Indian Creek
7.8
Indian Creek

livre de Pete Fromm (1993)

Pete Fromm nous livre une expérience autobiographique dans son livre Indian Creek. Au temps de ses dix-huit ans, alors étudiant en biologie, il se cherche, il est fasciné par les récits de trappeurs et trouve en eux des véritables modèles virils. Il rêve d'avoir lui aussi des expériences à raconter plus tard à ses petits enfants. Il n'a aucune expérience ni de la pêche ni de la chasse et n'est que maître nageur, une passion qu'il partage avec son frère jumeau. C'est alors qu'il exerce son métier estival de maître nageur qu'il apprend d'une jeune fille que "Fish and Game" (association qui s'occupe de la chasse et de la pêche dans les forêts environnantes...) cherche une personne pour s'occuper d'un grand espace perdu dans les Rocheuses seul pendant sept mois, pour surveiller des oeufs de saumons avant leur migration. Tout l'esprit aventurier de Pete s'enflamme à cette idée, il appelle aussitôt les rangers pour leur donner sa candidature, ceux-ci essayent de le mettre en garde en lui expliquant les risques d'une telle entreprise, mais le garçon est tellement ému qu'il ne parvient même pas à écouter le discours de son interlocuteur. Il prévient ses parents, prépare ses fournitures, n'ayant que peu d'idées de ce qu'il doit emporter et passe le reste du temps à fêter son départ. Cependant, plus la date fatidique approche et plus il a l'impression d'avoir fait une énorme erreur. Sept mois seul dans les montagnes rocheuses de l'Idaho sans aucune expérience de la chasse et de la pêche. Il en arrive à espérer que chaque coup de fil soit une annulation, mais bien sûr, cela n'arrive pas. Ses amis lui offre une petite chienne qui s'apparente plus à un rat qu'à un canidé, lui disant qu'elle sera de bonne compagnie pour lui, il l'appelle Boone en hommage au trappeur du même nom. Arrivé dans sa tente plus que rudimentaire, il prend encore plus conscience de l'ampleur de la tâche qui l'attend. Il ne fait que de se ridiculiser devant les rangers des Eaux & Forêts, prouvant son incompétence totale dans tout ce qui concerne les tâches forestières, il ne sait pas conduire leur camion, ne sait pas faire de noeuds et ignore tout du comptage du bois en "corde" (unité utilisée aux USA équivalente à 3,62stères ou 1m3)... A la fois amusés et dépités ils quittent le pauvre Pete qui ne va pas savoir par où commencer pour s'approprier cette nature hostile.
Quand j'ai lu la première page et que l'auteur a parlé de ses sept mois seul au milieu de la nature, j'étais aussi désemparée que lui, je me suis dit "Oh non mais qu'est ce que je vais m'ennuyer!"... Et bien, bizarrement non. Pourtant je suis pas écolo, et le camping, ça m'emballe pas des masses. Mais faut dire que Fromm s'en tire pas mal niveau écriture. Déjà on se prend vite de sympathie pour le jeune homme maladroit qui a tout lu sur ses idoles mais qui une fois sur le terrain ne maîtrise rien du tout. Personnellement je ferais pas la fière à sa place. Il y a aussi cette volonté de grande chose à accomplir, quelque chose de fou, sept mois dans les rocheuses, ou faire un résumé de tout les livres qu'on lit, vous voyez le truc? Laisser une empreinte... Du coup on s'est rapprochés lui et moi. Je pensais aussi que les trappeurs étaient des grosses brutes sans cervelles qui s'amusaient à dépecer le moindre petit animal pour s'en faire des babioles, et bien c'est un petit peu moins simple que ça. A vrai dire Pete se nourrit surtout de grouses (un oiseau qui ressemble vaguement à un petit faisan et d'écureuils. Et il est loin d'être sans coeur, quand il s'essaie aux pièges, surtout pour défendre ses oeufs de poisson, il lui arrive une aventure qui m'a émue. Il se retrouve nez-à-nez avec un raton laveur qui s'est visiblement débattu toute la nuit, après avoir réfléchi à la meilleure façon d'abréger les souffrances de l'animal il piétine sa cage thoracique, sentant ses côtes s'écraser sous sa semelle, quand il ouvre le piège il se rend compte que seule la dernière phalange de l'orteil du mammifère était coincée, et il se sent terriblement coupable. Il n'est pas tout à fait seul dans sa tente, les premiers temps quelques chasseurs viennent lui rendre visite, des biologistes et les gens de la compagnie pour le courrier aussi, si au début il cherche frénétiquement la compagnie de ses semblables, au fur et à mesure de son acclimatation il apprend à aimer la solitude et sa montagne, jusqu'à être gêné par les présences humaines. Après avoir été habituée aux lectures d'un US trash d'aujourd'hui dans les Brett Easton Ellis, les Palahniuck, un monde de consumérisme poussé à l'extrême, de superficialité, je découvre l'autre visage de ce pays, et il est magnifique. Je suis rassurée de voir qu'il existe encore de la beauté et des valeurs aux états-unis aujourd'hui. La littérature états-unienne est de toute façon ma préférée, mais plus je découvre des facettes de cette contrée et plus je l'aime.

Diothyme
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le 3 mars 2011

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