« L’âme du monde », de Frédéric LENOIR (ED. Pocket n°15647), peut apparaître comme étant un livre de plus conjuguant avec aisance, les déjà vieilles recettes de la pensée positive, celles de l’ésotérisme et de la philosophie antique et le « sociologiquement correct » qui, tout étant relatif, gomme et réduit les différences pour prôner (intellectuellement) l’unicité de la grande famille humaine appelée à cesser de se déchirer et à aller résolument vers demain sur des chemins pacifiés… Si l’âme du monde n’est que cela, c’est un livre de trop, inutile ou presque !
L’auteur réunit dans un monastère du Tibet 8 sages qui reçoivent et se donnent pour mission de transmettre l’enseignement fondamental qui devra permettre à deux adolescents de comprendre, d’expérimenter et de transmettre à leur tour ce qui est nécessaire pour que se maintienne l’âme du monde, cette force bienveillante qui maintient l’harmonie de l’univers. Bref, on va, comme dans tous les séminaires « zénétiques », on va se poser les questions du sens de la vie, de la vraie liberté, du fondement de l’amour, de la réconciliation corps-esprit, de la nécessité de vivre ici et maintenant, acceptant les bonheurs et malheurs comme des marches d’un escalier qui permettent de gravir, de monter vers un plus haut que nous. Comme bien souvent, dans ce type de « bonnes pensées », il y a un peu de tout. En effet, les 8 sages sont d’obédience très diverses. Pour eux, la source est, selon chacun, le chamanisme, la philosophie européenne, la mystique hindouiste ou chrétienne, le soufisme musulman, le kabbalisme juif, le taoïsme chinois ou encore le bouddhisme tibétain.
Avouez qu’avec une telle richesse, il y a de quoi faire son marché ! Même si, c’est une évidence, les mêmes histoires, les mêmes contes philosophiques existent, à quelques nuances près, dans chacune des traditions orales de ces courants de pensées.

… Et, après la lecture d’un tel livre, « tout le monde, il sera beau, bon, juste et zen … surtout si, comme moi, il vit sa vie, en plein accord avec son aspiration profonde, dans le respect du droit que possède chacun de penser ce qu’il veut et de vivre en conséquence, en harmonie avec lui-même, le monde, le cosmos … [ndlr : bémol : à défaut de pouvoir vivre dans la vraie vie avec son voisin, qui plus est, doit être étrange(r) puisqu’il semble ne pas vraiment toujours penser comme moi ! ]
Voilà, c’est dit ! Si le livre de Frédéric LENOIR n’est qu’un ouvrage de plus dans ce genre littéraire, je lui attribue la note de 4/10. Un point pour l’écriture agréable et facile à lire, un deuxième pour le florilège de contes, paroles de sages et autres belles pensées avec lesquelles je suis, pour la plupart, entièrement d’accord et pour lesquelles, un rapide survol de lecture fait office de rappel des règles de bonnes conduites, ma foi aussi utile que les campagnes de rappel des règles élémentaires de conduite menées par l’IBSR ou tout autre organisme de sécurité routière en nos pays. Enfin, les deux derniers points je les attribue pour la brièveté du livre. Pas besoin de 500 pages pour délivrer le message !
Mais, à y regarder de plus près, il y a, au moins, trois autres bonnes raisons de consacrer une bonne paire d’heures à la lecture de ce récit :
- J’aime beaucoup l’idée que la Sagesse des anciens soit transmise à des adolescents. Ces jeunes que l’on perçoit trop souvent comme des « crises » et si peu comme « l’à-venir ». Le fait que la transmission soit orale et évite donc le piège du Livre et de toutes ses querelles interprétatives est aussi un clin d’œil à notre société. (Plus deux points)
- J’aime l’idée que l’essentiel qui doit être poursuivi est la recherche du dénominateur commun plutôt que les forces séparatrices. Et l’actualité déchirante de janvier 2015, en France et dans le monde, ne peut que me conforter dans cette nécessaire urgence à crier que nous devons nous dresser pour un vivre ensemble et une intégration de nos différences. (Plus 1 point)
- Enfin, j’aime le sens des nuances contenues dans les propos de LENOIR. Alors que l’auteur vient de mettre ses sages en recherche et partage, alors que ceux-ci ne sentent pas encore très bien ce qu’il convient de faire, ils se taisent, prient ou méditent, chacun dans sa voie spirituelle… C’est alors que l’auteur fait dire à l’un d’eux : « Nous n’avons pas prié ensemble… mais nous étions ensemble en prière »… (Plus un point encore) En ces jours sinistres de janvier 2015, alors que nous sommes tous Charlie, sans doute pour de multiples bonnes raisons, même si parfois celles-ci semblent incompatibles, il est bon de réfléchir à la tension qui doit exister entre la volonté d’être semblable sans être identique. Vouloir percevoir la force des complémentarités plutôt que de se perdre dans une apparente unicité, à terme, réductrice. On ne peut jamais autant se rapprocher de l’autre que lorsqu’on garde distance… Pour se rapprocher, il faut que l’autre ne soit pas moi, mais lui ! Et ce type de nuances, d’approches subtiles, on le sent très présent dans ce conte philosophique « L’âme du Monde »…
En conclusion, un livre qui ne révolutionnera rien … mais qui, peut-être, permettra au lecteur la poursuite d’une évolution vers plus de sens, de vie, d’amour et de reliance dans le monde.


