet l'auteur dénonce le statut d'ADS. Des flics low-cost, mal formés qui se retrouvent à faire les tâches ingrates, avec un salaire de misère, dans l'espoir de devenir un jour Gardien de la Paix via un concours interne. Bref un statut créé par l’Etat pour économiser de l’argent (mais aussi permettre aux gardiens de la paix mieux formés de se consacrer à d’autres missions). Un statut bien plus accessible que celui de gardien de la paix (le concours externe étant plébiscité avec de nombreux candidats, et demandant tout de même un certain niveau).


Il dénonce la politique du chiffre, qui entraîne des aberrations dans les missions à effectuer. Missions inutiles, qui évidemment ne crées pas un sentiment positif pour les policiers, mais qui démontrent une certaine « productivité » du commissariat.


Et surtout, il parle du malaise dans la Police ayant été confronté au suicide dans son commissariat et en rappelant les chiffres excessivement élevés de ces dernières années.


Tout le long du livre V Gendrot prendra à l'appui des statistiques, des articles, des rapports pour étayer ses propos.


Dénoncer et défendre sont des mots un peu fort, car le style adopté par VG est tellement neutre qu'on a pas l'impression qu'il prenne vraiment parti.


Avis Perso :


Il faut reconnaître que l’ambiance décrite est malsaine. Ça ne semble pas toujours voler haut au commissariat, des agents utilisent "pd" comme une insulte. Difficile d’imaginer ces gens défendre ensuite des victimes d’injures homophobes…


Il est effrayant de découvrir la violence gratuite perpétrée par des gens censés représenter la loi. Et qu’ils justifient cette violence par l’absence de justice qui succéderait à une arrestation par exemple (alors que rendre la justice n'est pas leur travail). Il est difficile d’imaginer un mineur frappé sans réelles raisons, et qui constate l’impunité totale de ses agresseurs (des flics du coup se protégeant entre-eux) respecter ensuite la Police, lui faire confiance…Il est effrayant de voir des gens aussi peu psychologues, si facilement enclin à la violence devenir / être gardien de la paix.


Cette tendance à se couvrir est un vrai problème soulevé par l'auteur. Elle est explicable (complicité, corporatisme, peur de représailles, de harcèlement, peur d'être mis au placard) mais évidemment conduit à la non rupture de la chaine infernale.


J'ai trouvé intéressant que l'auteur décrive son l’impression de se blinder et de ne plus ressentir des émotions aussi vives face à la violence et la misère avec le temps (il est pas resté longtemps donc on imagine pour une carrière).


Je trouve ce type de livre difficile à noter par rapport à un Roman. Je mets 8 car je pense l'auteur honnête dans sa démarche, ce n'est pas de la propagande. Ce livre ne me donne personnellement pas aujourd'hui l'envie de prendre parti pour des anti-flics ou des pro-flics (les deux camps occultant si facilement ce qui les dérange...).

Trebulle
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le 7 sept. 2020

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