Mon problème avec les cyberpunks ? Ils s'acharnent bien trop souvent dans un style d'écriture qui alourdit inutilement la lecture, la complexifie sans réelle raison et jusqu'au point de la rendre parfois carrément absconse ; ils tentent de reprendre à leur compte les techniques narratives du roman noir mais ne parviennent qu'à retranscrire l'ambiance de leur récit au détriment de la compréhension de son intrigue. Bref, ils sophistiquent tant la forme de leurs écrits qu'au final ils en font trop – ce qui, d'une certaine manière en tous cas, correspond assez bien à une certaine définition de cette branche de la science-fiction dont un des credo au moins consistait en la dénonciation d'une société hypocrite car fondée sur la vacuité de l'apparence.

Ou bien, je suis simplement allergique à leurs manières...

Si ces défauts, ou du moins que je considère tels, restent présents tout au long des neuf textes qui constituent ce recueil, les dégâts se trouvent néanmoins réduits proportionnellement à la longueur des textes. En d'autres termes, le format de la nouvelle ici empêche l'auteur de partir trop loin dans une sophistication inutile qui tend à ruiner le récit plus que ce qu'elle l'aide. Il en résulte de courts textes où non seulement l'ambiance demeure intacte mais aussi où l'intrigue se montre claire et où le lecteur ne doit en aucun cas revenir quelques pages en arrière vérifier un point obscur – disons en tous cas que ça reste dans les limites du raisonnable et du ponctuel, et d'autant plus que ça ne concerne que des détails mineurs du texte.

Ayant lu cet ouvrage avant de me plonger dans les romans de William Gibson, comma je le faisais souvent à une époque pour m'imprégner des inspirations d'un auteur avant d'aborder ses œuvres plus ambitieuses, j'y ai découvert en détail ces horizons de haute technologie que je n'avais jusqu'ici aperçu que dans une certaine BD plus franco que belge, et encore seulement par le biais des visuels : cette narration graphique-là, hélas, restait à l'époque encore assez avare de ces mots qui permettent de ressentir toute la dimension hypertechnologique de la science-fiction, et en particulier celle des cyberpunks. Un défaut ici absent, ce qui permet donc d'éprouver tout l'étourdissement que l'auteur a mis dans ces textes.

Voilà pourquoi Gravé sur chrome s'affirme comme une excellente introduction à l'œuvre d'un auteur-phare du genre cyberpunk mais aussi à cette branche spécifique de la science-fiction en général. Le lecteur pourra compléter par Mozart en verres miroirs (1986), l'anthologie-manifeste du genre dirigée par Bruce Sterling, avant ou après lecture de celui-ci.
LeDinoBleu
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Science-fiction

Créée

le 29 sept. 2011

Critique lue 394 fois

3 j'aime

LeDinoBleu

Écrit par

Critique lue 394 fois

3

D'autres avis sur Gravé sur chrome

Gravé sur chrome
LeDinoBleu
7

Mieux que les Romans de l'auteur

Mon problème avec les cyberpunks ? Ils s'acharnent bien trop souvent dans un style d'écriture qui alourdit inutilement la lecture, la complexifie sans réelle raison et jusqu'au point de la rendre...

le 29 sept. 2011

3 j'aime

Gravé sur chrome
MrAmeni
5

Critique de Gravé sur chrome par MrAmeni

Neuf nouvelles de S-F qui permettent de s’immerger dans l’hyper-technologie, la drogue, l’information ou de s’interroger sur la place de l’individu dans une société radicalement différente,… Bref,...

le 14 mai 2013

Gravé sur chrome
Case
8

Où comment entrer en beauté dans le cyberpunk !

Vous souhaitez découvrir un univers de drogue, de matrice, d'implant, de multinationales et de piratage ?Le cyberpunk et ce livre est fait pour vous ! William Gibson est un père fondateur de ce...

Par

le 26 sept. 2010

Du même critique

Serial Experiments Lain
LeDinoBleu
8

Paranoïa

Lain est une jeune fille renfermée et timide, avec pas mal de difficultés à se faire des amis. Il faut dire que sa famille « inhabituelle » ne lui facilite pas les choses. De plus, Lain ne comprend...

le 5 mars 2011

45 j'aime

L'Histoire sans fin
LeDinoBleu
8

Un Récit éternel

À une époque où le genre de l’heroic fantasy connaît une popularité sans précédent, il ne paraît pas incongru de rappeler qu’il n’entretient avec les légendes traditionnelles qu’un rapport en fin de...

le 17 août 2012

40 j'aime

Capitaine Sky et le Monde de demain
LeDinoBleu
8

Pulp (Science) Fiction

La science-fiction au cinéma obtient rarement l’assentiment des amateurs du genre dans sa forme littéraire, parce que cette dernière privilégie les idées et les émotions au spectaculaire et aux...

le 31 juil. 2011

33 j'aime

8