Stephen King maître de l'horreur ? Stephen King roi de l'épouvante ? Si jamais ce fut vrai, ça ne l'est plus depuis longtemps. Non pas parce que la qualité des œuvres de l'auteur a diminué, mais leur centre d'intérêt s'est déplacé. Ce recueil en est une belle illustration.
Forcément, dans un recueil de nouvelles, la diversité est de mise. Diversité de qualité : il y a du bon et du mauvais.
Diversité de genre : du thriller à l'horreur (oui, il y a quand même de l'horreur, mais dans deux nouvelles uniquement, dont une ancienne).
Diversité de longueur, de 6 à 60 pages.

Mais il y a des points communs.
Le plus important est le ressort de ces textes. A chaque fois, on nous parle d'un personnage ordinaire placé dans une situation extraordinaire. King s'amuse à organiser des rencontres très particulières. Toutes ne sont pas du domaine du surnaturel, bien au contraire. Certaines sont, hélas, très réalistes. Mais ce qui importe surtout, c'est de décrypter ce que ces situations font naître chez ces personnages. L'auteur se plait à analyser la pensée, la psychologie de l'homo americanus moyen, du citoyen lambda.
D'où la quasi omniprésence des descriptions. Très peu de dialogues, assez peu d'actions, mais des descriptions physiques et morales et beaucoup de monologues intérieurs (les lecteurs habitués à King connaissent bien ce procédé).
Vous êtes seul et vous assistez au spectacle d'un homme tabassant sa femme enceinte. Que faites-vous ? Que se passe-t-il dans votre tête ?
Vous recevez un coup de téléphone de votre mari (ou votre femme) mort(e) depuis peu. Réaction ?

Le fantastique ne fait souvent irruption ici que pour déclencher les situations extraordinaires et permettre l'analyse. La nouvelle intitulée "Laissés-pour-compte" en est un bel exemple, en même temps qu'un des meilleurs textes du recueil. Un homme découvre des objets qui apparaissent subitement dans son appartement. De ce point de départ pas banal, King va se lancer dans une sublime réflexion sur le travail de deuil suite au 11-Septembre et la culpabilité du survivant.
Je reste convaincu que peu d'écrivains actuels sont capables d'analyser aussi profondément que lui les mécanismes de la pensée et de l'inconscient de ses personnages.

Bien entendu, certaines nouvelles ont moins d'intérêt, mais la grande majorité sont des très bons textes.
Outre celui que j'ai déjà cité, je me dois de parler de "N.", véritable petit chef d’œuvre d'influence lovecraftienne. 60 pages véritablement terrifiantes. Une exception dans un recueil qui s'éloigne de l'horreur, mais une franche réussite.
Quant au "Vélo d'appart", il rappelle un des thèmes fétiches de Stephen King : le rapport entre la réalité et la fiction, ou comment l'art se mêle à la réalité et devient réel.
Comme toujours, c'est écrit de façon passionnante, avec des petites piques d'humour, une grande attention portée aux détails et un sens de l'observation particulièrement développé.

[pour info, voici les treize nouvelles :
_ Willa : 7/10
_ La fille pain d'épice : 8/10
_ Le rêve d'Harvey : 9/10
_Aire de repos : 7/10
_ Vélo d'appart : 8/10
_ Laissés-pour-compte : 10/10
_ Fête de diplôme : 5/10
_ N. : 10/10
_ Le chat d'enfer : 5/10
_ Le New York Times à un prix spécial : 9/10
_ Muet : 8/10
_ Ayana : 8/10
_ Un très petit coin : 8/10]
SanFelice
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Retrospective 2012

Créée

le 12 nov. 2012

Critique lue 634 fois

7 j'aime

8 commentaires

SanFelice

Écrit par

Critique lue 634 fois

7
8

D'autres avis sur Juste avant le crépuscule

Juste avant le crépuscule
Rasebelune
10

Critique de Juste avant le crépuscule par Rasebelune

Cinquième recueil de nouvelles du King (après Danse Macabre, Brume, Tout est Fatal et Rêves et Cauchemars - Différentes Saisons regroupant des novellas plus longues), ce pavé de 367 pages sorti le 11...

le 13 juin 2010

7 j'aime

2

Juste avant le crépuscule
chtimixeur
7

13 histoires à lire sur le trône... du King

Depuis la fin des années 80, Stephen King nous a habitués au pire et au meilleur, et comme il le dit lui-même dans l'introduction de ce livre, il a écrit de moins en moins d'histoires, mais celles-ci...

le 27 juil. 2011

4 j'aime

8

Juste avant le crépuscule
Hypnos
6

Au suivant!

C'est toujours le même problème pour moi, les recueils de nouvelles du King. Cet auteur sait toujours me faire rentrer dans son univers et en l'espace de quelques lignes, je suis complètement en...

le 2 avr. 2012

3 j'aime

Du même critique

Starship Troopers
SanFelice
7

La mère de toutes les guerres

Quand on voit ce film de nos jours, après le 11 septembre et après les mensonges justifiant l'intervention en Irak, on se dit que Verhoeven a très bien cerné l'idéologie américaine. L'histoire n'a...

le 8 nov. 2012

256 j'aime

50

Gravity
SanFelice
5

L'ultime front tiède

Au moment de noter Gravity, me voilà bien embêté. Il y a dans ce film de fort bons aspects, mais aussi de forts mauvais. Pour faire simple, autant le début est très beau, autant la fin est ridicule...

le 2 janv. 2014

218 j'aime

20

Chernobyl
SanFelice
9

What is the cost of lies ?

Voilà une série HBO qui est sans doute un des événements de l’année, avec son ambiance apocalyptique, ses flammes, ses milliers de morts, ses enjeux politiques, etc. Mais ici, pas de dragons ni de...

le 4 juin 2019

214 j'aime

32