Il est comment, mon père ?...

Il y a huit mois "l’Homme Qui Lit" nous assénait une chronique si dithyrambique sur ce livre (10♥) que je ne pouvais rester indifférent : il s’est, tout naturellement, invité dans ma P.A.L., et donc voilà l’histoire, l’Histoire du fils, imaginée et compliquée à loisir par Marie-Hélène Lafon.

Marie-Hélène Lafon est née en 1962 à Aurillac dans le Cantal dans une famille paysanne. Elle étudie à Paris où elle obtient une maîtrise de latin, un CAPES de lettres modernes un DEA puis un Doctorat de littérature et l’Agrégation de grammaire en 1987. Elle enseigne le français, le latin et le grec à Paris, où elle vit. Célibataire et sans enfant, elle déclare n'en avoir « jamais voulu » ...
Elle obtient le prix Renaudot 2020, avec son onzième roman "Histoire du fils". Avec lequel elle rencontre un grand succès public, dépassant les 100 000 exemplaires vendus.

En cherchant des renseignements sur l’auteure, je suis tombé sur un site qui réunissait un grand nombre de commentaires courts (4 à 6 lignes) relatifs à ce livre, que j’ai parcourus, contrairement à mon habitude. Bien m’en a pris car lorsque des reproches sont formulés, ils concernent le grand nombre de personnages, la chronologie non respectée, la difficulté de s’y retrouver exigeant un gros travail de mémoire et de concentration, etc… Alors, connaissant mes facultés intellectuelles fortement affectées par l’âge, j’ai attaqué la lecture un bloc-notes et un crayon à la main, et ai noté scrupuleusement l’âge de chaque personnage à la date indiquée (chaque chapitre est daté) et ses liens de parenté. Et chaque jour je reportais ces renseignements sur une sorte d’arbre généalogique dans un tableau Excel daté de 1865 à 2008 en faisant figurer les naissances et tous les évènements au fur et à mesure de leur relation…

Drôle de façon de lire un roman ! Me direz-vous. Peut-être, mais drôle de roman, aussi ! En tout cas, transformer la lecture en jeu de piste, remplir le tableau au fil de la lecture, participe à l’intérêt de la découverte de l’histoire (du fils). Terminé, on ne se perd plus parmi les protagonistes, d’un simple coup d’œil on situe chacun à sa place et, en fait, le tableau achevé, on n’y trouve guère plus de vingt personnages dont trois n’ont même pas de nom. Et quel plaisir addictif de le compléter, chapitre après chapitre, qu’importe alors si l’ordre chronologique est tout à fait aléatoire… Et vous savez quoi ? L’auteure a même réussi à se tromper ! Je ne vous dirai pas quand ? Qui ? Comment ?... À vous de trouver ! Elle s’est trompée de deux ou trois ans quelque part… À force de jongler avec les dates… ça devait arriver !

À part ça, l’auteure nous a mijoté un petit bijou savoureux, dans un style de dentelière littéraire où lieux et personnages sont sculptés de main de maître. Certains lui reprocheront une approche superficielle : nous sommes des témoins, des voisins, nous regardons évoluer ce petit monde de l’extérieur, mais au fil des pages et des époques nous sommes happés, débordant d’empathie pour chacun. Le fils, c'est André. La mère, c'est Gabrielle qu’il nomme « ma mère ». Le père est inconnu. André est élevé par Hélène, c’est « maman » (la sœur de Gabrielle) et son mari, Léon. Il grandit au milieu de ses trois cousines-sœurs et cherche, toute sa vie à savoir qui est son père, même si Léon est son « papa ».

J’ai adoré le style, l’écriture. Mademoiselle Marie-Hélène, votre plume est précise, imagée, délicate, magique et je ne pense pas que ce soit le fruit direct de votre avalanche de diplômes. Vous qui n’avez jamais voulu avoir d’enfant, vous les décrivez à merveille ! Cela dit, vous avez compliqué à plaisir une histoire assez banale dans laquelle le lecteur reste, quand-même, un spectateur assez lointain.