Il y a des lectures qui vous bouleversent et pour lesquelles on manque de mots. J’ai été intriguée par La cloche de détresse et en lisant des extraits de ses journaux sur Twitter, j’ai eu envie de connaitre l’autrice derrière l’histoire. Les Journaux réunissent les carnets intimes de Sylvia Plath, récoltés par son ex-mari Ted Hughes. À noter que la traduction française ne contient pas les passages expurgés par son ex, ce qui est souvent frustrant quand on sait qu’il a éliminé les passages les plus révélateurs sur leur couple ou sa situation mentale. Néanmoins, pas sûre que Sylvia aurait aimé voir ses journaux intimes exposés au public… La tension entre publier ou ne pas publier est vive et digne de s’attarder dessus. Je pense que si elle avait connaissance de l’immense réconfort que ses écrits apportent à énormément de gens, elle reviendrait sur son jugement, mais elle n’est pas là pour y réfléchir. Quel vertige de penser à l’égérie qu’elle est devenue sans même le savoir, alors qu’elle luttait contre la solitude de l’artiste et la dépression.
Ces journaux se lisent lentement, tant ils sont denses d’introspection. J’ai lu la première partie de ses carnets avec avidité, c’était à la fois douloureux et rédempteur, de lire ses questionnements, ses blocages et ses noeuds introspectifs que je connais tant. Il y a des dizaines de passages que j’aurai aimé écrire (avec du talent en plus bien sûr), c’est vertigineux et consolateur, même si le destin de Sylvia Plath brise le coeur.
En lisant ses journaux, j’ai compris pourquoi elle avait tant d’importance dans la littérature féministe : c’est l’histoire du génie féminin sacrifiée, torturée entre son idéal artistique et une vie de solitude morne. Elle tente tant bien que mal d’apprivoiser son « oiseau de panique », hésite entre résolutions et désespoir, dans une oscillation que j’ai trouvée bouleversante.
J’ai moins aimé la deuxième partie qui se focalisait plus sur son travail d’écriture (analyse d’oeuvres, envoi de manuscrit) et les visites de connaissances. À ma grande honte, c’est cette période où elle tente de sortir la tête de l’eau qui m’a moins accroché… mais pour les somptueuses introspections du début, ce livre restera à jamais dans mon coeur.

aaiiaao
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le 11 déc. 2019

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