Ghost Story
7.1
Ghost Story

livre de Peter Straub (1979)

Un peu étonné de ne trouver que 2 critiques à ce jour sur le site (et déjà assez anciennes) pour un livre trônant pourtant assez haut dans plusieurs classements des meilleurs ouvrages du genre horreur. Je me lance donc après avoir achevé cette lecture éprouvante (et pas uniquement dans le bon sens du terme...).


Je vais abréger le suspense: ce livre est très loin d'être un chef-d’œuvre, ce n'est même pas à vrai dire un très bon livre pour les raisons que je vais énumérer plus loin. En fait, j'ai découvert après avoir entamé ma lecture que la plupart des "auteurs" des listes de "meilleurs ouvrages d'horreur" en ligne ne se foulaient pas vraiment et se contentaient pour la plupart de reprendre (sans bien sûr citer leur source...si seulement ils la connaissent) une liste d'ouvrages indispensables du genre établie par Stephen King en 1981 dans son ouvrage Anatomie de l'horreur, dans laquelle le roman qui nous intéresse occupait donc une très haute place. Mais outre le caractère désormais un peu daté de la liste en elle-même, on peut douter de la totale objectivité des éloges émis par S. King à propos de ce livre pour de bonnes raisons: l'auteur, Peter Straub (dont je n'avais jamais rien lu jusque-là), est a priori un très bon pote de Stephen, qui a commencé sa carrière d'écrivain à peu près en même temps que lui et avec lequel il a même co-écrit plusieurs livres; par ailleurs, les deux auteurs ont des affinités évidentes au niveau du style et des thèmes (on pourrait ainsi dire en étant méchant que Peter Straub est une espèce de Stephen King du pauvre, le second étant de toute évidence bien supérieur au premier, à peu près sur tous les plans). Je ferme cette parenthèse introductive et j'en reviens plus précisément à ce ghost story.


Le livre a pour commencer deux très gros défauts quasiment rédhibitoires: de façon large, on peut dire que le livre n'est pas très bien écrit ; le style est très pataud et rudimentaire, et même si je n'ai pas pu apprécier la langue de l'auteur dans sa version originale, la traduction française ne laisse pas trop d'espoirs en la matière, même en imaginant que celle-ci soit particulièrement dramatique (ce qui est peut-être le cas). Mais surtout (et on ne pourra clairement pas mettre cela sur le dos de la traduction), le rythme global de l'ouvrage et de ses événements - et en particulier tout ce qui relève de la mise en place de l'intrigue - est effroyablement raté: les 300 premières pages, voire les 400 premières (sur 550!) constituent ainsi une très laborieuse et ennuyeuse introduction aux événements à venir, avant que les choses ne s'emballent enfin un peu à la fin du récit. L'auteur développe en outre une narration inutilement alambiquée et complexe, multipliant les chapitres et personnages sans développer dans un premier temps suffisamment l'intrigue pour véritablement capter l'attention du lecteur. Heureusement, comme évoqué, le galérien-lecteur qui aura réussi à force de ténacité à s'extraire de ce long préambule (faisant les 3/4 du livre!) en sera un tout petit peu récompensé, le récit parvenant enfin dans les 150 dernières pages à se focaliser sur ses enjeux narratifs principaux et à provoquer un attachement à quelques-uns des multiples personnages introduits tout du long. Bref, n'y allons pas par quatre chemins, le livre aurait été grandement amélioré s'il avait commencé par faire 200 ou 300 pages de moins, le livre se perdant souvent dans des développements finalement dispensables.


Le récit est en outre, de mon point de vue, très mal construit: pendant très longtemps, le suspense de l'ouvrage ne tient littéralement qu'à des insinuations et évocations d'évènements dont on ne connaîtra le fin mot que des centaines et des centaines de pages plus tard; je ne tiens pas vraiment ce genre de procédés narratifs dans mon cœur dans la mesure où ils sont le plus souvent synonymes d'une narration paresseuse, même si, dans certains cas particuliers, il peut arriver qu'ils soient justifiés a posteriori dans le récit; mais ici, ce n'est nullement le cas: les principaux personnages (la Chowder Society) savent parfaitement dès le début ce qui s'est passé lors d'une fameuse soirée évoquée dès le début de l'ouvrage, ainsi qu'au personnage d'Eva Galli dont on ne découvrira le destin qu'à la 450e page environ...L'auteur n'a clairement rien trouvé de mieux que de faire mariner le lecteur pour tenter de capter son intérêt, et l'attente est si longue et si irritante que, lorsque les révélations viennent enfin, tout ce que l'on trouve à se dire, c'est: "tout ça pour ça?".


Car il faut évoquer un autre point chagrinant pour un ouvrage présenté par Stephen King comme un sommet du genre horreur: l'ensemble ne fait pas vraiment peur...Si quelques pages (certains rêves, certaines apparitions, certaines situations) parviennent à faire frissonner le lecteur de bonne volonté, celles-ci sont cependant bien trop rares pour le satisfaire étant donné l’embonpoint de l'ouvrage! Sans spoiler, l'intrigue (


une force maléfique s'abat sur une petite bourgade américaine et commence à en décimer les membres - oui, difficile de ne pas penser à Stephen King...


) se révèle d'ailleurs bien trop classique et grossière dans le genre (en particulier en 2018...ce n'était certes peut-être pas autant le cas en 1979, à la sortie de l'ouvrage, alors que Stephen n'avait sorti encore que peu de livres) pour espérer davantage...


Par ailleurs, je dois confesser que cette horreur toute "américaine", centrée sur la vie de petites communautés et focalisée sur les faits et gestes et pensées assez triviaux de personnages sans grande ampleur n'est pas vraiment ma tasse de thé: extrêmement bavarde et boursouflée (le développement en romans de telles intrigues représente quasiment à mes yeux une régression par rapport à l'époque précédente où celles-ci se développaient, souvent avec beaucoup plus d'efficacité, sous des formats courts - je pense par exemple aux nouvelles d'un auteur comme Matheson), elle ne soulève souvent pas d'enjeux assez importants à mon sens pour captiver sur le long terme. Les meilleures œuvres de Stephen King lui-même ne sont-elles pas justement ses formats courts et moyens? Plus largement, tomberai-je un jour sur de très grands romans d'horreur, car, à y repenser, toutes mes œuvres écrites préférées du genre relèvent jusqu'à présent de la nouvelle (cf. Lovecraft, le maître absolu en la matière, mais aussi Poe dans un autre style)? Je plaçais un certain espoir en ce Ghost Story qui m'a donc bien déçu.


Pour conclure, il faut souligner que l'auteur est certainement passé avec ce livre à côté d'une piste narrative plutôt prometteuse, car la 4e de couverture nous présente - de façon assez mensongère d'ailleurs au vu du contenu réel du livre - un cercle de vieux messieurs se racontant des histoires terrifiantes finissant par se révéler réelles ; si le récit s'était réellement centré sur ce cercle d'histoires en le mettant mieux en scène et en l'exploitant bien davantage, la même intrigue aurait pu - à mon avis - se révéler bien plus efficace et prenante. Malheureusement, ce livre idéal n'existera pour le moment que dans mon imagination...

Tibulle85
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le 19 août 2018

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