Ayant beaucoup apprécié "le Royaume", le précédent livre de l'auteur, je me suis fait offrir ce recueil de textes qui venait de sortir. Clairement, il y a à boire et à manger ici (normal me direz-vous pour un recueil de textes épars, publiés sur 25 ans) ; mais de mon point de vue, l'auteur ne brille jamais autant que quand il s'attaque à un de ses sujets favoris, l'Europe de l'est et la Russie, dont il est, de toute évidence, un bon connaisseur et un bon passeur (on apprend d'ailleurs au détour d'un texte que sa mère est une historienne spécialiste du communisme russe).
E. carrère, tout comme dans certains passages du "Royaume", peut par contre énerver lorsqu'il s'aventure dans des récits plus intimes et subjectifs, où il brille plus par son égocentrisme que par son style et l'intérêt de ses propos (n'est pas Proust ou Rousseau qui veut!). Il est néanmoins appréciable de trouver, dans l'un des tous derniers textes du livre portant sur les récits de "non-fiction", une justification théorique a posteriori à la mise en avant de l'auteur lorsque celui-ci fait œuvre de journalisme, en opposition à l'illusion d'une objectivité totale, souvent aussi trompeuse que mensongère.
Le livre fait également la part belle aux portraits d'écrivain qu'E. Carrère a pu rencontrer au cours de sa carrière. Il semble d'ailleurs, de manière générale, beaucoup plus intéressé par les écrivains en tant que personnes que par les livres que ceux-ci ont finalement pu écrire: les quelques critiques de livres en tant que telles sont finalement assez fades en comparaison de la verve que met Carrère à faire ressentir au lecteur l'intensité d'une relation qu'il a pu entretenir avec un créateur.
On passera sur des textes dispensables, tels que des écrits érotiques de l'auteur pour une revue italienne, qui n'ont su m'inspirer que de l'ennui, ou encore le récit d'une interview ratée de Catherine Deneuve sans aucun intérêt.
Une mention spéciale pour finir sur le dernier texte du recueil, portant sur l'auteur mystérieux d'un roman a priori culte des années 1960 (The Dice man) qui, traité sur le mode de l'enquête, donne véritablement envie - une fois n'est pas coutume - de se plonger soi-même dans l’œuvre.
Il me restera à me pencher, si j'en ai le loisir, sur le reste de l’œuvre du Monsieur, qui demeure une figure définitivement intéressante de la littérature française contemporaine.