Il n'est pas facile de traiter le sujet de l'homosexualité, surtout avec des adolescents. En parler sous l'angle d'une fiction peut être un bon moyen de toucher le lecteur, de lui faire ressentir ce que peut ressentir un jeune qui se rend compte qu'il est homosexuel et qu'il devra tôt ou tard l'assumer face aux autres. C'est ce que fait Brigitte Giraud avec Jour de courage.


Le livre a ses qualités. Le problème est rapidement posé : Livio, un jeune homme timide et sérieux qui a récemment réalisé son homosexualité, fait un exposé d'histoire. A travers le personnage de Martin Hirschfeld, médecin juif-allemand qui créa un institut de recherches sur la sexualité et milita pour la reconnaissance des droits des homosexuels, il esquisse un coming-out à demi-mot. Cette trame narrative astucieuse est secondée par la diversité des personnages secondaires, esquissés en peu de traits, qui reflètent par leurs attitudes les différentes réactions que peuvent avoir des adolescents au thème de l'homosexualité. A cela s'ajoute une bonne gestion du suspens, qui maintient en haleine jusqu'au bout du livre.


Et pourtant, malgré le potentiel de l'idée originelle, le roman souffre de faiblesses qui peuvent empêcher le lecteur de bonne volonté de rentrer véritablement dans l'histoire. La première est sa structure chronologique anarchique, à base de digressions continues, de flashbacks et de flash-forwards incessants. Ce côté décousu coupe le récit en petits bouts, ce qui ne manque pas de créer une certaine frustration. Si le roman finit par retomber sur ses pattes et reste cohérent tout du long, il aurait sûrement gagné en clarté sans ces allers-retours quasi intempestifs, qui rendent l'exposé de Livio quasi interminable.


La seconde faiblesse tient au style. Si le choix de tournures globalement épurées colle bien avec le narrateur adolescent, il tend à des lourdeurs, des faiblesses de rythme dans les tournures utilisées. Quelques phrases apparaissent même superflues, trop attendues ou trop redondantes. Certaines images échouent carrément à évoquer ce qu'elles devraient. Quant à la salle de classe, qui se révèle par petites touches au fur et à mesure des péripéties, on peut discuter de son réalisme, dans la mesure où certaines réactions ou certains détails paraissent peu crédibles.


Finalement, le livre semble s'adresser avant tout à des collégiens et assez peu aux publics plus âgés, qui n'y trouveront que ce qu'ils savent déjà. Même si le cadre est plutôt bien amené, sous la forme de petites touches, il est finalement assez basique : la souffrance de Livio est le résultat de la combinaison d'un père ouvrier étouffant, d'une mère transparente, d'une meilleure amie qui se berce d'illusions et d'un monde globalement hostile à la différence. Le constat de l'homophobie plus ou moins assumée des protagonistes est donc large, mais n'explore pas en profondeur ses ressorts ou ses origines. Un sujet intéressant, donc, mais porté par une histoire qui peine à devenir plus que le message qu'elle souhaite faire passer.

ChevalierPetaud
6
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le 23 avr. 2020

Critique lue 149 fois

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