L'Africain de JMG Le Clézio est porté par un souffle romanesque sidérant.
Dans une veine plus autobiographique encore que pour « Révolutions », Le Clézio rapporte des bribes (les fourmis, les scorpions) et des détails de sa vie.
Son enfance. Son père. L'Afrique.
C'est un périple emprunt d'une élégante émotion.

Le style est simple, fluide, direct. Le tout est peaufiné à merveille, moins d'ailleurs pour ramener les souvenirs à la surface que pour leur donner une seconde vie (littéraire cette fois). Il y a une gourmandise dans les descriptions, et une générosité stylistique qui rapproche, rapproche, rapproche... Impossible ici pour le lecteur de ne pas esquisser un sourire en se remémorant à son tour des souvenirs personnels : les jeux enfantins qui naissent de rien (tellement précieux), l'odeur de la terre, l'éternité dans l'instant.

Dénuée d'exotisme, son Afrique est belle à croquer : « En Afrique, l'impudeur des corps était magnifique. Elle donnait du champ, de la profondeur, elle multipliait les sensations, elle tendait un réseau humain autour de moi. »

Nul ressassement. Nulle nostalgie. Nulle mélancolie.
La nature elle-même apparait, prend vie sous nos yeux. Elle est centrale, c'est pour cette raison (selon moi) que l'écrivain évite tout verbiage psychanalytique. C'est par le silence et la lenteur qu'il nous fait comprendre qu'au fond, tout nous est donné dès l'enfance. Cette émotion si typique m'a amené à cet état second qui suscite l'envie d'écrire.
L'économie des mots y est formidable.

Visez plutôt, évoquant son enfance en Afrique : « Ce trésor est toujours vivant au fond de moi, il ne peut être extirpé. Beaucoup plus que de simples souvenirs, il est fait de certitudes. »

JMG revient, recompose et essaye de comprendre la vie que son père a menée en Afrique.
Son père médecin en Afrique. Sa mère en Bretagne, en fuite après l'invasion des nazis en juin 1940. Cet homme qui décide ce voyage fou pour sauver celle qu'il aime.
Cette folle histoire tissée par un pur styliste est un instant savoureux.
Sans pathos. Aucun.

Si ce mot avait encore un sens, j'aurai aimé qualifier ce récit de « noble ».
Plutôt : roman digne, au sens le plus entier du terme.
murakamien
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le 27 sept. 2011

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murakamien

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