Dessine moi une définition

Athènes, Ve siècle avant notre ère, Socrate, athénien réputé pour son sens moral et connu comme un philosophe sans avoir la prétention de ne rien écrire, rencontre Hippias. Celui-ci prétend être le plus grand des sophistes, c'est-à-dire des gens qui affirme enseigner la vertu. Hippias est connu pour être le plus riche des sophistes, preuves de sa célébrité, preuve elle-même de son intelligence.
Socrate s'interroge alors : si Hippias est si doué c'est qu'il sait faire de beaux discours. Mais s'il sait qu'il fait de beaux discours, il doit alors savoir ce qu'est le beau. Non pas ce qui est beau, mais bien la nature du Beau. Sous couvert de prendre l'identité d'un de ses amis, Socrate va alors pousser Hippias à rechercher avec lui la nature du Beau.

Une des œuvres les plus classiques de Platon, peut-être une des plus paradigmatiques. A tel point que certains ont fini par lui contester sa légitimité. L'Hippias n'est pas une grosse œuvre, ce n'est pas un de ces écrits aux 9000 subtilités. Si l'on prendra gare à ne pas sous-estimer sa réelle puissance (notamment sur la notion de continuité de la réalité), le propos se veut didactique avant tout.
Quatre buts sont poursuivis par Platon. Le premier, peut être le moins important pour nous, est de différencier Socrate des sophistes, de montrer la différence de moralité (Socrate est humble, Hippias est prétentieux et cupide). Cet aspect là amène énormément de vie au dialogue qui est réellement plaisant à lire.
Bien sûr, le texte parle du Beau et nous interroge en même temps qu'Hippias sur sa nature véritable : est-il une convenance ? Est-il utile ? Est-il le Bien ? Est-il un plaisir ? Chaque définition semble convaincante et pourtant, Platon se plait à nous contredire ensuite. Si on ne fera pas l'erreur de voir chez Platon une notion d'esthétique ou de philosophie de l'art au sens contemporain, nous voyons cependant que ces pistes ne sont toujours pas abandonné 24 siècles plus tard. C'est donc un texte très vivant, très fort et très intelligent que plus de deux millénaires n'ont pas su taire. Préparez vous à vous interroger sur le Beau et, pour nous, sur l'art.
Le troisième but est de montrer ce qu'est une réelle définition. Platon montre ici la définition d'une définition. Il ne s'agit pas de donner des exemples mais bien de désigner la nature profonde de la chose qui met tous ces exemples sous le même regard. C'est-à-dire définir leur point commun.
Par cette question de la définition surgit peut être le but véritable de Platon : interroger la réalité. Hippias incarne le sensualisme là où Socrate défend une intelligibilité. N'existe-t-il que des cas particuliers ? Doit-on renoncer au général ? Quel type de réalité existe ? Y a-t-il des niveaux de réalités ? Tel est le vrai enjeu, caché, du dialogue.

Vous l'aurez compris, Platon invite à la réflexion avec humour et douceur. Ce n'est pas un exercice long et fatiguant que de lire ce livre, mais par lui, Platon offre des centaines, voir des milliers d'heures de réflexion à son lecteur.