Total, je passe de quatre à huit et persiste et signe!

Créée

le 11 janv. 2015

Critique lue 614 fois

1 j'aime

Critique lue 614 fois

1

D'autres avis sur L'Âme du monde

L'Âme du monde
ngc111
7

Critique de L'Âme du monde par ngc111

Conte initiatique, petit guide de savoir vivre (heureux), philosophie du bonheur, L'âme du monde est un condensé de la bonne parole ; une expression à forte connotation religieuse mais qui trouve ici...

le 2 janv. 2013

10 j'aime

L'Âme du monde
Eric17
8

Pour les adeptes de parenthèses spirituelles...

J’ai découvert Frédéric Lenoir à travers ses interventions dans l’émission « C dans l’air ». Ce philosophe et historien des religions a toujours su m’intéressant autant par son érudition que par le...

le 29 juin 2014

8 j'aime

3

L'Âme du monde
Kitou_Lor
8

Une spiritualité pour tous

L'histoire est superficielle, peu réaliste mais elle permet de mordre à l'hameçon... Prétexte à une réflexion lumineuse sur les fondements d'une vie épanouie, et surtout démonstration de...

le 30 déc. 2014

5 j'aime

Du même critique

Charlotte
François_CONSTANT
8

Critique de Charlotte par François CONSTANT

La chevauchée tragique de la Mort qui pousse à vivre. La Mort qui s’approche, s’accroche, fait peur, étouffe, éloigne, rapproche. La Mort qui force Charlotte Salomon, juive allemande, à devenir sa...

le 20 nov. 2014

18 j'aime

4

L'Amour et les forêts
François_CONSTANT
8

Critique de L'Amour et les forêts par François CONSTANT

À travers « L’AMOUR ET LES FORÊTS », paru chez Gallimard en 2014, je découvre l’auteur Éric REINHART. Belle découverte ! Bénédicte Ombredanne est une lectrice de cet auteur. Ayant apprécié son...

le 27 févr. 2015

17 j'aime

4

L'Art de perdre
François_CONSTANT
8

Critique de L'Art de perdre par François CONSTANT

« L’art de perdre » écrit par Alice ZENITER est la troublante histoire du silence de deux nations conduisant à la perte de paroles, donc de mémoire, de trois générations, celles d’Ali, Hamid et...

le 7 nov. 2017

14 j'aime