En 2600 AD, la technologie a permis à l'humanité de s'essaimer dans les étoiles, tout se passe bien, l'ordre, le libéralisme et la morale WASP permettant cette extension sans limites perceptibles. De nombreuses planètes sont colonisées, s'industrialisent, les contacts avec quelques races extra-terrestres se passent bien... Mais voilà, dans un coin paumé d'une planète pourrie se produit une sorte d'incident, une coïncidence qui va tout bouleverser, en remettant en question le genre humain et sa conception de l'univers. Rien que ça.

Ce bouquin est terrible. En nombre de page d'abord : en anglais on a trois tomes de 1300 pages chacun, écrits tout petits, le genre de bouquins qui fait peur même aux vrais, aux rasés, aux tatoués (test réussi à 100% auprès d'un échantillon représentatif).
En ambition, ensuite. Le futur que nous propose l'auteur est cohérent, décrit dans les détails technologiques, économiques, politiques. On découvre en profondeur le fonctionnement de nombreux mondes colonisés, pourtant très différents, et la vie quotidienne de leurs habitants (des colons fraîchement débarqués sur la planète-jungle Lalonde aux sectes des bas-fonds de la Terre surpeuplée et dévastée). Un gros point fort, chaque monde est intéressant, crédible, et développe des images et sentiments forts à la lecture.
Le même soin est apporté à la technologie : de l'équipement des vaisseaux spatiaux aux implants à la mode sur Terre, en passant par l'arsenal des mercenaires de combat, plein de bonnes idées. On s'y croit totalement. Seul hic : la technologie du zero-tau (sorte de stase qui peut maintenir un être vivant pendant un temps infini) qui ne repose sur rien et qui est bien moins cohérente que le reste.
Là où l'auteur devient vraiment original, c'est qu'il joue avec des concepts inattendus, comme la vie après la mort, le sens de la Vie, le concept de Dieu, d'Enfer... en manipulant des concepts Physique comme l'Entropie (surtout avec l'Entropie, en fait – je précise à ceux qui s'interrogent qu'il s'agit du principe physique qui dit, en gros, que plus le temps passe, plus c'est le bordel).

Le talent de l'auteur pour multiplier les milieux, les personnages et les contextes est remarquable. Colons s'installant sur une planète suivant un développement économique standardisé, aventuriers archéologues cherchant fortune dans les astéroïdes, troupes d'élite mercenaires surentraînés ; humains génétiquement modifiés ultra rationalistes (les Edenistes, qui ne sont pas sans rappeler la philosophie non A) ; jeunes rebelles contre la société sur des stations spatiales étouffantes, tout est décrit de manière cohérente et détaillée. D'où la taille de l'ouvrage ! J'ai dénombré plus de vingt personnages principaux (au sens moteurs principaux de l'histoire, indispensables et évoluant au fil des pages), et trois ou quatre fois plus de personnages secondaires... Sans compter les petits rôles. En fait, on pourrait sans problème sortir des pans entiers de ce livre et les considérer comme des romans à part entière : La prise de pouvoir par Capone, la libération de Motonridge, l'exploration des 'enfers' par Valisk, la chute de Norfolk...
C'est cette richesse incroyable et ce constant renouvellement qui fait que ce bouquin se savoure à chaque page, sans remplissage, sans développement artificiel. Seul le début s'enlise un peu avec les colons dans le bourbier de la planète Lalonde, mais après, on s'envole !

De cette énorme masse, quelques images restent : le magnifique ballet de reproduction des Voidhawk, poétique et époustouflante plongée de la créature dans les profondeurs de Jupiter, poursuivie par ses prétendants, accumulant dans son vol ultime suffisamment d'énergie pour enfanter les œufs, liés symbiotiquement au fœtus de leurs futurs pilotes ; l'anneau de ruines, vestige mortel d'une civilisation disparue depuis des millénaires et parcouru par des aventuriers ; le paysage de la Terre, détruite pas des siècles de pollution et d'exploitation, maintenant une lande désertique parcourue de tempêtes dévastatrices, parsemée de villes étouffantes protégée par des dômes et reliées par des trains souterrains ; la cyclopéenne cité extra-terrestre, flottant depuis des siècles autour d'un soleil sans planètes, dont les habitants luttent pour chaque parcelle de matière récupérable...
Khaali
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le 11 oct. 2010

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