Sans ce livre (le premier qui lui soit consacré en français), je serais passé à côté d'un réalisateur facilement associé à l'imagerie infantile des séries japonaises où chaque nouvel épisode/tentative d'invasion extra-terrestre culmine sur un combat de monstres catcheurs géants s'affalant au ralenti sur des gratte-ciels. Alors que ses films de monstres en caoutchouc géants sont des pamphlets contre les essais nucléaires dans le Pacifique (Godzilla, Mothra), et des réquisitoires contre l'exploitation commerciale des richesses naturelles, qui exaltent la résistance des cultures indigènes, notamment contre leur transformation en objets de spectacle (Mothra, Mothra contre Godzilla)! Mais bien sûr la dénonciation du nucléaire, une fois l'autorité d'occupation américaine partie en 1952, était à l'ordre du jour. Pas comme en France, où tous les passages s'y référant dans Godzilla (1954) sont coupés !
Comme le déclare Fabien Mauro dans un entretien, "En 1946, Honda est un jeune soldat qui rentre dans son pays, totalement ravagé. Ça doit être un traumatisme, mais également une révélation. Ceci a dû forger la philosophie pacifiste et anti-guerrière présente dans ses films".


Ishiro Honda était un talentueux artisan, qui participait à l'écriture de ses films, mais avait accepté sans états d'âme sa condition d'employé d'un grand studio.
Lequel mit à la disposition de l'indispensable collaborateur et spécialiste des effets spéciaux Eji Tsurubaya les moyens de concrétiser une riche imagerie, de la face cachée de la lune, à la végétation infestée de champignons d'une île maudite, aux vaisseaux et aux bases spatiales "futuristes"... Et ses gens en costumes de monstres représentaient la meilleure solution pour tourner en un temps limité un nombre considérable de scènes de destruction massive de magnifiques maquettes, dans des films composés également d'un grand nombre d'effets optiques, de matte paintings, d'incrustations généralement très réussis.


Le succès de ses kaiju-ega a incité les compagnies concurrentes à créer leurs propres monstres (dont une fameuse tortue géante, Gamera), mais Honda ne s'est pas cantonné aux bêbêtes géantes : il a tourné un cycle d'invasions extra-terrestres, et trois films de mutants - victimes de retombées radioactives (l'Homme H, La Vapeur Humaine) et humains champignons (Matango).
Ses films ont sans aucun doute bénéficié du même perfectionnisme qu'il mit au service d'Akira Kurosawa, dont il fut l'assistant (il a tourné les scènes extérieures de Chien Enragé) avant et après sa propre carrière de metteur en scène, volontairement interrompue au début des années 70, alors que les suites de Godzilla devenaient de plus en plus ridicules.
Honda n'a pas usurpé sa place parmi les plus éminents réalisateurs de films de genre.


Le livre commence par un aperçu chronologique de son oeuvre, puis examine parfois les mêmes films au travers de plusieurs thèmes - les media, l'écologie, les femmes... Les analyses rendent compte fidèlement du contenu des films, sans entrer dans des interprétations tirées par les cheveux.
On trouve à la fin quelques entretiens avec des collaborateurs exprimant leur affection pour Honda - louant un caractère plus stable que celui de Kurosawa, qui ne se privait pas de virer un technicien au débotté, ou de bouder une journée entière si on manquait de respect à la soupe de sa femme.

ChatonMarmot
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le 11 févr. 2019

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