Intimidation
6.3
Intimidation

livre de Harlan Coben (2015)

“What is a man? A miserable little pile of secrets,”

The Stranger ou l'histoire d'un mec qui arrive dans la vie des gens pour leur pourrir l'ambiance avec une nouvelle dévastatrice ("En fait ta femme aime pas ton tatouage dorsal de Johnny, elle a dit que ça faisait beauf sur un forum") est un thriller qui, comme le beurre du sandwich que vous engouffrerez à la plage en le lisant, mollit arrivé à la moitié pour ne laisser au final aucun impact sur votre journée estivale.


Trois précisions avant de palabrer: c'est mon premier Harlan Coben; c'est mon premier thriller depuis quelques années au moins; je l'ai lu en version originale (pèrdonne mon anglish).


La prémisse est intéressante: que se passerait-il si l'on apprenait un secret monumental de la part d'un parfait inconnu, preuve à l'appui? Coben nous place au premier abord dans la peau d'Adam, marié depuis dix-huit ans, père de deux ados, avocat de son état ,et dont l'épouse Corinne avait un bien vilain secret. Le principe même de l'intrigue apporte du suspens par plusieurs sources: qui est l'étranger? Comment Adam va-t-il encaisser et gérer la nouvelle? Pourquoi Corinne a-t-elle fait ce qu'elle a fait? Autant de questions qui font tourner les pages et alimente la narration. Autant de sources qui, étrangement, se tarissent vite...


Une fois le premier quart engagé, The Stranger parvient difficilement à maintenir le suspens de son histoire sans recourir à des artifices structurels ou narratifs. Les chapitres sont parfois très courts, lâchant des "Et à ce moment, il n'en crut pas ses yeux!" avant de changer de personnage pour le chapitre suivant, donnant artificiellement envie de lire VITE la suite. Malgré au moins trois mystères/motivations pour Adam, viennent s'ajouter à l'intrigue


d'autres personnages en contact avec l'étranger comme Dan Manioli, une intrigue de vente de maison forcée par le maire, les caisses du club de la-crosse (un peu plus en rapport avec la trame certes), Kuntz, un ex-flic pas bien sympathique qui pète des genoux avec une arme à feu, et un meurtre sordide oui, mais complètement collatérale à une intrigue qui n'est pas celle de The Stranger...


autant d'éléments narratifs qui n'ont pratiquement aucun rapport avec l'intrigue de l'étranger à proprement parler. Le livre se transforme en enquête policière à mi-chemin. Paradoxalement, cette partie de l'intrigue arrive au moment où l'on se rend compte que peut-être ce n'est pas si important ce qu'a pu faire Corinne. Presque comme si l'auteur sentait que la tension baissait énormément, il s'octroie un joker ou deux, en ajoutant donc du crime et encore du crime, à un livre qui ne l'appelait pas forcément. La résolution se fait progressivement, sans vraiment de "bang" mais sans vraiment échouer non plus.


Côté stylistique, ce n'est pas vraiment ce que j'appellerais un exploit; c'est simpl(ist?)e, plutôt efficace, mais parfois un brin assisté, ne faisant pas forcément confiance au lecteur pour voir le parallèle ou lire l'indice écrit dans la phrase. Exemple typique:


Coben décrit tout un souvenir de la fausse-couche de Johanna, durant lequel Heidi se morfondait du drame en sa compagnie, mettant sa tête sur le volant en pleurant, étalant ses cheveux comme un ventilateur.
Lorsque Johanna analyse la vidéo-surveillance de la rencontre entre l'étranger et Heidi, rencontre ayant mené à l'assassinat d'Heidi, cette dernière peut être vue dans sa voiture et, Coben écrit: "Heidi's hair spread out like a fan.
Oh no...
Heidi had lowered her head to the steering wheel, the same way she had done twenty years ago when Johanna had told her about the miscarriage.
She was, Johanna was certain, crying."
Rappelons que les deux scènes, le souvenir et la vidéo-surveillance sont à une page l'une de l'autre.


Et c'est régulièrement que l'on ne sait pas si l'on doit se sentir un peu moqué par l'auteur, doutant de notre capacité à suivre l'intrigue, ou si c'est simplement le style d'écriture de ce dernier qui est ainsi. Il faudrait que je lise d'autre œuvres de Coben pour m'en persuader.


Il y a également quelques maladresses de caractérisation, comme écrire un ex-policier viré et conspué "injustement" pour avoir tué un voleur noir lors d'une altercation malencontreuse. Ne montrer que son côté de l'histoire trois ans après Black Lives Matter, fallait oser.


Au final, et malgré ce dernier écueil, ça reste un thriller assez inoffensif avec un très bon pitch de départ qui s'essouffle étonnamment vite compte tenu des possibilités scénaristiques qui le nourrissent. Je l'ai lu d'abord réellement intrigué puis un peu plus agacé et pressé d'en finir, mais en garderait un souvenir honnête dans l'ensemble.

seblecaribou
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le 2 août 2020

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