Kabukicho
7.2
Kabukicho

livre de Dominique Sylvain (2016)

Le lien : http://wp.me/p2X8E2-Kd


Le texte :


« Pourtant, malgré ses côtés répulsifs, le charme vénéneux et exotique de Kabukicho agissait puissamment. J’éprouvais une fascination qu’on aurait pu qualifier de malsaine… »
« C’était ce qui avait frappé Marie à ses débuts. Cette conscience professionnelle. Tous ces jeunes gens qui voulaient être les meilleurs dans leur job et apporter un service de qualité. Dans d’autres circonstances, elle en était persuadée, ils auraient fait d’excellents commerciaux, aussi motivés par leurs chiffres de vente que par la satisfaction des acheteurs. »
« Cette nuit, comme toutes les autres, les clients réclamaient le soulagement, la pulvérisation de la frustration, du stress et de la solitude. Ils exigeaient qu’on donne momentanément chair à leurs envies les plus tordues. Et les pros de Kabukicho étaient déterminées à y arriver. »


Ce « Kabukicho » est avant tout un roman d’atmosphère : celle du quartier homonyme de Tokyo où les personnages principaux concentrent leur activité professionnelle et qui cristallise les passions et les tensions. Dominique Sylvain a vécu au Japon, on sent qu’elle a dû l’aimer profondément et sincèrement. Elle parvient alors à rendre tous ses personnages attachants : Yudai, Kate, Sanae, Yamada, même Akiko trouvent grâce à nos yeux. Il n’y a que deux personnages que Dominique Sylvain rend détestables : Marie et Watanabe.


Kate disparaît au Japon et de l’autre côté de l’océan son père reçoit une photo d’elle endormie avec un court texte « Elle dort ici ». Jason Sanders prend le premier vol pour Tokyo pour partir sur la piste de sa fille. Il se fera aider par Marie, colocataire de Kate et qui travaillait dans le même bar à hôtesses que Kate (précisons ici que les hôtesses ne sont pas des prostituées, elles ne couchent pas avec leurs clients, elles ne sont là que pour les écouter et les mettre en valeur, contres espèces sonnantes et trébuchantes, certes).


Je n’en voudrai même pas à Dominique Sylvain de ne pas avoir su garder le suspens au-delà de la centième page. On a toujours un doute en se demandant si tout est aussi simple qu’il y paraît ou si l’auteur nous réserve une tour de passe-passe en fin de récit… mais l’essentiel ne réside de toute façon pas dans l’intrigue et la recherche du coupable.


Restent les questions des motivations de l’assassin qui s’inspire d’un serial killer qui a sévi quelques années avant à Osaka. Là, pour le coup, Dominique Sylvain ne nous en dévoile les tenants et les aboutissants qu’au fur et à mesure.


Restent les pages sur le quartier de Kabukicho, somptueuses d’ambivalence comme le montrent les phrases citées en exergue de ce billet et qui prouvent, si c’était encore nécessaire, combien Dominique Sylvain aime ce quartier et les habitants (et les fantômes) qui le hantent et ne peut pas en dire du mal sans en dire en même temps du bien. C’est ce qui transpire le plus entre les lignes de ce roman, c’est cette vie ou ce simulacre de vie qui fait le sel de cette histoire.


Restent les questionnements ou positionnements identitaires des différents personnages qui sont tous en recherche de quelque chose. Yudai se chercher en profondeur : mal à l’aise dans son costume d’hôte, on sent que sa vie est ailleurs mais qu’il n’a pas encore mis la main dessus, en tout cas pas en totalité ; son fils n’est qu’une partie de la solution. Yamada cherche son passé, sa mémoire et sa place dans une institution dont la figure exécrable de Watanabe, son collègue, donne une image négative de l’avenir de la profession. Kate et Akiko, de deux manières différentes, cherchent l’amour et une sorte de plénitude inaccessible. Marie, quant à elle, se cherche tout court à travers ses différentes rencontres : elle cherche à se construire. C'est la rencontre de ces différents personnages et de leurs quêtes, leur télescopage, qui rend finalement ce roman attachant.


Restent les dernières pages qui relèvent du manga autant que de la littérature dans l’excès de violence, dans un souci de chorégraphie précise, dans la recherche d’une esthétique et d’une fluidité propres à ces animations japonaises.

Ga_Roupe
6
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le 13 déc. 2016

Critique lue 219 fois

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Ga Roupe

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